En parallèle
14-24-74
Aline vient s'occuper du Papy à chaque Noël pour l'aider à préparer les fêtes, à recevoir sa famille.
D'année en année, elle finit par en faire partie. Elle est inquiète pour Papy, son autonomie baisse, il est de plus en plus affaibli par la maladie. C'est la première année où il n'a pas pu s'occuper du feu, allumer la cheminée à la tombée de la nuit. Les enfants ont décoré le sapin dans un salon froid.
Papy observe Aline dont tous les gestes, toutes les paroles et tous les actes ne sont que bienveillance. Aline veille sur lui. Pour elle la démarche est naturelle et logique, il a toujours été gentil et reconnaissant.
Ce soir elle reste pour l'aider à se mettre au lit. Elle sent bien ce qu'il pense. Que c'est peut-être le dernier Noël. Il est dans l'acceptation. Elle est dans la dévotion. Elle met sa main sur la sienne et de l'autre elle lui remet doucement les cheveux en place, comme une caresse.
Tout d'un coup, Papy sursaute, il a… comme une crampe à l'entrejambe. Aline s'en aperçoit. Papy est gêné. Aline se souvient de l'information sur la misère sexuelle des personnes en situation de handicap qu'elle a eu pendant son stage d'assistante sociale. C'était bien présenté. Personne n'a trouvé ça glauque ou choquant. Aline rassure Papy avec sa main sur sa joue, il détourne le regard. Elle pose l'autre sur…
15-25-75
Le dernier Noël de Papy a été merveilleux. Même cloué dans son fauteuil roulant, toute sa famille autour le chérissait. Sans oublier Aline, plus resplendissante que jamais. Tellement aimante et dévouée, elle le réchauffait de son regard direct et bienveillant, de son sourire de Joconde, tout un langage non verbal pour lui qui ne pouvait plus parler mais qui était persuadé qu'elle entendait toute la reconnaissance qu'il avait pour elle.
Au pupitre à l'église, à la suite d'un psaume imposé, Aline rajoute quelques mots : « jusqu'au bout il a été entouré de l'amour des siens qui ont chacun une part de lui à transmettre, celle de la précieuse vie qui lui a été donnée et qu'il nous confie, à nous de lui faire honneur ». Tout le monde n'a pas tout compris, jusqu'au cimetière.
Le son d'une cloche triste au loin, le cercueil effectue son dernier trajet dans le sous-sol de la concession familiale. Une larme sur la joue d'Aline accompagne le mouvement. Toute l'absence de Papy fait place à la présence intime de son petit-fils qui lui tient la main les doigts entrelacés à la vue de tous, comme pour officialiser l'héritage d'un amour à donner, à recevoir, à partager, au prochain Noël.
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