Chapitre 4: Aveux.
Chapitre 4: Aveux.
Gabrielle n'avait rien fait, n'était pas allée se coucher. Elle était restée dans la chambre sans bouger. L'idée d'aller dormir lui coûtait car chaque fois qu'elle fermait l'œil, des cauchemars l'assaillaient. Le temps passait trop lentement, allongée dans ce lit à regarder le mur, le plafond…
Ce ne fut que vers deux heures du matin qu'elle enfila une robe. Juste de quoi être présentable. Pas de corset, pas de maquillage, pas même de chaussures. Avant de quitter la pièce, elle attrapa le rasoir toujours planté dans le bois de sa commande et le glissa dans sa poche. C'était peut-être inutile, mais Armand lui avait ramené… Il pouvait donc avoir une utilité après tout?
Il lui fallut quelques minutes pour descendre les étages, et avancer dans les couloirs qui semblaient déserts. Plusieurs fois, elle avait hésité à remonter, mais de toute manière, que pouvait-elle faire d'autre? La solitude lui pesait, et ses pensées tournaient tant dans sa tête qu'elle n'arrivait jamais à la moindre conclusion. Rien ne lui apportait de satisfaction ou de soulagement, au contraire, les questions en entrainaient d'autres, puis encore d'autres…
Doucement, elle avança vers les pièces qu'elle connaissait, la bibliothèque, le salon de musique, la serre, les cuisines… Retrouver Armand dans cet immense hôtel particulier était un calvaire car l'angoisse de croiser un vampire qui lui était inconnu la tenaillait. Gabrielle rejoignit alors le bureau où elle avait vu une fois Armand discuter avec Elisabeth. Et cela ne manqua pas, la porte était presque fermée, mais à l'intérieur elle pouvait entendre des pages que l'on tournait et une discussion à voix basse.
« Tu peux entrer.» Fit la voix d'Armand à l'intérieur alors qu'elle n'avait même pas frappé.
Gabrielle poussa alors le battant pour entrer. A l'intérieur, Armand n'était pas seul. Mais la surprise la garda longuement silencieuse. Face à elle, le commissaire Daniel Taylor était debout regardant par-dessus l'épaule d'Armand, il ne portait pas son uniforme et semblait parfaitement détendu. Qu'est-ce que cela voulait dire? Son étonnement dû se lire sur son visage, car Armand prit la parole:
« Daniel est un vampire, aussi, commença t-il à expliquer. Il travaille pour moi dans la police auprès des humains. Nous tentons de faire en sorte que les affaires concernant les vampires soient classées sans suite ou juste non prise en compte.
- Je suis très heureux de vous savoir en vie, Mademoiselle, sourit Daniel.
La jeune femme resta sans voix. Autant, elle avait réussi à percer Armand à jour en passant du temps auprès de lui, autant des personnes comme le commissaire Taylor étaient passé totalement hors de sa vue. Pouvait-il y en avoir d'autres qu'elle connaissait?
- Laisse-nous Daniel, s'il te plait. Nous reprendrons tout ceci plus tard.
- Oui, Maître, fit-il avec un élégant mouvement de tête avant de se retirer.
- Viens Gabrielle, ferme la porte derrière toi.
Elle s'exécuta sans discuter puis vint s'asseoir face à Armand au bureau. Tranquillement, il referma le porte document devant lui et s'adossa au fond de sa chaise.
- "Maître"? demanda t-elle avec une pointe de sarcasme.
- Oh, déjà? répondit Armand, d'un air de prédateur.
Gabrielle ouvrit la bouche, sentant son visage se mettre à chauffer.
- C-ce n'est pas ce que je voulais dire, bredouilla t-elle.
- Je sais, Gabrielle. Mais c'est toujours délicieux de te voir rougir jusqu'aux oreilles, sourit-il, semblant s'amuser comme un chat avec une souris. Puis il reprit. C'est juste comme cela que tout le monde m'appelle. Je suis… - Il hésita sur les mots à prononcer - Le maître des lieux.
- N'est-ce pas un peu... orgueilleux? Pour le simple fait d'être le propriétaire d'une maison? ironisa-t-elle commença à sentir le sang quitter ses joues.
- Je n'ai pas dit que je parlais de cette maison.
- Alors de quoi parles-tu?
Armand sembla légèrement mal à l'aise, son regard avait tendance à fuir sur le côté.
- De… Paris, mais aussi… ses régions alentour, allant d'une frontière à l'autre, éluda t-il, pesant ses mots.
Gabrielle se ravisa, et ouvrit les yeux plus grands en comprenant ce qu'il essayait de lui faire comprendre.
- Tu essayes de me dire que tu es la personne qui règne sur les vampires… de France?
- Les régions où nous vivons ne sont pas aussi bien définies que les frontières des humains, mais globalement; Oui, en effet.
A nouveau elle garda le silence. Ceci expliquait cela… D'où la tenue, sa façon de se tenir, et comment les autres lui adressaient la parole et se comportaient devant lui. Armand n'était pas n'importe qui au sein de son espèce… L'information avait du mal à être traitée et intégrée dans son esprit.
- Cela te semble ridicule, je sais.
Gabrielle secoua la tête.
- Ce n'est pas ce que j'aurais dit. Alors, tu es une sorte de… roi? de président? osa t-elle demander, se sentant bête de poser pareille question.
Armand rit nerveusement tout en baissant les yeux.
- Non, pas vraiment. S'il fallait trouver un autre mot, je dirais… régent.
- Alors qui est au-dessus de toi?
- Nous avons une Impératrice. Elle règne avec une cour sur le continent, cette cour se compose de plusieurs régents, qui sont chargés de territoires plus restreints.
Gabrielle n'était pas impressionnée par le statut d'Armand, sûrement pour la simple raison qu'elle ne réalisait absolument pas ce qu'il était en train de lui dire. Pour elle, il n'avait toujours été qu'un conseiller de l'ombre, son ami.
- Et comment cela se passe-t-il? Organisez-vous des élections? demanda t-elle, voulant trouver les détails qui finiraient par la faire réaliser pleinement.
- Non, nous ne sommes pas assez et trop dispersés. Les vampires prennent le pouvoir par la force. Les plus anciens et les plus puissants sont en haut de l'échelle. Notre peuple ne reconnaît que cela: le mérite.
Elle n'osa pas en demander plus, la curiosité lui brûlait les lèvres; Mais elle craignait de découvrir des horreurs qu'elle n'était pas prête à entendre. Armand venait donc de lui faire comprendre qu'il était sûrement plus puissant que quasiment tous ses congénères.
L'idée de voir une femme à la tête d'un gouvernement, ou d'un peuple lui plaisait beaucoup, elle devait être exceptionnelle pour etre arrivée jusque là. Et ce même peuple avait accepté de la voir s'élever si haut dans la hiérarchie, pour quelqu'un comme Gabrielle qui avait toujours vu ses semblables être simplement les possessions de leur maris: c'était incroyable. Les vampires n'avaient pas les meme moeurs de toute évidences, autour d'elles tous n'avaient toujours fait preuve que de condéscendance ou de mépris pour son sexe. Pierre en était le parfait exemple… Mais alors qu'elle pensait à Pierre et que plusieurs secondes de silence s'était écoulées; Gabrielle changea de sujet:
- Tu ne sembles nullement attristé par la mort de ton ami, Pierre?
Armand se redressa et perdit son petit sourire provocateur.
- Non. Je détestais cet homme jusqu'au plus profond de mon être. Un arriviste, égocentrique, dépravé, cracha t-il. Une flamme s'était allumée dans ses yeux. Ce que tu lui as fait n'était que justice et je suis profondément satisfait qu'il ait souffert, qu'il ait le temps de se voir mourir sous tes mains.
Gabrielle se sentit très mal à l'aise en entendant Armand parler si ouvertement de ce qu'elle avait fait. Elle réalisait chaque fois qu'elle l'avait vraiment fait. La nausée se mit à la tarauder.
- Et comment une personne que tu exécrais de cette façon est-elle devenue ton ami? demanda t-elle, tentant de dégager sa gorge resserrée.
Armand se leva de sa chaise, lissant les pans de sa veste.
- Allons discuter de cela ailleurs, c'est une longue histoire.»
Gabrielle le laissa passer devant et le suivit alors jusqu'à son salon préféré, celui avec la cheminée et le piano. Le feu crépitait joyeusement, emplissant la pièce d'une douce chaleur et odeur de pin. Gabrielle se rendit compte à quel point elle avait froid. Son corps s'était sûrement mis en sommeil; à cette heure de la nuit cela semblait normal.
Armand fit appeler une domestique pour qu'on leur amène à boire et à manger, puis invita enfin Gabrielle à s'installer dans un des sofas. Puis il déboutonna sa veste et s'installa face à elle, de l'autre côté de la table basse. Alors qu'ils commençaient à discuter, on leur amena un plat de fruits, de fromage et de pain, avec un thé fumant et une carafe de vin posée sur un plateau avec un seul verre.
« Il y a deux ans, j'ai commencé à vouloir me mêler au monde des humains, comme certains d'entre nous le font. Quelques uns tentent de vivre une vie normale, et d'autres sont infiltrés dans le gouvernement, dans la police, à l'hôpital, dans les rédactions de journaux, ou même serveurs, dans certains bars bien situés. Comme je te l'ai expliqué au sujet de Daniel, cela nous permet d'avoir un œil sur ce qu'il se passe, ce qui se dit, mais surtout de ne pas non plus nous laisser emporter par le temps qui passe. Beaucoup d'entre nous n'arrivent pas à suivre, les modes, les évènements, l'Histoire simplement; une vie immortelle est un miracle, mais aussi un supplice pour certains. Et vivre parmi les humains, en travaillant nous permet de rester bien vivant, en se sentant utile, et surtout de protéger les nôtres.
Pendant qu'Armand parlait, Gabrielle prit un morceau de pain et du fromage qu'elle commença à grignoter, le fait de l'écouter pourrait sûrement distraire son esprit qui ne la laissait plus rien avaler sans avoir envie de vomir instantanément.
- Bref, il me fallait trouver un bon moyen de me mêler aux humains, de me rapprocher de la politique sans éveiller les soupçons et sans être moi-même sur le devant de la scène. Il me fallait un faire-valoir. Après quelques recherches, j'ai donc choisi Pierre, c'était un avocat brillant, avec un excellent sens de la répartie et plutôt doué dans son travail. J'avais appris qu'il projetait de rentrer en politique et je jugeais qu'il en avait les capacités et les relations. Un soir, je me suis donc rendu à son cabinet prétextant un rendez-vous. Sur place, j'ai … Armand hésita. J'ai pris possession de son esprit, j'y ai implanté des souvenirs de moi, comme si nous étions de vieux amis, j'ai tout appris de lui de cette façon également. Je n'aimais pas beaucoup ce que j'y avais trouvé, mais je pouvais aisément contrôler ses pulsions, ses travers et penchant. Son potentiel restait excellent, et il ferait l'affaire.
Armand changea de position, pour se servir un verre de vin. Le liquide était bien plus foncé et plus dense que de l'alcool. Gabrielle se força à ne pas regarder, ne voulant pas s'avouer ce que cela pouvait être. Son appétit s'était déjà tari… Il bu une gorgée avant de reprendre:
- Mais il y avait un élément indésirable à prendre en compte. Je voulais certes me raccrocher à la réalité après une longue période loin des humains, mais ce n'était pas seulement pour servir mes semblables. Chez les vampires, malgré l'immortalité, il existe quelques maladies, très peu. Mais elles sont redoutables. Et j'étais atteint d'une d'entre elles, la pire. La Malédiction du Sang, qui n'est en rien une malédiction cela dit en passant. C'est une sorte de dégénérescence qui plonge peu à peu les vampires dans la folie. Cela commence insidieusement, d'abord on se détache des émotions, de la réalité. Nous n'avons plus de plaisir dans les activités du quotidien, plus d'empathie face aux gens, rien ne nous atteint. Souvent, le simple fait de devenir insensible pousse les vampires à corser leurs passe-temps, se mettre en danger, les rendant plus intenses: et cela suffit souvent, la nouveauté nous réveille et nous sort de la torpeur. C'était ce que je voulais faire, en retournant chez les humains mon quotidien était bouleversé et je pouvais découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux plaisirs et objectifs.
- Et comment est-ce? Après les premiers symptômes? demanda Gabrielle, inquiète.
- Tu l'as vu par toi-même, Ellias était un vampire qui était au stade final de sa malédiction. Il prenait des risques inconsidérés, tuant à tour de bras sans plaisir, ni but. La folie envahit chaque parcelle de notre esprit, on finit par devenir plus animal qu'humain…Cela nous pousse soit au suicide, soit nous nous faisons surprendre par des humains, ou le soleil.
Gabrielle acquiesça doucement, elle se rappela soudainement que Ellias leur avait déjà dit tout cela, mais cela n'avait eut aucun sens pour elle. Ce jour-là, elle avait été paralysée de terreur et avait eu du mal à tout saisir et retenir. Ellias avait dit qu'il n'avait rien à perdre. De toute évidence il avait déjà tenté de pimenter son quotidien, mais rien n'avait visiblement fonctionné pour lui. De comprendre et réaliser tout cela là rassurait. Ellias avait eu cette attitude de prédateur, d'animal parce qu'il était malade, il n'était pas représentatif des autres membres de son espèce, comme elle l'avait craint.
- Par la suite, j'ai commencé à fréquenter des soirées mondaines, des dîners officiels, des réunions d'avocats. Et j'y ai rencontré ton père. En écoutant les discussions de Pierre avec Alphonse, j'ai compris qu'il essayait de marier sa fille aînée. Pierre ne souhaitait aucunement se marier, alors je l'ai manipulé pour qu'il accepte, lui faisant comprendre que cela serait bon pour son image: une épouse le calmerait sûrement, et adoucirait sa réputation. Ton nom de famille était également gage d'une bonne entente entre deux familles puissantes. Ce que je vais te dire ne va pas te plaire Gabrielle, mais écoute-moi jusqu'au bout, s'il te plait. Son regard paraissait soudainement inquiet. J'ai lu dans l'esprit de son père, et découvert qu'il avait des dettes et cherchait un moyen de les combler. Mais mon pouvoir était limité et trop concentré vers Pierre que je devais gérer à chaque instant, et ma maladie m'empêchait d'être aussi puissant qu'avant. Si bien que je ne voyais pas tout, je ne savais pas à quel point ses dettes étaient immenses, ni réellement d'où elles provenaient. Je pensais que la fortune de Pierre pouvait aisément les couvrir. Ce soir-là, je les ai fait discuter, s'arranger; Pierre a offert à ton père une somme conséquente, lui permettant - officiellement - d'agrandir le cabinet d'avocat, d'injecter de l'argent dans leur affaire. C'est ce qu'ils s'étaient dit, mais je savais que ton père n'en ferait rien et utiliserait cet argent pour payer ses créanciers. Chacun y trouvait son compte. Ce soir-là, ils ont conclu que Pierre te rencontrerai, Alphonse avait une fille aînée un peu trop âgée maintenant pour faire le mariage dont il avait rêvé pour elle, et Pierre se révélait soudain comme un excellent parti. Ce que je ne savais pas, c'était que cette somme était loin d'être suffisante, hélas.»
Gabrielle ne répondit rien, ne dit rien du tout. Que lui aurait-elle dit de toute façon? Elle en était trop hébétée pour prendre la parole. Armand avait peut-être manipulé Pierre, mais son père avait été bien conscient et avait vendu sa fille contre des francs… Ce n'était pas de la colère ou de la rancune qu'elle ressentait, ni contre Armand, ni contre son père. Armand avait été celui qui avait scellé son destin en lui imposant Pierre, sans qu'elle ne le sache. Elle ne lui en voulait pas pour ça, elle pouvait comprendre que les choses aient mal tourné et qu'Armand avait sous-estimé certains détails. Et puis après tout, au moment où il avait fait tout cela, il n'aura pas pu imaginer jusqu'où tout ceci allait le mener lui aussi. Armand avait été un dommage collatéral de toute cette affaire qui lui avait glissé entre les doigts. Il était évident que s'il avait pu continuer à faire en sorte que tout se passe comme il l'avait prévu, rien ne se serait déroulé comme cela.
Armand pouvait exprimer du regret, Gabrielle n'avait même pas besoin d'entendre les mots qui sortaient de sa bouche pour comprendre qu'il s'en voulait rien que dans son attitude.
Il reprit la parole après avoir laissé quelques secondes de réflexion à Gabrielle.
« Et arriva cette soirée, où Pierre a fait ta connaissance. Ainsi que moi. Les yeux dans le vide, son regard s'était adouci et Armand semblait empreint de nostalgie. Quand je t'ai vu arriver, je n'ai pas voulu te regarder tout de suite parce que ton parfum, ton odeur m'était monté à la tête. Il faut que tu saches que pour nous, les humains ont tous une odeur très différente, et un goût spécifique également. Et toi… il soupira avant de la regarder de nouveau, le regard assombri. Tu sentais si bon que je peinais à me contrôler, j'ai envie de t'emmener à part et de te vider de ton sang jusqu'à la dernière goutte, d'arracher son cœur de ta poitrine pour en extraire jusqu'à la moindre substance. Mais quand j'ai levé les yeux sur toi, tu étais là, toute en colère que je t'ignore. Les joues et le décolleté rougi. Tu m'as regardé puis tu as cillé, ne pouvant soutenir mon regard. Je me suis dit que tu serais ma perte.
Il avait prononcé les derniers mots presque dans un souffle, ne la regardant heureusement pas. Et Gabrielle avait senti de nouveau le sang lui monter aux joues et son cœur se mettre à battre de façon bien trop puissante dans sa poitrine. Elle se souvenait également parfaitement de cette soirée, mais Armand semblait avoir fort bien contrôlé ses émotions, car sa version de l'histoire était toute différente de ce qu'elle avait vécu face à un homme froid.
- Ma seule défense a été la provocation. Le parfum que tu portais ne se mariait pas avec l'odeur de ta peau et jurait. Je ne pouvais m'empêcher de te le dire, et je voulais savoir comment tu réagirais. Au lieu d'être simplement outrée par mon attitude de goujat mal appris, tu m'as répondu sur le même ton. J'eu de nouveau envie de te dévorer sur place. Tu semblais réveiller en moi ce qui était en train de se perdre. Avant que tu partes, je t'ai dévisagé, et j'ai accédé à ton esprit pour goûter à ce que je faisais naître en toi. Ta colère et ton répondant m'avaient conquis. Les fois suivantes, je faisais exprès de te provoquer sans cesse, pour te voir rougir, pour sentir le sang affluer sous ta peau échauffée. Et avec le parfum que je t'avais offert, c'était... parfait. Je venais presque chaque nuit dans ta chambre, pendant que tu dormais, et je venais boire un peu de ton sang. Son goût était encore plus incroyable que ce que je ne pouvais imaginer. Je n'arrivais pas à m'arrêter, mais quand j'ai commencé à te voir fatiguée, tomber en manque de fer, devenir aussi livide et maladive, j'ai ralenti, conscient que je dépassais les bornes et que j'entravais l'avenir que je voulais que tu aies avec Pierre.
Armand poussa un soupir, et s'éclaircit la gorge. Il n'avait toujours pas croisé son regard.
- En parallèle, l'affaire du tueur en série commençait à se préciser, j'avais tenté de faire disparaître des preuves, de faire muter le docteur Courtois, mais rien n'y faisait. Cet imbécile d'Ellias laissait toujours plus de preuves et de cadavres derrière lui. Nos lois nous interdisent de tuer un autre vampire, nous ne pouvions que masquer tout cela et essayer comme nous pouvions, Daniel et moi, de ralentir l'affaire. Il était également très difficile à trouver, se déplaçant chaque jour.
Encore une fois, Armand s'arrêta pour boire une plus longue gorgée de sa boisson. Il regardait la cheminée.
- J'étais épuisé, d'avoir la main sur Pierre, de gérer tout cela, de ne plus assez dormir. Alors parfois, son esprit et ses travers reprenaient le dessus. C'est comme cela qu'il t'a montré ses plus mauvaises facettes. La domestique ici, ses paroles blessantes, la façon dont il t'a touché et regardé à Varengeville.
Serrant son verre dans sa main, Armand dû rapidement le reposer avant de le briser. Ses jointures étaient blanches et sa mâchoire ne cessait de se contracter et décontracter.
- J'arrêtais donc de jouer avec toi après t'avoir mis en danger et voulu t'aider un peu, juste un tout petit peu avec Pierre en te parlant, en tenant de t'offrir mon amitié. J'ai failli te tuer sur ce canapé ici même, tu t'étais assoupie pendant que jouait du piano. Je me suis donc approché de toi, pour boire juste un peu. Mais j'eu du mal à m'arrêter et tu as frôlé la mort. J'étais trop bouleversé de ne pas avoir réussi à me contrôler que j'ai décidé de te laisser recouvrer tes forces ici, sans venir te voir et en me promettant de ne plus te toucher une seule fois. Puis il y a eu notre séjour à la mer, je n'osais pas passer beaucoup de temps avec toi, parce que je me sentais faiblir et chaque jour tomber un peu plus pour toi. Et toi de moi… C'était un jeu dangereux car je devais te laisser vivre ta vie, sans trop interférer, car je n'avais rien à t'offrir, et les intérêts des vampires passaient avant mes problèmes personnels. De plus, mon attitude aurait fini par être suspecte, je ne pouvais passer des heures avec toi, t'emmener à l'Opéra ou au musée, tu étais fiancée et c'était inconvenant.
A nouveau, il poussa un soupir, reprenant sa respiration pour ralentir le débit de ses paroles.
- Et il y a eu la soirée que nous avons passée là-bas, le bal masqué. Ce soir-là, la moitié des convives étaient des vampires. J'avais ordonné à chacun de ne pas t'approcher, pour ne pas être tenté par ton sang et te mettre en danger. Comme tu t'ennuyais, tu n'as pas cessé de me suivre des yeux, je sentais mon dos brûler sous ton regard. J'ai tenté de te faire arrêter en badinant avec une femme, et j'avais soif, terriblement soif. Alors je l'ai emmené à l'étage. Mais tu nous as suivi, tu as regardé par le trou de la serrure, puis tu t'es enfuie.
Gabrielle avait ouvert la bouche, Armand savait tout, il savait tout d'elle absolument. C'était à la fois perturbant, horrible et réconfortant. Réconfortant car malgré cela, il était resté.
- J'ai senti ta colère, ton désir et tes sentiments. J'étais furieux, et même après ce moment avec cette femme, je n'étais pas calmé. Alors je t'ai rejoint dehors et…
- Comment cela? l'interrompit-elle, d'une toute petite voix. Non, je suis restée sous l'orage pendant des heures, puis je suis allée me coucher.
Gabrielle, ne se rappelait pas du tout de la même chose que lui.
- C'est normal. J'ai créé une ... une barrière dans ton esprit. Derrière cette barrière, j'ai enfoui certains souvenirs, certaines choses que tu avais vues. Pas seulement me concernant, mais également ce que Pierre te faisait. Un jour, si tu le souhaites, je pourrais briser cette barrière pour te rendre ta mémoire. Je peux également choisir ce que je peux te rendre. Mais je te préviens que rompre la digue sera difficile et douloureux.
Gabrielle avait posé ses mains contre sa bouche, tremblante. La simple idée qu'elle ait pu oublier des choses la terrifiait, qu'est-ce qui se cachait au fond de sa tête qu'Armand avait préféré lui épargner? Cela commençait à faire beaucoup.
- Pour te donner une idée, si tu veux, je peux te rappeler ce qu'il s'est passé quand je t'ai rejoint dehors cette soirée-là. Rien de très grave, rien de trop important, mais tu comprendras très vite l'effet que cela peut produire sur l'esprit quand on lui rend de manière aussi brutale un souvenir.
La jeune femme hésita, la peur avait pris le dessus, mais une petite partie d'elle-même était curieuse. Alors qu'Armand se levait pour la rejoindre sur son canapé, elle ne dit rien, ne l'empêcha pas.
- Je vais avoir besoin de te toucher, Gabrielle. Je sais que mes mains froides ne te plaisent pas, mais je veux que tu me dises si tu le veux vraiment. expliqua-t-il d'une voix très douce.
- D'accord… » s'entendit-elle souffler.
Armand se rapprocha alors d'elle, son cœur battait si vite qu'elle se demandait s'il pouvait l'entendre de là où il était. Les deux mains d'Armand se posèrent de chaque côté de son visage, le prenant en coupe avec douceur alors qu'il fermait les yeux. Dans son esprit elle sentit comme une ombre, une présence s'avancer… Soudainement Gabrielle sursauta, puis recula se dégageant de sa prise. Les images d'Armand contre elle, le son de l'orage, la chaleur dans son corps, le plaisir, la douleur à son cou, puis Pierre, le sang, la pluie. Tout lui revint en mémoire, comme si elle ne l'avait jamais réellement oublié. C'était d'une précision parfaite, si parfaite qu'elle savait que cela ne pouvait avoir été imaginé: l'odeur des embruns mêlé au parfum d'Armand, la dureté et la chaleur relative de son corps contre le sien, le souvenir fugace et intense du plaisir lié à la peur et la surprise. Le contact de l'arbre derrière elle et le le bruit des vagues, de la pluie qui battait les branches d'arbre et le grondement de l'orage… tout était là, comme si ce moment n'avait jamais quitté sa mémoire.
Il était venu pour elle.
Armand avait eu la délicatesse de se lever et de retourner à sa place sans lui infliger le poids de son regard. Avant qu'elle ne se mette à trop penser, il reprit la parole pour continuer son récit.
« En voulant passer du temps avec toi, au détriment de tous les principes que je m'étais imposé, j'avais perdu du pouvoir sur Pierre qui était encore venu troubler ma paix. Il n'eut jamais aucun souvenir de ce qu'il avait vu. Et toi non plus, car c'était une erreur de ma part, de l'égo mal placé, de la fierté et surtout un manque de contrôle. J'avais de nouveau bu ton sang pendant que tu te laissais aller contre moi, et je n'arrivais plus à penser correctement. Tu es repartie à Paris, et je vous ai rejoint quelques jours plus tard. Une fois de plus, j'avais décidé de ne plus intervenir dans ta vie. Ton amour pour moi me perturbait, me bouleversait et m'empêchait de me concentrer sur ma mission: protéger mes semblables. Je n'avais pas le droit de t'aimer et je me réconfortais en me disant que ce n'était que ton sang qui me faisait cet effet. Il rit amèrement en secouant la tête. Un bien beau mensonge, car à mesure que le temps passait, ma malédiction du Sang avait disparu, mais en laissant place à autre chose. Plus je me mentais à moi-même et plus je restais loin de toi, plus mon pouvoir s'amenuisait. Ton esprit qui m'avait toujours semblé être comme un livre ouvert que l'on crie à travers une pièce, se refermait doucement. Je n'avais presque plus de prise sur Pierre non plus et n'arrivait pas à contrôler sa libido débordante. Il passait ses soirées dans les bordels les plus immondes de Paris et j'avais peur que quelqu'un ne le perce à jour. Par je ne sais quel miracle, personne ne le reconnaissait.
Armand vida son verre d'une traite, la conversation semblait commencer à devenir difficile pour lui. Il était nerveux et changeait sans cesse de position. Gabrielle ne disait toujours rien, écoutant avec avidité toute cette histoire qu'elle n'avait jamais osé imaginer et que Armand avait si bien dissimulée.
- Puis tu as croisé la route d'Ellias, que tu as reconnu. Il fallait que ce soit toi. Car il savait que tu étais, tous les vampires de Paris savaient qui tu étais. L'humaine, la renarde du Maitre, comme ils disaient, rit-il jaune. Il a massacré ta famille dans un accès de folie. Je n'ai rien pu faire, je ne voyais plus rien, j'étais épuisé, vidé de ma magie. Quand tu es restée des heures à pleurer sur mes genoux, je dissimulais du mieux que je pouvais ma culpabilité. Je me sentais responsable de t'avoir embarqué dans cette histoire, de t'avoir mêlée à une affaire aussi dangereuse. Et également de t'avoir jetée dans les bras de Pierre. Et je le suis toujours à ce jour.
Armand leva un peu les yeux vers elle, Gabrielle se sentait si mal, comme si son esprit avait quitté son corps. Elle était assise, sans bouger, fixe.
- Et est arrivé le jour de votre mariage. Quand je me suis retrouvé avec toi dans le carrosse, j'étais venu juste pour être sûr que tu ne te jetterais pas sur la route, ou d'un pont. Je ne savais pas à quel point tu pouvais être dévastée, et je ne pouvais rien y faire. Mais quand je t'ai vue dans ta robe de mariée, celle que j'avais fait faire pour toi, avec cette bague de fiançailles que j'avais moi-même achetée. Tu étais toute tremblante, si maigre et si fragile. Je me suis approché de toi pour juste te donner tes fleurs, mais je n'ai pas réussi à retenir les mots qui sont sortis de ma bouche. Ni de t'embrasser. Ce que je t'ai dit juste après, c'était parce que je savais que tu n'aurais aucun souvenir de ce moment car je comptais mettre ce moment-là également derrière la barrière de ton esprit. En pouvant te toucher et être proche physiquement, j'avais encore la capacité de le faire. J'avais voulu te laisser parler pour me punir, pour réagir, faire quelque chose… Sauf que j'étais perturbé par ta colère et ta douleur, que je t'infligerais encore tout cela par égoïsme, et que je n'avais pas vu que nous étions arrivés. Tu es sorti trop vite du carrosse pour que je te retienne et ne puisse effacer ta mémoire. L'univers s'effondrait devant moi car j'étais responsable de nouveau ton malheur, et tu me détestais.
Armand s'était levé pour se mettre à marcher lentement de long en large dans la pièce.
- Durant la soirée j'ai essayé de te parler, mais tu me fuyais, tu m'incendiais du regard. C'était une torture. Mais d'un sens, la colère que tu ressentais contre moi t'empêchais de sombrer dans le néant, tu pouvais t'accrocher à cela pour te battre. Puis Pierre t'a forcé à danser avec moi, nous nous sommes de nouveau disputés et tu t'es enfuie pour te cacher. Sauf que, ce dont tu ne te souviens pas, c'est que je t'ai suivi.»
Armand était désormais du côté de Gabrielle, derrière son canapé. Les mains un peu tremblantes, il les tendit vers elle, lui faisant implicitement comprendre qu'il voulait de nouveau lui redonner un morceau de sa mémoire. Sans un mot, elle consentit à le laisser faire. Effleurant sa joue de sa main fraîche, son pouvoir s'infiltra dans son esprit, cette ombre de nouveau.... Mais cette fois, l'épreuve fut plus compliquée, un mal de tête comprima ses tempes et elle se mit à sentir quelque chose couler de son nez. Elle comprit rapidement que c'était du sang. Elle comprit tout de suite en quoi cela pouvait être douloureux, à la fois physiquement et mentalement. Elle chercha un mouchoir dans sa poche et le plaqua contre son nez, voulant éviter de se tacher, mais aussi de laisser son odeur s'échapper… Bouger lui avait donné une contenance, mais les souvenirs étaient si vivaces. Gabrielle baissa la tête en laissant ses larmes couler. Comment avait-elle pu oublier cela, comment … La colère et le désir d'Armand l'avait bouleversée, et elle s'était laissée consumer par son envie et sa rancune. La façon dont il l'avait tenue dans ses bras ne voulait pas la quitter. Elle serra fort les paupières pour se retenir, s'empêcher de continuer à se ridiculiser. Mais Armand ne lui disait rien, ne faisait aucun commentaire et c'était sans doute mieux comme cela.
Elle jeta son mouchoir ensanglanté au feu, sentant que l'hémorragie s'était heureusement vite stoppée.
« Les humains et les vampires ne peuvent avoir de relations physiques pour plusieurs raisons. Ce sont des moments où nous peinons à retenir notre force et vous êtes si fragiles… Je ne voulais pas que Pierre t'ait entièrement à lui, je voulais t'avoir rien qu'à moi et que pendant même juste une minute, tu ne me détestes plus. Mais j'étais surtout dans état second et incapable de me contrôler. Pendant ce genre de moment intime, votre sang s'échauffe, vous remplit et devient plus odorant, plus irrésistible. Certains d'entre nous ont développé le goût de ne se nourrir que de cette façon, en séduisant leur victime et passant un moment avec elles… Armand se racla la gorge. Je m'égare, mais c'est seulement pour que tu puisses essayer de comprendre ce qu'il s'est réellement passé. Quand j'ai réalisé que tu étais en train de partir, j'ai enfreint une de nos règles, et je t'ai fait boire mon sang pour éviter que tu ne meures dans ce canapé. Cela a fait cicatriser les traces de morsures dont tu étais couverte, et t'as remise sur pied.
- Pourquoi à ce moment-là n'as-tu pas effacé de ma mémoire ce qu'il s'était passé avant le mariage? demanda Gabrielle d'une voix rauque.
- Il s'était écoulé trop de temps et de choses entre ce moment et celui où je pouvais le faire. Je n'avais plus assez de force. Et je me disais que c'était là une bonne punition pour moi-même, pour toutes mes erreurs, pour tout ça… souffla t-il, toujours en marchant. Puis, les choses se sont enchaînées bien trop rapidement. Tu t'es retrouvé à l'hôpital à cause de toutes les saloperies que Pierre t'avais transmis en te souillant. Quand tu es revenue de l'hôpital, je voyais le vide dans tes yeux, et je n'avais plus la force de t'affronter. De toute manière, je devais gérer la situation de mon côté. La découverte de notre espèce, les pogroms, les incendies, les meurtres. J'avais échoué, nous avions échoué et la situation empirait à chaque seconde. La dernière soirée que nous avons passée ensemble chez moi fut le coup de grâce. En étant si peu discret avec toi, Pierre nous a surpris. Je n'arrivais plus à lui effacer la mémoire, à l'influencer. Et toi, tu me regardais … tu me regardais comme si tu étais terrifiée par moi, tu savais. Je savais que tu savais, mais je ne devais rien laisser paraître, même si c'était absolument ridicule. Quand tu es sorti du bureau comme une voleuse en me traitant de monstre, j'ai cru que j'allais hurler, ravager la pièce, tout brûler, tuer Pierre de mes propres mains. Mais je suis resté là, debout. Comme si tu m'avais assommé. En te croisant de nouveau lors de ta confrontation avec Ellias, j'ai laissé une fleur dans ton sac et je n'osais même plus croiser ton regard. Je savais que c'était la dernière fois que je te voyais, et c'était ma façon de te dire au revoir et à quel point j'étais désolé pour tout cela. Car je savais que tu allais me détester, à raison et que tu aurais peur de moi.
Gabrielle vit Armand essuyer sa joue, une larme de sang ayant roulé dessus. Mais il respira plus fort, semblant tenter de reprendre le dessus. Elle était bouleversée, mais fit comme si elle n'avait rien vu.
- Je ne pouvais que te surveiller de loin. Sans trop savoir ce que tu faisais car ton esprit m'était à présent totalement fermé. Mais celui de Marguerite moins, je parvenais à y puiser quelques mots que tu échangeais avec elle. C'est comme ça que j'ai su que tu voulais te confronter à Pierre après avoir découvert ton certificat de décès. J'ai attendu dans le couloir, juste au cas où les choses ne se passent pas comme prévu. Nous avons pour principe de ne pas influencer la vie des humains quand cela ne sert pas notre cause. Je ne peux donner de l'argent à un homme dans la rue, ou lui révéler que sa femme le trompe, en revanche, je peux effacer ta mémoire si c'est pour nous protéger. Mais maintenant, nous étions en guerre. Cela ne tenait plus, et c'était le moment ou jamais. Si je devais faire quelque chose pour toi, toi qui étais en train de tuer notre ennemi, c'était à ce moment-là. J'avais peur qu'il prenne le dessus sur toi… Mais tu as été incroyable, grandiose. J'ai ressenti ta fureur et ton instinct de survie jusque dehors. Et tu es sortie de cette pièce, telle une héroïne de roman, telle une peinture mythologique. Blessée, mais victorieuse. J'étais venue te chercher, car maintenant, tu étais d'une façon de notre côté. Avec Pierre mort, et publiquement toi également, tu pouvais venir ici et connaître enfin la paix et la sécurité.
Armand s'assit derrière son piano, éprouvé par son long récit.
- Voilà. Tu sais tout.» lâcha t-il enfin, laissant ses épaules s'affaisser.
Gabrielle n'avait pas bougé, n'avait rien dit. Mais maintenant, son esprit était encore plus confus qu'avant de rentrer dans cette pièce. Un long silence s'était installé entre eux deux, Gabrielle fixait sa tasse de thé encore pleine. Au moment où elle commença à sentir des questions s'élever dans son esprit, et la colère se réveiller, elle refoula tout. Alors elle se leva, époussetant sa robe des miettes qui la parsemait. Lentement, elle s'inclina devant Armand.
« Je te remercie. Je vais me retirer maintenant, s'entendit-elle dire d'une voix d'outre-tombe.
- Mais tu… Commença Armand.
- Je suis fatiguée, répondit Gabrielle, sans lui laisser le temps de finir. Je pense en avoir assez entendu pour ce soir. Bonne .. bonne nuit, Armand.»
Sur ce, elle se retourna et quitta la pièce; elle se sentait pareille à quelques jours auparavant, quand elle s'était détournée du cadavre encore chaud de Pierre. Hors d'elle. Sa conscience comme éteinte et ses sentiments disparus. La réalité elle-même semblait s'éloigner.
Elle devait dormir. Elle en avait besoin, pour fuir.
a suivre...
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