le témoin silencieux (partie 2)
Peinant à voir entre les gouttes de pluie qui s’écrasaient sur son pare-brise, le jeune homme discernait avec difficulté les panneaux qui menaient à la bourgade. Il fut rapidement déçu de tomber dans un petit bourg à l’architecture typiquement anglaise, mais qui semblait morne et sans vie. Il avait loué une petite maison au bout de la ville et assez proche d’une petite forêt. Après encore quelques minutes de route, il se gara enfin devant la demeure. Un petit portillon s’ouvrait sur un petit chemin à peine visible, masqué par des buissons mal entretenus. Aussitôt extirpé du véhicule, Émilien se prit les pieds dans les ronces qui traînaient au sol, puis après avoir récupéré la clé dans la boite aux lettres, il s’avança vers la maison. C’était une petite bicoque en pierre recouverte de lierre mort d’où dépassait une cheminée. L’intérieur était tout aussi froid et lugubre, les poutres bossues donnant l’impression que tout allait s’effondrer.
Cependant, une chose l’avait frappé dès son entrée. Il y avait des photos, beaucoup de photos. Des images en noir et blanc se battaient pour trouver une place sur les murs et ce, jusqu’à l’étage. Émilien se dépêcha de poser l'ensemble de ses affaires pour observer de plus près ces photographies. Elles mettaient toutes en scène des moments de vie du village et dataient d’une cinquantaine d’années au bas mot.
La plupart des photos représentaient la petite ville telle qu’elle était il y a plusieurs années, et mis à part quelques bosquets d’arbres qui avaient disparu et du peu que le jeune homme avait vu, le tout était identique à aujourd’hui. Dans un cadre, on pouvait apercevoir plusieurs adultes et enfants, peut-être une famille, qui posaient au milieu d’une rue, près d’une de ces vieilles voitures de l’après-guerre. Sur une autre encore, un poissonnier levait à bout de bras une énorme morue. Il ne savait pas si c’était la prise de vue en noir et blanc ou le visage austère des villageois mais ces images laissaient une impression dérangeante à Émilien.
Le reste de la demeure était plutôt vide mais dans son exploration, le jeune homme tomba sur une étagère qui gardait un petit trésor. Là, au milieu d’une rangée de babioles, trônait un fantastique télémétrique Contax 1, soit l’appareil photo préféré d’Émilien, celui qui avait donné naissance à sa passion, un véritable joyau à ses yeux. Bien que légèrement rayé, l’appareil paraissait en bon état et c’est d’une main tremblante d’excitation que le jeune homme le portait à son œil. L’objectif fonctionnait, tout dans cet appareil fonctionnait ! C’était une véritable utopie. Stuart avait raison, ce village était bel et bien divin. Émilien passa le reste de la soirée à nettoyer de fond en comble l’appareil et eu la chance de trouver une pellicule vide à l’intérieur. Il prit donc plusieurs photos de la maison qu’il ira faire développer dès le lendemain. Il avait l’espoir d’obtenir un grain authentique et travailler qui lui permettrait de lancer son projet.
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