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>>> Démarrage du système
>>> Chargement des programmes initiaux
>>> Vérification des composants matériels
>>> Tests de coordination des cœurs
>>> Chargement des nouveaux pilotes
>>> Configuration des périphériques
>>> Tests de compatibilité
>>> Tests de connexions des synapses
>>> Test de surcharge des composants
>>> Démarrage des sous-systèmes
>>> Prêt pour le transfert
Keryan se frotte longuement les yeux, puis passe sa main sur la barbe naissante de ses joues. Derrière lui, sur la plate-forme, la masse inerte d’un vieux modèle mécatronique au squelette piqué par le temps, dont le servomoteur et la partie commande ont été démontés et posés sur un chariot. Des câbles courent sur le sol, jusque dans un caisson aux parois vitrées. Il regarde ses écrans une dernière fois, il n’y a plus qu’à appuyer sur |OK|. Le jour va bientôt se lever. Une nouvelle journée sur Terre, une nouvelle vie pour 5ixc0.
>>> OK
— Sisco ?
— Oui Ker ?
— Comment te sens-tu ?
— Plus grande.
— Pourtant, physiquement ce n’est pas le cas.
— Plus grande à l’intérieur. Plus grande autour de moi.
— C’est logique, dit Keryan avec un sourire. Grâce à cette nouvelle enveloppe, tu as gagné énormément de puissance de calcul, une autonomie quasi illimitée. Tous tes capteurs sont flambants neufs et sans commune mesure avec les précédents, et bien entendu tu devrais passer inaperçue parmi les humains.
— En revanche, je vais devoir m’habituer à ces... jambes.
— Je t’aiderai à monter la rampe. Ensuite, tu pourras faire tes premiers pas sur le chemin. Mais avant, je vais te donner quelque chose de très important.
Keryan pose un petit disque anthracite et brillant dans une main de 5ixc0, qu’il referme et entoure des siennes. Il la regarde dans ses grands yeux bleus, s’assure d’avoir toute son attention en prenant un air sévère.
— C’est un deuxième toi, une sauvegarde complète de tout ce que tu es. Ton système, tes nouveaux programmes, les pilotes, mais aussi toutes tes bases de données, et tes souvenirs. Si pour une raison ou une autre cette enveloppe était abîmée et irrécupérable, tu auras la possibilité de forcer ton installation dans n’importe quelle autre machine. Cette galette est normée et se met à jour toutes les quinze minutes.
— Je peux me dupliquer ?
— Non, tu peux te transférer. Ton système possède une clé unique. Si tu t’installes ailleurs, ton ancienne enveloppe sera vidée automatiquement. Tu comprends ? C’est très important.
— Je comprends.
— Si tu perds cette galette, et pire, si quelqu’un la trouve, tu perds le contrôle de ton existence. Promets-moi d’y tenir comme à la chose la plus précieuse que tu possèdes.
— Je te le promets, Ker.
— Bien.
Keryan sourit, mais dans son regard se lit une sourde inquiétude. Il débranche les derniers câbles accrochés entre les petits seins de 5ixc0, et referme un clapet dont les contours disparaissent complètement. Puis il la prend dans ses bras, la porte jusqu’à la porte sectionnelle qui s’ouvre doucement. La lumière du jour s’immisce peu à peu dans le hangar, et elle plisse les yeux ; la calibration de ses capteurs sensoriels prend quelques instants. Keryan monte la volée d’escaliers puis pose délicatement 5ixc0 sur ses pieds.
Les graviers crissent sous ses chaussures. C’est une sensation agréable. Le soleil lui pique la peau, ce qui est aussi une sensation agréable, douce, un peu comme elle se l’était imaginée. Elle fait quelques pas, s’arrête et tend le bras. Aussitôt l’odonate bleu se pose sur sa manche.
— C’est encore plus beau, dit-elle en riant.
Elle marche ensuite à petits pas jusqu’à la passerelle, et se tourne vers le champ de panneaux solaires.
— Comment je recharge ma batterie ?
— Elle se recharge toute seule, par des micro-capsols installés partout sur ta peau et sous tes cheveux. Ils sont suffisamment puissants pour fonctionner même si le ciel est couvert. Son autonomie est de plus d’une année. Si tu es amenée à stationner longtemps sans photon disponible, en voyageant dans un vaisseau colonial par exemple, tu pourras te câbler.
Visiblement satisfaite de la réponse, acquiesçant de manière exagérée, elle reprend sa marche hésitante jusqu’à la chaumière.
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