L’art du compromis consiste à contrarier les uns autant que les autres.

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J’ai prié toute la nuit pour qu’une grève ou une tempête de neige balaie toutes mes prétentions de voyages. Résultat, pas un nuage. Si c’est pas une preuve que dieu me déteste.

— Tu vas faire la tête pendant tout le vol ?

— Oui.

— Tant mieux. T’es moche quand tu souris.

Si mes yeux pouvaient lancer des poignards, David serait mort depuis longtemps. Ce qui aurait été dommage, si je dois être honnête. Il est mon plus beau souvenir d’enfance.

— Hé. Regarde.

Il me montre le magazine qu’il feuillette. Parce que, oui, David lit des magazines. Une femme se contorsionne sur la page qu’il me désigne pour mettre en avant une paire de cuissarde hors de prix et beaucoup de peau.

— Tu trouves pas qu’elle ressemble à ton ex d’y a deux ans ?

— Autant que tu ressembles à mon frère.

Il est confus. David comprend vite, mais il faut lui laisser du temps.

— Pour de vrai ?

— Tu me crois pas assez bonne pour me taper une mannequin ?

— Nan. Je sais que t’as un talent inné pour jouer hors de ta ligue.

— Si je te connaissais moins bien, je pourrais croire que t’es jaloux de me voir baiser plus de femmes que toi.

Un soupir scandalisé s’élève à l’autre bout de la cabine. Il n’y a pas grand monde autour de nous, mais certains sièges ont des oreilles.

C’est mon premier voyage en première classe. Pour David, c’est le second après son voyage de noce. Aucun de nous deux n’est jamais allé à Cologne, ni nulle part en Allemagne, d’ailleurs. Le voyage nous est offert par mon ex. Pas la mannequin à moitié nue à l’exception de ses chaussures, mais l’avocat plein aux as avec qui j’ai eu un bébé il y a huit ans.

— Merde… ça fait déjà huit ans…

— Quoi ?

— Rien.

Cette année, je devais m’occuper de noël. Les années paires sont à moi, toujours, mais il a fallu que l’humain miniature décide de changer les règles : Je veux papa ET maman pour noël.

Reiner ne sait pas dire non, ni à ses parents, ni à ses amis, ni à ses enfants. Parce que, oui, Reiner en a deux, le nôtre, et l’autre, puis la génitrice qui va avec, le tout livré avec mariage heureux. Faut pas croire que je sois amère au point de leur souhaiter un revers de fortune. Les gamins ont besoin de stabilité et tant mieux s’il la trouve avec au moins un parent. Ce qui me tue, et ça fait déjà huit ans, c’est que ce bonheur aurait pu être le mien.

— Hé. Respire, ça va aller.

— Arrête de de me materner.

— Parce que c’est pas pour te materner que tu m’as emmener au lieu d’une de tes top modèles ?

— Je t’ai emmené pour que tu vois ton neveu, pour une fois que tu passes pas les fêtes au fin fond du Groenland. La dernière fois que t’es sortis de ton igloo, c’était pour les dix-huit ans de Lily.

— Je ne vis pas dans un igloo.

—Si tu le dis.

Je m’isole derrière un masque occultant et une paire d’écouteur sans fils.

— Si l’avion se crache, ne me réveille pas.

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