Le jour avait fui.

La ville s'assombrissait peu à peu, elle estompait ses contours et créait des zones floues, opaques. à intervalles réguliers, les réverbères alignés perçaient de petites auréoles claires en partie masquées par les feuilles des platanes. Les trottoirs se trouvaient à présent désertés par les piétons pressés. Quelques rares oiseaux affairés filaient d'un arbre à l'autre à une vitesse vertigineuse malgré des changements de direction brusques et inattendus. Les faisceaux lumineux des phares déchiraient l'obscurité de façon sporadique et fugitive, nombre de véhicules circulaient encore à vive allure. Par intermittence, l'accélération d'un moteur fendait l'espace d'un fracas agressif. Les gaz d'échappement saturaient l'espace provoquant dégoût et étouffement.

Le vent se levait, un balayage modéré parcourait les rues d'un air chaud et lourd, mais les habitants du lieu savaient qu'il ne s'en tiendrait pas là et redoutaient les bourrasques à venir qui jetteraient avec violence feuilles et objets contre les palissades et les murs. Des nuages grisâtres avaient musardé depuis le matin, ils avaient depuis rameuté leurs collègues et s'accumulaient maintenant en paquets noirs empilés.

L'activité humaine avait traduit les fins de journée, les gens s'étaient agités pour accomplir les dernières obligations urgentes. Les pas s'étaient hâtés pour effectuer les achats à la supérette du quartier, récupérer les petits chez la nourrice, toujours plus vite afin de ne pas rentrer trop tard pour donner le bain au bébé et préparer le repas. Les garages s'étaient refermés sur les voitures dont le capot refroidissait. Des portes s'étaient déverrouillées, certaines avaient claqué sous l'impulsion de la brise sournoise, des lumières s'étaient allumées presque aussitôt. Dans chaque cube de béton, un brouhaha familier créé par l'animation soudaine s'était échappé des fenêtres entrebaillées. D'un jardin à l'autre, des aboiements s'étaient répondus. Chacun était rentré chez soi, courbé sous le poids de sa journée de travail.