Première partie - Chapitre 3
Bernard et Martine se connaissaient depuis l'école primaire. Bernard avait tout de suite pris son aile la petite fille qui boitait à la suite d'une méchante polio. Ils ne s'étaient jamais quittés, jamais il n'avait lâché sa main, elle l'avait toujours soutenu dans les tourmentes qu'ils avaient traversées. Le boulot, le manque de cet enfant que la vie leur avait refusé, les ennuis financiers ou de santé, les projets divers et leur réalisation plus ou moins ardue, toute cette suite d'événements avait fait filer le temps.
Aujourd'hui, la journée du couple de retraités s'avérait classique même si quelques variantes venaient casser l'ordre établi. Un petit déjeuner équilibré aux alentours de huit heures, puis des courses au supermarché, un repas accompagné des informations du jour. Après un moment calme de lecture, ils enfilaient leurs chaussures de marche et se dirigeaient vers le grand parc. Celui-ci offrait un espace accueillant aux flâneurs, aux observateurs, aux amateurs de nature. À ceux qui avaient besoin de dépenser leur temps et leur énergie pour fuir le quotidien. Pendant plusieurs heures, ils avançaient dans les sentiers, à découvert ou sous les arbres de différentes espèces sans vraiment en regarder le feuillage ni les branches, sans entendre le chant des oiseaux. Lorsque le soleil commençait à modérer son ardeur, ils se dirigeaient vers la petite colline qui bornait le terrain de façon abrupte et grimpaient sur son flanc caillouteux. Leurs pieds glissaient parfois au risque de chuter, les doigts de Martine se tendaient vers ceux de Bernard, leurs souffles s'amplifiaient dans un ahanement sonore mais ils persistaient. Chaque jour, un défi, une épreuve pour se sentir vivant.
Aujourd'hui, on était mardi. Un jour de plus. À leur retour, fourbus, assoiffés, ils délacèrent leurs chaussures, se débarrassèrent de leurs chaussettes trempées et se versèrent de grands verres d'eau fraîche. Il ne fallait pas s'asseoir trop longtemps pour garder le bénéfice de l'exercice accompli.
Chacun à leur tour, ils se douchèrent pour tempérer leurs peaux moites et les battements de leurs cœurs. Après avoir enfilé des vêtements propres, ils songèrent au repas du soir.
Les aiguilles de l'horloge avaient tourné, la journée allait bientôt se terminer. Déjà, il était temps de regagner la cuisine. Après avoir fait cuire quelques légumes de saison et griller un steak, ils s'attablèrent devant le poste qui ne tarderait pas à diffuser les nouvelles.
Sans échanger un mot, ils avalèrent leurs aliments, attentifs aux paroles émises par la boîte carrée. Un morceau de fromage et un fruit terminèrent leur souper. La dernière bouchée ingérée, ils se levèrent pour débarrasser et laver les divers ustensiles.
Leur plaisir du soir s'avérait simple : s'asseoir sur leur banc devant la maison, regarder le ciel, écouter les bruits environnants et tenter de profiter d'un semblant de fraîcheur avant que le film ne commence.
Une sorte de courant d'air balayait le jardin et les reposait quand un grondement émergea des nuages qui s'assombrissaient. Un premier éclair surgit de l'ouest, sans doute pas très loin. Curieux de le localiser, ils se levèrent, firent quelques pas dans l'allée, main dans la main. Maintenant, aux aguets, ils tournaient leurs têtes à droite, à gauche et tendaient l'oreille dans l'attente d'un coup de tonnerre.
La suite se faisait attendre. Ils progressèrent encore un peu. Un oiseau apeuré traversa l'espace à une vitesse inouïe.
Alors qu'ils s'apprêtaient à avancer encore, la foudre tomba à leurs pieds et les entoura d'un tourbillon de feu dans un souffle.
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