Première partie - Chapitre 4
À bientôt trente ans, Florian vivait en couple avec Elodie depuis quelques mois alors qu'ils se fréquentaient depuis deux ans. Après de longues hésitations, le jeune homme avait cédé à la pression de la société. Lorsqu'elle le présenta à ses parents, le militaire de carrière et son épouse laissèrent pointer une certaine gêne en découvrant la couleur de sa peau. Élodie ne sembla pas s'apercevoir de la tension qui s'installa. Sans doute son éducation entraînait-elle une sorte d'aveuglement. Rien ne paraissait lui avoir été refusé.
Depuis leur emménagement, la jeune femme ne cessait de lui dispenser des recommandations appuyées sur tous les sujets qui finissaient par l'agacer. Ainsi, chaque soir, en sortant du travail, il devait s'arrêter à la supérette, aujourd'hui, pour acheter de la pâtée pour la chienne, des légumes et du pain frais.
Dès son entrée dans la maisonnette, l'épagneule l'accueillit comme tous les soirs avec une fête effrénée et des coups de langue plein d'affection. Zoé calmée, il déposa ses emplettes et enfila un short et un débardeur pour aller courir ; il devait entretenir sa silhouette élancée pour plaire à sa belle. Dans la chaleur ambiante, pendant une demi-heure, il avait lutté pour accomplir son parcours habituel. Les derniers pas furent franchis avec difficulté et il se retrouva trempé en atteignant sa porte.
Installée dans le canapé, Élodie feuilletait une revue. Serrant les dents, il tenta de se faufiler sans bruit jusqu'à la douche.
— Bonsoir, mon chéri, tu ne me fais pas un bisou ? dit-elle sans se retourner.
— Bonsoir, grimaça-t-il.
Dans un soupir, il s'esquiva en bougonnant qu'il transpirait et devait se rafraîchir avant.
Le dîner aurait pu se dérouler dans le calme si élodie, dans son habituel discours interminable, n'avait encore une fois commenté les divers agissements de ses collègues, l'attitude des passants, le comportement des voisins qu'elle estimait stupides, ennuyeux, gênants. Chaque soir, la même rengaine revenait emplie de reproches et de rancune plus ou moins refoulée. Aux yeux de Florian, rien ne pouvait justifier une telle attitude. Son ressentiment perpétuel le fatiguait. Si encore, son enfance et son adolescence avaient été marqués par des événements difficiles, il aurait pu comprendre. Il se retenait donc pour ne pas lui crier d'arrêter mais jusqu'à quand pourrai-il se contenir ?
La dernière bouchée avalée, il se leva, réprimant sa nervosité, emporta son assiette et ses couverts qu'il rinça dans l'évier avant de les placer dans le lave-vaisselle. Élodie, face au mutisme froid du jeune homme, avait fini par stopper son flux de paroles et mastiquait, les yeux dans le vide.
— Zoé, tu viens ?
— On dirait que tu te sens mieux avec elle qu'avec moi.
Il était préférable de tourner les talons.
La chienne le suivit aussitôt dans le jardin. Chaque soir, pendant de longues minutes, tous deux jouaient avec une balle ou un morceau de bois, la chienne effectuant de nombreux allers-et-retours. Elle jappait, trottait, montrait sa joie de partager ses jeux avec son maître.
Soudain, un grondement inonda le ciel. Florian leva la tête. Apeurée, Zoé vint se serrer contre ses jambes. Les nuages gris anthracite formaient un amas d'une hauteur impressionnante. Une lueur les transperça. Un courant d'air furtif cueillit l'homme et l'animal dans un chuintement sans fin.
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