DUBLIN vendredi 6 JUIN 1997
Il n’est pas dans l’avion. Les premiers passagers ont débarqué, franchi la douane, et enfin la porte de la zone internationale. Puis le gros des troupes, et quelques minutes plus tard, les retardataires. J’ai attendu encore un peu. Rien. Personne.
J’ai erré un moment, demandé à plusieurs hôtesses quand arrivait le prochain vol en provenance de Londres. Il a dû avoir un contre temps. Nous nous sommes parlés hier matin au téléphone. Il m’a donné rendez-vous dans le hall de l’aéroport, près de la porte 15. Je décide d’attendre.
J’ai patienté 2 heures et 14 minutes
J’ai à nouveau scruté les passagers qui débarquaient. Les premiers, les derniers. Tous. Les sorties se sont refermées. Après le temps de la foule, ceux qui attendent et de ceux qui sortent, c’est le retour du calme et de la solitude.
Il n’est toujours pas là.
Il y un autre avion qui arrive de Londres en début de soirée. Je ne peux pas me résoudre à quitter l’aéroport. Je vais patienter. Je fais les cent pas. Je m’assois sur un banc. Je me relève. Je bois un café. Je sors prendre l’air. Je reviens. J’achète un journal. Je tourne les pages. Je mange un sandwich. Je vais aux toilettes. J’oublie mon journal. Je tire la langue à un gamin qui me fait des grimaces. Je rebois un café. Je demande encore à une hôtesse si elle a des informations sur les vols en provenance de Londres. Je traverse à nouveau le hall. Je ressors prendre l’air. Je reviens. Je retourne aux toilettes. J’appelle François pour qu’il interroge mon répondeur. J’engueule un gars qui me bouscule. Je m’assois, me relève, achète une pomme et des bonbons haribo. Je finis par commander un whisky que je bois cul sec. Puis un autre. Je rappelle François. Je marche pour me calmer. Je retourne aux toilettes Je vomis. j’achète le kit brosse à dent / dentifrice. Le tout, entrecoupé toutes les douze minutes, d’appels chez lui. Personne ne répond. Douze minutes. Je m’oblige à patienter entre deux tentatives. Dix ça me semblait un peu court, pathétique. quinze beaucoup trop long.
Il est 20h. Il n’est toujours pas là.
Je ne peux m’empêcher de gamberger, d’imaginer tout et son contraire. S’il avait eu un imprévu? S’il s’était fait renversé par une voiture ? Si Janet l’avait kidnappé ? Et s’il était mort ? Qui me préviendrait s’il était mort ? S’il m’avait oublié ? Et si c’était moi qui avait mal compris ?
Je décide de faire ce que j’ai refusé jusque là. Je sais qu’il ne faut pas. Que cela ne m’apportera rien. Que de toute façon je vais le regretter. Mais je suis au bout de mon angoisse, je n’ai aucune autre idée.
J’appelle Matthew.
Il décroche aussitôt. Évidemment, il est dans un bar, pas tout à fait ivre mais je sens bien qu’il n’a déjà plus vraiment ses esprits. Fan de gadgets et frimeur devant l’éternel, il est un des tout premiers à avoir investi dans un mobile. On peut le joindre où qu’il soit, n’importe quand. Je ne sais pas encore que nous deviendrons bientôt accros à ces petits appareils, ni à quel point ils vont révolutionner nos vie. Finies les heures à attendre, sans sortir de chez soi, au cas ou, à côté du téléphone, en espérant qu’il daigne sonner ! Terminée l’angoisse du coup de fil manqué. Désormais nous sommes joignables à tout moment, et gare à celui qui coupe son portable !
Matthew reconnaît aussitôt ma voix. Sait avant même que j’ouvre la bouche ce que je vais lui demander. Il ricane. Il n’a toujours pas digéré que je sois amoureuse de son meilleur ami. Et que ce soit réciproque. Avant Paul, nous étions plus ou moins ensemble lui et moi. Il fut un temps, où j’aurai aimé être sa petite amie mais il n’est pas du bois dont on fait les amoureux. Un amant – particulièrement doué il faut lui reconnaître cela - mais rien de plus. Un sex friend en somme. Je suis parfaitement consciente qu’il joue un double jeu. Je me méfie de lui mais je ne vois aucune autre solution pour avoir des informations.
- Tu es avec Paul ?
- Non, ma cocotte ! Je sens du sarcasme dans sa voix
- Et tu ne sais pas où il est par hasard ?
- Au dernière nouvelle il était à Dublin avec toi…
Il laisse planer comme un doute.
- Avec lui, on ne peut jamais être sur. Je t’avais prévenu…
- Oui. Merci.
Je m’apprête à lui dire au revoir, quand, comme je m’y attendais, il lâche l’info dont je ne voulais pas.
- Je peux appeler Janet, elle doit savoir… Sans rien lui demander, juste pour voir si elle, elle a des nouvelles.
Il insiste bien sur le « elle ». Je ne réponds même pas, le remercie et raccroche.
Dans un denier espoir, je regarde autour de moi, dévisage une fois de plus tous les inconnus qui passent, espérant encore l’apercevoir, lui.
La nuit est en train de tomber. Je suis là depuis des heures. Seule. Je déambule dans le hall, sans but, sans savoir quoi faire, ni ou aller. Aucun autre avion n’arrivera de Londres aujourd’hui. Je dois accepter qu’il n’est pas venu. Qu’il avait sans doute mieux à faire. Je sens le désespoir m’envahir doucement, comme la nuit peu à peu enveloppe l’aéroport tout entier. Les bruits se font plus sourd, les gens moins nombreux. Le terminal se vide.
Je dois réagir si je ne veux pas passer la nuit ici.
Je saute dans un bus pour Dublin city centre. Je me laisse ballotter par les cahots de la route, vidée de toute énergie. incapable de réfléchir. Je descend comme une automate à la station Pearse, je rejoins le quai du DART, le métro local. Et j’attends. Moi qui déteste par dessus tout poireauter, je ne me rends même pas compte qu’il met plus de temps que prévu à arriver. Les autres passagers sur le quai commencent à se plaindre. Je me sens comme anesthésiée.
Station Sandymount, là où j’habite. Je descend et je marche un peu.
Depuis deux semaines je suis en stage, logée avec trois de mes camarades de promo, dans une petite maison près de la plage. Depuis mon arrivée, je suis en pilote automatique. Je dis bonjour, je fais ce qu’on me demande, je souris poliment, j’écoute patiemment. Je suis la stagiaire idéale : silencieuse et efficace. Je n’ai aucun avis sur rien, j’exécute les missions qu’on me confie sans broncher. Je suis ailleurs. Quelque part avec Paul.
Depuis un moment, je le sens qui s’éloigne de moi et cela me fait peur. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans lui. Sans ses appels chaque soir, ses lettres, ses petits cadeaux. Sans cette excitation de l’attente, l’exaltation de nos retrouvailles, la fougue de nos rencontres. Avec lui, j’ai le cœur qui bat. Tout le temps. Quand il n’est pas là et que je l’attends, quand il est là et qu’il m’aime. Pour la première fois j’ai l’impression de vivre vraiment et j’adore ça.
Il n’est pas le premier dans ma vie mais jusque là, j’ai aimé sagement, des garçons sympathiques, de bonnes familles, bien sous tout rapport. A part Matthew, mais lui a toujours été l’exception. Avec mes amoureux, je me sentais valorisée. Je n’étais pas célibataire, j’étais quelqu’un. Seule je me considérais comme incomplète, inférieure. A chaque séparation, même lorsque c’était moi qui était à l’origine de la rupture, j’avais l’impression que je perdais une partie de mon identité.
Ce n’est pas bon d’être célibataire me répétait ma mère, c’est malsain. Trouve toi un homme tant qu’il est encore temps.
M’aurait-elle dit la même chose si j’avais été un garçon ? Elle, l’enfant sans père, qui toute sa vie a préféré être mal accompagnée que seule, ne pouvait imaginer pour ses filles pire destin que le célibat. Ma grand-mère l’avait élevé seule, à une époque où cela ne se faisait pas, à moins d’être veuve, ce qui n’était hélas pas son cas. Son mari l’avait simplement quittée, abandonnée. Elle avait fait face avec dignité et courage mais sans échapper à l’opprobre populaire et en imprimant profondément dans l’esprit de sa fille – et par ricochet de ses petites filles – qu’une femme n’a de valeur qu’en couple. Dès mes flirts d’adolescente, sans même m’en rendre compte, je cherchais donc un mari, quelqu’un qui pourrait faire de moi une personne respectable. Et je suis allée de déconvenues en échecs.
C’est plus tard, bien plus tard, quand ma mère, désespérée de me voir éconduire un énième prétendant, m’avait dit en pleurant qu’elle ne voulait pas me voir gâcher ma vie, que j’avais fini par comprendre. J’avais beau lui expliquer qu’on peut parfaitement être heureux seul, que je m’épanouissais dans mon travail, que j’avais des amis formidables, des amants adorables, un chouette appartement, que j’avais trouvé mon équilibre, pour elle ce n’était pas suffisant. Il te faut un homme, me rabâchait-elle. Une femme ne sait pas être heureuse seule. Excédée j’avais fini par laisser planer un doute sur ma sexualité. Et si mon truc ce n’était pas les garçons ? Tu seras toujours ma fille m’avait elle alors répondu en serrant les dents, son amour maternel prenant, malgré tout, le dessus sur son sens des convenances.
Elle avait continué à espérer, sautant sur chaque opportunité pour me présenter à des candidats de moins en moins sélectionnés. Il n’y avait pas une occasion - déjeuner dominical, fête d’anniversaire, réunion de famille, sortie au théâtre – où elle n’avait pas invité un « ami », bien sous tout rapport, et qui - elle me l’affirmait avec conviction à chaque fois- avait tout pour me plaire. Vieux, jeune, chauve, gros, bigleux, maigre, bossu, suant, libidineux, divorcé, poilu, veuf, homo, tous trouvaient grâce à ses yeux, tant qu’il était prêt à faire de moi une femme honnête. Je n’ose même pas imaginer ce qu’elle leur racontait avant de me les présenter. J’ai subi sans rien dire, espaçant de plus en plus mes visites. Je savais qu’elle pensait bien faire et qu’elle souffrait finalement plus que moi.
Et lorsque j’étais partie vivre à Groix, plaquant une confortable vie parisienne pour m’installer dans la maison héritée de ma grand-mère, elle avait encore espéré que ce soit pour rejoindre un homme. Non maman. Je construit mon existence seule, et je l’assume. Et les enfants ? Je ne veux pas d’enfant. Jamais. Cela aussi lui semblait impensable. Insensé. Contre nature.
Je ne lui ai pas présenté Paul. Elle n’aurait pas compris. Je lui en ai parlé. Je ne pouvais pas faire autrement, trop amoureuse pour cacher mon bonheur. Mais je ne lui ai pas tout dit. Je préférais la laisser dans l’illusion rassurante pour elle que, enfin, je n’étais plus célibataire.
Je marche sur la plage de Sandymount. La nuit est tombée mais il ne fait pas froid. Je ne suis pas la seule à profiter de la douceur du soir. Des gens déambulent. J’entends leurs voix, leurs rires dans l’obscurité, silhouettes fantomatiques éclairées par la lune. Je m’assois sur le sable. Je regarde la mer et je me laisse doucement bercer par le bruit des vagues. Leurs roulis m’apaisent. Je sens progressivement un grand calme monter en moi. Je ne souffre plus. C’est la fin, je le sens. Je respire. Sans vraiment être consciente de ce que je fais, je me lève. J’enlève mes chaussures, les dépose à côté de mon sac. J’ôte ma veste. Je marche vers la mer, elle m’attire. Le sable est froid sous mes pieds. Le bruit des vagues me calme, m’envoûte. Je sens les premières vagues qui chatouillent mes orteils. Je frisonne. J’ai de l’eau jusqu’aux chevilles. Je ne suis consciente de rien. J’avance.
Je ne veux pas vraiment mourir. Je veux juste que tout s’arrête. Pouvoir vivre sans angoisse, sans l’attendre, sans souffrir. Mais pas sans lui.
J’ai de l’eau jusqu’aux hanches. La puissance du courant me déstabilise et je manque de tomber. Je prends alors conscience de ce que je suis en train de faire. Non. Non, je ne veux pas mourir.
Un immense sanglot monte dans ma gorge, je vais m’effondrer, m’affaler dans l’eau, me noyer. Mais je ne veux pas.
Quelqu’un m’a vu. Me hurle de ne plus bouger. Je ne peux plus bouger. Ni avancer, ni reculer, ni vivre ni mourir. Il entre dans l’eau. Je sens ses bras qui m’agrippe. Il m’arrache à la mer et me soutient jusqu’à la plage.
Je suis trempée, j’ai froid. Quelqu’un a trouvé mes affaires et me les apporte. Une petite troupe s’est massée autour de moi. Tous parlent en même temps. Je ne comprends rien, si ce n’est qu’ils ont eu peur. Moi aussi. Je leur faire signe que tout va bien, que j’ai juste trop bu.
Les voilà rassurées. Une fille ivre qui se jette à la mer fait bien moins peur qu’une fille désespérée qui veut mourir. La foule se disperse. Mon sauveur me demande si ça va. Je le rassure, le remercie. Et il disparaît dans la nuit.
Abasourdie parce que j’ai failli faire, sans vraiment l’avoir décidé, je quitte la plage.
Je rentre à la maison et sans un bruit pour ne pas réveiller mes colocataires, je me couche enfin.
Au réveil, tous s’étonnent que le type dont je leur parle sans cesse depuis notre arrivée, que j’attends avec fébrilité, et que je suis allée chercher à l’aéroport, ne soit pas là. Il a eu un empêchement de dernière minute. Rien de grave. On se verra finalement à mon retour à Paris. Aucun d’eux n’était sur la plage hier. Pas besoin de m’expliquer. C’est le week-end ; j’ai deux jours devant moi pour reprendre des forces, soigner ma peine.
Je n’ai pas de nouvelle de Paul. Il n’a aucun moyen de me joindre. Et je refuse de le rappeler. Il a fait le choix de ne pas venir. Tant pis. Je refuse de demander à François d’écouter à nouveau mon répondeur. Je veux me prouver à moi même que je suis forte, que je peux vivre sans lui. L’épisode de la plage, s’il est sans aucune conséquence - personne ne m’a reconnu – m’a fait réagir. Suis-je donc tombé si bas ? Vouloir mourir pour un type qui n’est pas foutu de prendre un avion et d’arriver à l’heure ? Un gars qui m’a demande de l’épouser mais qui est toujours marié à une autre ? Un lâche incapable de s’engager ? Je suis furieuse. Contre lui, mais aussi contre moi. Je ne dois pas tout accepter. Même venant de lui. Surtout venant de lui. Les hommes aiment ce qu’ils ne peuvent avoir. Si c’est comme çà, il ne peut plus m’avoir : je suis bien trop en colère contre lui. Je m’accroche à cette rage qui me permet de tenir.
Je n’ai pas parlé à François de mon coup de blues. Il sait que Paul n’est pas venu. J’ai évoqué un simple contre-temps, pas de soucis, tout va bien. Mon ami a rencontré une fille, il est amoureux, elle aussi. Je refuse de troubler son bonheur.
Après l’incident de la plage, je m’investis enfin dans mon stage. Travaille. Pose des questions. Prend des initiatives. Participe aux réunions d’équipe. Et le résultat est tout à fait positif : si je veux revenir travailler pour eux une fois mon diplôme obtenue, ils seront heureux de me compter parmi leurs collaborateurs. Je les en remercie, leur explique que je ne sais pas encore ce que je compte faire, mais que je suis très touchée par leur proposition. Si seulement. Je rêve de m’installer en Irlande mais cela ne dépend pas que de moi. Nous l’avons bâti à deux ce projet, je ne me vois pas le réaliser seule.
C’est mon dernier jour à Dublin. Demain soir je rentre à Paris. Nous allons dans le pub voisin trinquer à la fin de mon stage et à ma future réussite. Je paye ma tournée, je lève mon verre, je ris, je parle, je m’amuse. Je profite. J’aime l’atmosphère des pubs, conviviale, chaleureuse et la bonhomie des Irlandais. C’est un endroit où je me sens bien, un pays de pipelettes, de gens qui n’hésitent pas à venir échanger quelques mots juste pour le plaisir de discuter. Quand vous entrez seul dans un bar, vous êtes certains de rencontrer du monde pour boire avec vous, chanter et rire. Ces nouveaux amis, vous ne reverrez certainement jamais, ils ne savent et vous aussi. Le temps d’un instant, vous avez partagé de la chaleur, de la bonne humeur, le bonheur simple d’être heureux ensemble.
Cette soirée ne fait pas exception à la règle. Il y a les trois filles avec lesquelles j’ai cohabité, leurs petits-amis, tous ceux avec qui j’ai travaillé. Patrons et employés, nous trinquons. La fumée est dense. Oui, à cette époque on fume encore dans les pubs. Je déteste l’odeur mais j’apprécie l’atmosphère voilée que cela crée autour de nous. Nous flottons comme dans un nuage, aidés en cela par un nombre conséquent de bières.
Je glousse bêtement, le nez dans mon verre. Un type me drague depuis que je suis entrée. Il est grand, brun, ténébreux comme je les affectionne. Sa barbe mal taillée lui donne un faux air de brigand. Il m’observe. J’aime son regard sur moi, je perçois son désir. Je ne peux m’empêcher de rougir. En temps normal je n’aurai pas donner suite. J’aurai détourné les yeux pour couper court à notre échange silencieux. Mais là, son insistance me plaît. Il ne dit rien mais se rapproche. Comme un animal qui observe sa proie, prêt à bondir. Certains de mes collègues me saluent et me souhaitent un bon retour. Mes deux colocataires décident de rentrer. Pas moi. L’homme est toujours là, à l’affût. Il s’est encore rapproché. Je suis installée au comptoir, perchée sur un grand tabouret. Celui près de moi se libère. Il s’assoit. Je frémis et je ne sais pas quoi dire. Salut beau brun ! Je ne suis pas assez ivre pour cela, mais trop pour trouver mes mots. Son regard me trouble et j’aime ça.
Nous sommes assis côté à côté et nous ne disons rien. D’un geste il indique au barman de me servir un autre verre. Je le remercie d’un mouvement de tête. Nous trinquons en nous souriant. Le désir entre nous devient palpable. Dans son regard je me sens exister.
Sa main a saisi la mienne. Avec son pouce il caresse mes doigts. Je ressens une chaleur monter au plus profond de moi. Je constate avec étonnement que j’ai envie de lui.
Je réponds à sa caresse. Il est content et me sourit. Sa main remonte le long de mon bras. J’ai moi aussi envie de le toucher. Je pose ma main sur sa cuisse. Nous ne nous quittons pas des yeux.
Sans se lever de son tabouret, il se penche vers moi pour m’embrasser. Il a un goût de bière qui m’enivre. Je m’approche à mon tour et passe mes doigts dans ses cheveux. Son baiser se fait plus intense encore.
Nous restons là à flirter, à nous embrasser, à nous reluquer.
Il finir par s’écarter et m’interroge du regard.
Le message est limpide. Sans rien dire, il me demande si je veux et je confirme que oui. Je suis de plus en plus excitée et cette sensation m’enivre. Je me mors les lèvres pour ne pas gémir. Et dire qu’il ne touche que mon bras !
Il me prend par la main, m’aide à descendre de mon tabouret. Je titube sur mes talons. L’excitation et l’alcool font tanguer le sol. Je m’accroche à lui en riant. Il passe son bras autour de ma taille, m’embrasse dans le cou et m’entraîne dehors. L’air frais de l’extérieur me surprend. Je me rapproche encore davantage de lui.
Un flash me traverse l’esprit. Me voilà en compagnie d’un dangereux psychopathe, qui va sauvagement m’assassiner et demain, on retrouvera mon corps flottant sur la Liffey. Je m’exclame qu’il est trop mignon pour être dangereux, riant moi même de ce manque flagrant de logique. Qui a affirmé que les sérial killer devaient tous être laids ? Il n’a pas compris ce que j’ai dit. Il ne parle pas français. Tant mieux. Je n’ai pas envie de parler mais de bien autre chose.
A peine sortis du pub, nous nous retrouverons devant une des entrée de Saint Stephen Green. Sans me lâcher, il attrape une clef dans sa poche et ouvre une des petites portes menant dans le parc. Soigneusement, il la referme derrière lui.
Nous nous allongeons dans l’herbe. Il m’embrasse à pleine bouche, me retire mon corsage, dégrafe mon soutien gorge, tente d’ouvrir mon pantalon. Je l’arrête. Je vais le faire moi même, on ira plus vite. Je lui fait signe d’ôter sa chemise. Il s’exécute aussitôt, ouvrant dans le même temps son pantalon. Je vois son sexe. Je le veux en moi. Je sors une capote de mon sac – j’en ai toujours sur moi, on ne sait jamais – il hoche la tête surpris. Je ne pense pas être capable de lui dire non s’il refuse de la mettre. Il accepte.
Il est en moi. J’ai enfin l’impression d’exister. Ce n’est pas une vengeance, ni un acte de rébellion. Je ne suis pas nymphomane, J’ai juste besoin d’exister pour quelqu’un. Et à ce moment là, alors qu’il jouit en me serrant contre lui, je suis le centre de sa vie, son univers.
L’instant ne dure pas. Il me serre contre lui, puis se relève et me tend la main pour m’aider à me mettre debout. L’instant est terminé.
Je ne connaîtrai jamais son nom, et je ne veux pas le connaître. Mais, grâce à lui je me sens un peu mieux
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