Ouh ça fait peur

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L'orage grondait en cette nuit d'hiver froide et humide, tandis qu'un jeune homme courait comme un forcené pour tenter de se frayer un chemin à travers une multitude d'arbres tous plus décharnés les uns que les autres. Quelle idée d'être parti pour une randonnée dans cette forêt durant une telle période ! Tous ses amis étaient introuvables et il entendait maintenant des bruits suspects tout autour de lui, des bruits qui ne le quittaient pas, où qu'il aille dans cette forêt maudite. Dans le lointain des lueurs fantômatiques venaient lui rappeler que jamais plus il ne pourrait s'échapper. C'est alors qu'il vit, au loin, un bâtiment de plusieurs siècles sans doute encore occupé, à en juger par les quelques lumières qui s'échappaient des fenêtres. Quelque chose en lui lui soufflait cependant de ne pas s'y rendre, que se serait une terrible erreur qu'il n'aurait pas le temps de regretter et qu'il valait encore mieux dormir dans la forêt. Mais la pluie redoublait et le jeune randonneur était trop effrayé par la noirceur de la nuit pour rester seul au milieu d'une nature aussi inhospitalière qu'impitoyable.

Après une marche éreintante, le jeune homme, du nom de Lucas, arriva enfin devant les portes du manoir qu'il avait aperçu au loin. Les lumières avaient disparu, mais le hurlement du vent, outre le froid qu'il occasionnait, était assez glaçant pour pousser Lucas à frapper précipitamment à l'aide d'un des battants.

Après une attente interminable qui ne fit qu'user davantage ses nerfs, le jeune homme perdu vit finalement la porte s'ouvrir et un homme étrange l'accueillir. Il semblait seulement âgé d'une bonne trentaine d'années, peut-être plus, mais son teint semblait suggérer une longévité bien plus ancienne. Lucas était passionné de livres et de films d'horreur, mais jamais il n'avait pensé qu'il vivrait quelque chose de semblable à ce que subissaient ses personnages préférés. Il aurait volontiers donné n'importe quoi à ce moment-là pour oublier tous ces scénarios de génie dans lesquels les principaux protagonistes finissaient tous d'une manière fort indésirable. Mais il décida de se reprendre, en espérant que son imagination était davantage à l'origine de ses sentiments que la réalité.

Son hôte était courtois, et cependant il ne soufflait mot et se contentait de le regarder manger sans bouger, assis à l'autre bout d'une table bien trop longue pour eux deux. Une étrange odeur envahissait la majestueuse salle à manger par moments, puis repartait aussi vite qu'elle était venue pour se manifester à nouveau quelques minutes plus tard. L'homme ne se leva qu'une seul fois, et revint bien vite se rasseoir avec son même air lugubre. Il regardait souvent dans la direction de son jeune invité, et Lucas crut voir une lueur de colère dans son regard quand il lui demanda s'il avait mis de l'ail dans son plat, alors qu'il voulait simplement amorcer la conversation. Décidément, cet individu était bien singulier, et ses yeux reflétaient des sentiments peu joyeux, pour ne pas dire mauvais. Le jeune randonneur, en dépit du repas qu'il n'avait pas terminé et de sa faim encore criante, finit par s'excuser et monta dans sa chambre en tremblant légèrement.

Le bruit strident de la foudre et les éclairs zébrant le ciel empêchaient Lucas de trouver le sommeil. Il ne pouvait s'empêcher de penser à l'homme encore au rez-de-chaussée, sûrement toujours assis sans bouger. Il sursautait au moindre bruit de la charpente qui craquait régulièrement mais jamais au même endroit. Lucas décida qu'il partirait aussitôt le jour venu. il n'avait définitivement pas l'étoffe d'un aventurier audacieux. Ses amis se moqueraient peut-être de lui en apprenant ce qui lui était arrivé, mais tant pis. Dans le pire des cas, il pourrait modifier un peu l'histoire...

Un coup de tonnerre absolument fulgurant interrompit les pensées du jeune homme qui manqua de crier. Les fenêtres, usées et d'un autre âge, s'ouvrirent brutalement. Lucas allait se relever pour les refermer quand une chauve-souris entra en poussant de petits cris suraigus qui donnèrent la chair de poule au randonneur. Le mammifère voleta confusément dans toute la chambre pour finalement se rendre vers la porte, endroit mal éclairé et plus sombre encore que le porche par lequel Lucas avait eu le malheur d'entrer. Car il le savait à présent, jamais il n'avait commis une méprise plus lourde de conséquences que celle-ci. Il se retourna et son coeur rata un battement.

Son hôte se tenait au milieu de l'embrasure de la porte grande ouverte.

Lucas se leva d'un bond et recula lentement, tandis que l'homme en face de lui s'approchait en le fixant de ses yeux grands ouverts. Il portait cette fois-ci une cape noire strié de rouge et se tenait les mains. Paniqué, Lucas balbutia à son hôte de partir mais celui-ci ne réagit pas. Ou plutôt il réagit par un rictus qui acheva de convaincre Lucas que sa dernière heure était venue. La parodie de sourire qui s'affichait sur le visage du vampire eut raison de la raison du jeune homme qui, le ventre noué et les jambes en coton, se déroba toujours plus jusqu'à tomber par la fenêtre. Poussant un hurlement de terreur pure, Lucas chuta lourdement et sentit, outre une douleur fulgurante à la jambe gauche, qu'il allait bientôt s'évanouir. La dernière chose qu'il vit fut une chauve-souris qui volait vers lui malgré une pluie battante sans dévier le moins du monde de sa trajectoire.

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