"Artisan de l'Abîme" (5)
Alors que Jérôme était entraîné dans l'abîme, la créature s'arrêta, comme si une pensée soudaine avait traversé son esprit infernal. "Attends," gronda-t-elle, sa voix faisant vibrer les fondations mêmes de la terre. Jérôme, suspendu entre le ciel et l'abîme, osa lever les yeux vers l'entité qui le tenait dans son emprise.
"Tu as un talent... particulier," continua la créature, ses yeux scrutant l'âme de Jérôme. "Un talent pour créer à partir de ce que les autres considèrent comme perdu ou sans valeur. Je te propose un pacte."
Jérôme, bien que terrifié, sentit une lueur d'espoir. "Un pacte ?" balbutia-t-il.
"Oui," répondit la créature. "Tu continueras à créer, non pas avec des objets sans vie, mais avec la vie elle-même. Tu me fourniras des œuvres façonnées à partir des organes de ceux qui t'ont autrefois appelé ami. En échange, je t'accorderai le pouvoir de manipuler les ombres, de te cacher de ceux qui te cherchent et de poursuivre ton art macabre sans entrave."
L'horreur de la proposition fit frémir Jérôme, mais l'obscurité qui avait déjà pris racine dans son cœur le poussa à accepter. "Je ferai ce que tu demandes," dit-il, sa voix à peine audible.
La créature sourit, un sourire qui aurait pu fendre le monde en deux. "Alors c'est convenu. Mais souviens-toi, Jérôme, je serai toujours là, à veiller sur chaque coup de ciseau, chaque suture, chaque... création. Ne me déçois pas."
Avec ces mots, la créature relâcha Jérôme, qui tomba à genoux sur le sol de la cave. Autour de lui, les ombres se mirent à danser, et il sut qu'il n'était plus seul. Il était désormais l'artisan de l'abîme, lié à une créature dont la soif de terreur ne connaissait aucune limite.
Et ainsi, Jérôme se mit au travail, ses mains tremblantes devenant de plus en plus habiles alors qu'il assemblait sa première œuvre pour la créature. Un cœur ici, un foie là, des yeux qui avaient autrefois regardé le monde avec innocence. Chaque organe était un pinceau, chaque veine un fil de sa toile macabre.
Lorsque l'œuvre fut terminée, il la présenta à la créature, qui l'examina avec une satisfaction évidente. "Excellent," dit-elle. "Cela me plaît. Continue, Jérôme, et n'oublie jamais le pacte qui nous lie."
Jérôme hocha la tête, sachant que sa vie était désormais un cycle sans fin de création et de destruction, un artiste maudit dont les œuvres étaient destinées à plaire à un public d'un seul, une audience qui résidait dans les ténèbres éternelles.
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