I

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Six heures, le soleil venait d'apparaître.
Dans le lointain, un bateau qui semblait immobile dans la lumière-thé.
Adossé à l encadrement de fenêtre, mon esprit vagabondait.
Devant moi la plage de sable gris.
Le sentiment qui émergeait, en moi, face à cette étendue était complexe : aucune excitation mais plutôt de la morosité face à cet espace sans nul défi, sans surprise. Juste une invitation à le parcourir mais, intuitivement, je pressentais tout l'ennui qui émergerait de ces pérégrinations .
Aucun but ne s'observait, aucune balise vers laquelle diriger mes pas. L'immensité n'était qu'incitation à une dépense physique dont je fixerais moi-même le terme dans l'espace et dans le temps.
Je ne ressentais pas l'appel du large : cette vaste étendue d'eau ne me donnait nulle envie de m'embarquer pour une destination quelconque. Cette mer grise et froide n'était pas une invite, le mouvement régulier des vagues était juste un rappel du temps qui passe, je ressentais toute la vanité de l'être face à cette nature qui existerait encore quand l'humanité se serait éteinte.


***

Et pourtant, tout autres avaient été ses sentiments. Il se souvenait : petit, dès son arrivée sur la plage, à peine l'avait on débarrassé de ses sandales, il se précipitait vers la ligne blanche des flots et la pénétrait avant de s 'apercevoir que ses pas rencontraient une limite.
Je m'interrogeai, se pouvait-il que son jeune esprit ait eu, alors, la perception des limites de la toute puissance, de l'impossibilité d'assouvir tous ses désirs ?

***

Je m'avançai sur la terrasse, un léger vent agitait les oyats.
« Je l'ai attendu comme on attend l'aurore ».
Cette phrase, l'avait-il lue ou l'avait-il pensée un jour ?
Il se remémora ; loin dans le passé, une attente était déjà présente...
Enfant, à travers les visites de musées la plastique masculine avait infusé en lui : Christs en croix, St Sébastien, pâtres grecs, titans …

Au cours de ces pérégrinations il s’était construit inconsciemment une icône, un fétiche, l'éphèbe, le garçon !
Ce petit mot avait une puissance. Il résonnait comme l'or scintille au fond du ruisseau.
Petit à petit, toute sa libido s'était métamorphisée* en ce petit lingot de six lettres.


***

Oui, mon inconscient habillait ce terme d'évocations de moments tendres, de parfaite communion, d'apaisement et de plénitude.
Ce qui affleurait alors, dans mon esprit, ce n’était pas un être de chair et de sang : ce mot n'était le masque d'aucun être en particulier. Son abstraction me suffisait.
Je n’imaginais aucun échange de gestes, rien de trivial, aucune attitude pouvant mener à la recherche d'un plaisir en commun. J'étais vierge dans ce domaine !
J'étais pareil au sculpteur qui à travers le bloc de marbre sent l'appel d'une image qu'il fera apparaître au fil du travail d'ébauchage, sans qu'il n'ait conscience de la figure finale vers quoi tendait son travail.


***

Plus tard, ce désir, car il faut bien le nommer ainsi, montrait de temps en temps son exigence. Elle me prenait au creux du ventre.
Sur la plage, à la piscine, au terrain de sport, mes sens affûtés, conditionnés, traquaient les jeunes hommes dénudés
Seul m'habitait l'envie de m’approcher au plus près, de frôler ce torse nu, de palper sa chaleur, de l'entourer de mes bras.


***


Non ce n'était pas du désir ! J'éprouvais pour ces corps plutôt de l'admiration, presque de la vénération. Il y avait de la jalousie pour ces formes si parfaites et attirantes …

***

Le soleil s'était déplacé vers la gauche. Bien sûr il savait que ce n'était qu'une illusion, mais les illusions ne sont elles parfois nécessaires !

La cloche sonna. Le repas ! Lentement, je me dirigeai vers la salle à manger.

*Transformation d'une matière en une roche

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