V

Une minute de lecture

Ce ne fut pas une recherche ordinaire, ce fut une quête. Ses rencontres précoces avec ces être muséaux ; géants, guerriers et athlètes grecs, l'avaient contaminé par leur beauté. La beauté masculine, il l'avait placée au pinacle.
C'était un totem. Il cherchait l'essence du masculin au-delà de ses accidents
Ces courbes, éminences, saillances ; ces douceurs et ces rudesses, ces sécheresses et ces pleins devenaient des sirènes. Appelant au rapprochement, à l'appropriation, comme si, par le geste de prise de possession, la Beauté pouvait se révéler contagieuse et que, toucher, c'était partager un peu de cette grâce.

Il se rappela cette phrase1 : Aschenbach fut frappé d'étonnement et presque épouvanté par la beauté presque divine de ce jeune mortel. »


***

La Beauté avait pris la place du désir.
Il avait des exigences vis à vis de ses futurs amants : dans la vingtaine, à la musculature sèche, glabres dont la seule toison surmontait le sexe.
S'étendre de tout son long sur cette beauté incarnée, caresser ces fesses menues. Se fondre en eux quand il les pénétrerait. Il ressentait de façon impérieuse ce besoin.

***


Il fréquenta les habituels lieux de drague.


Du plus loin qu'ils soient : il repérait ces garçons, son regard aimanté le guidait vers eux, une simple silhouette, l'angle d'un cou, la triangularité d'un torse … les faisaient émerger de la foule.


Cependant face à eux, il était comme hypnotisé, pétrifié, tiraillé entre l'élan qui montait au profond de lui et la conscience de son physique malingre, ordinaire. La distance, entre son corps minable et celui qu'il admirait, le minait !


Spontanément se dressait une barrière, l'autre devenait intouchable, inatteignable, lui adresser la parole : une impossibilité !


C'était l'exil d'un pays entre-aperçu ! Le refus de la terre promise.


Inattentif à l'intérêt qu'on lui portait. Inconscient de la beauté de son visage, son corps était l'objet de sa dépréciation.


Paralysé par sa petitesse il s'emmurait en lui-même.

1, « Mort à Venise »- Thomas Mann

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