La fleur de l'oubli
( Ecrit avec en fond sonore : https://youtu.be/trO2eQTr9Ao )
Que dois-je faire de toutes ces guerres,
de tous ces combats que j’ai menés ?
Il m’arrive parfois de ne plus savoir pour qui,
pour quoi je me bats.
En quelques lignes qui résonnent comme le fracas de mon armure au sol,
je le dis,
je suis fatiguée.
Entre Dieu et l’Homme,
tant de batailles pour continuer,
à croire à l’un comme en l’autre,
avec courage,
vanter malgré tout leurs mérites,
et trouver en eux,
de la joie dans la peine,
de la foi dans la haine,
de l’amour dans la mort,
inexorablement,
jusqu’à l’épuisement.
Un éternel recommencement,
qui malmène mon âme.
Cette âme que je tente constamment de sauver,
mais qui nécessite trop de guerres,
n’est jamais en paix.
Et ce sang rempli de foi qui circule dans mes veines,
j’en étais si fière.
Même lorsqu’il inonda ma bouche un nombre incalculable de fois,
jaillissant dans les coups,
survivant à la haine.
Ce goût métallique d’honneur,
mon pauvre cœur voit où l’amour te mène.
Et la mort,
toujours au pied de ma porte,
emportant la vie ceux que j’aime,
voleuse que pourtant si jeune j’ évoquais constamment,
Le pied dans la tombe pour survivre à l'abandon du premier être m'aimant.
Et ta vie mon fils,
perpétuellement en suspens.
J’ imagine l’avenir quand je le regarde,
mais au fond, je sais que je me mens.
Tant de souffrance, tant de choix égoïstes pour le garder près de moi,
me pardonnera-t-il un jour de l’aimer au point de lui avoir infligé la vie,
de ne pouvoir survivre une seule seconde sans lui.
Et toi que j’ai adoré, admiré.
Toi le magnifique et vaillant soldat,
qui m’a appris à conjuguer le verbe aimer,
pour que jamais ne s’efface son visage,
pour qu’à travers mon cœur ne reste pas de lui,
que l’image d’un désespéré,
au corps sans vie au bout d’une corde.
Conjuguer pour l’aimer à travers tous les espaces temps,
car je n’ai su le faire au présent.
Et de mon père que me reste-t-il ?
Quelques bricoles, mais surtout beaucoup de manies.
J’ai été éduquée pour le combattre,
ne pas l’aimer,
m'en sentir interdite.
Protéger de sa folie,
des démons qui le rongent,
celle qui ne m’a jamais aimée autant que lui.
Et son amour me manque,
aussi défaillant et maladroit soit-il.
Pourquoi ai-je attendu sa mort pour sur sa dépouille,
caresser enfin ses cheveux,
embrasser son front,
et lui demander pardon.
Le combat pour toi ma mère fut le plus rude.
Une lutte incessante,
pour voir de l’amour dans tes yeux.
Alors sa guerrière je suis devenue,
espérant que chaque ennemi terrassé que je posais à ses pieds,
puisse me permettre de recevoir un câlin si durement gagné.
Et de ces deux être brisés,
cinq âmes vagabondes,
autodidactes sentimentales,
serrant les dents,
luttant férocement contre l'envie de hurler,
de vomir,
tout ce mal.
Entre les défunts et les vivants,
au final,
quelle différence ?
Tous vivent aux creux de nous,
mais,
Je suis lasse de toutes ces guerres pour les garder en vie,
alors,
En un souffle je rends,
je disperse dans le vent,
ce qu’Il m’a apporté,
de bon comme de mauvais,
sans me retourner,
" devenez tous vents légers ".
Peut-être suis-je comme l’arbre,
et ne garde que les toxines de ce qui me pénètre ;
elles circulent dans mon être,
empoisonnent mon sang,
mais je renvoie à mes enfants,
dans un faux sourire ;
un faux semblant,
cet air qui emplis leurs poumons,
purifié en échange de mon âme en perdition,
afin que jamais leurs cœurs ne sachent,
comme c'est dur d'être forte.
Perpétuellement sur la corde raide,
je ne dois plus prendre de risque.
Lasse, fatiguée mais engagée,
dans un combat que Dieu m'estime en mesure de mener,
je n'ai laissé l'armure au sol qu'un temps,
qu'il me faut déjà la revêtir de nouveau.
Je suis ainsi,
comme dit Vincent Tassy,
dans "Apostasie"
je suis « L’Ovange, la fleur de l’oubli »
" Mais l'Ovange est maudite. La fleur de Lune, la fleur de Tristesse, est aussi fleur de l'Oubli. Seuls les coeurs les plus purs peuvent la découvrir. Aime-moi, dirait-elle, et lorsque tu m'aimeras, moi qui pendant une poussière de seconde aurai connu la grandeur d'être aimée, les élans de ton coeur envers moi s'en iront dans la nuit des temps. Ainsi je suis maudite. Je donne le bonheur à ceux qui m'ont aimée, mais de ce bonheur je suis bannie. Je m'efface de ta mémoire et de tes désirs dès lors que l'amour naît en toi. J'exauce ton voeu le plus intime. Et je meurs. Sous les lambeaux d'opale je refleuris, et cela prend quelques heures, ou quelques siècles, je ne sais. Une éternité d'amour, n'est pour moi qu'une éternité de mort. Qu'une éternité de vide. " (Apostasie, Vincent Tassy)
Annotations