Chapitre 8 : l’évasion
Auriel courrait à travers la ville. « Que s’est-il passé ? » se demandait-il, Pourquoi ? Ce n’était pas elle. Ça ne pouvait pas être-elle. Pas après tout ce temps, toutes ces années, son enlèvement. Il devait en être sûr. Elle ne pouvait pas les avoir tués. Si c’était vraiment elle, il savait où elle se rendait. Il s’arrêta brusquement. La peur s’empara de lui. La peur de la trouver chez eux, la peur que tout ceci soit réel. Il pleura, puis reprit sa route.
Il arriva enfin à la forge. Pas de trace de sa sœur. Elle n’était pas ici. L’adolescent tomba à genoux. « Ce n’était pas elle je le savais ! Ça ne pouvait pas être elle ! » cria-t-il. Redressant sa tête, son attention se tourna vers une tâche rouge sur le sol. Du sang. Les traces semblaient cheminer vers le petit entrepôt de son père. En s’approchant Auriel entendit les chevaux, affolés. La porte du dépôt était détruite, un bout de queue dépassait dans la rue. Les émotions du garçon explosèrent. La tristesse d’avoir perdu sa famille… et la haine envers l’assassin de ses parents se battaient en lui afin de prendre le dessus. Au centre de l’unique pièce de l’endroit se tenait Médusa, la tête plongée dans un sac. C’était très mal rangé. Sur la gauche de l’entrepôt, des étagères et armoires mal rangées, des outils, armes, pièces d’armures déposés n’importe comment. Le reste de la zone était comblé par des sacs de minerai surement.
La démone ressortit le visage du sac et le lança derrière elle avant de recommencer avec un autre. Le conteneur en tissu atterrit devant Auriel. Une petite pierre noire roula à ses pieds. De la nérolite. Des bruits de pierre brisée et de mastications envahirent la salle. L’adolescent craqua et hurla :
- Pourquoi ?! Dis-moi pourquoi ?!
Pas de réponse. Elle ne faisait aucunement attention à lui.
- Réponds ! Pourquoi tu as fait ça ?! Tout ce temps ! Toutes ces années passées ensemble ! Tu jouais la comédie ?! Réponds-moi ! Arrête de manger ces pierres ! C’est pour ça que tu les as tués ?! Des cailloux magiques ?! Regarde-moi !
Il s’élança pour la saisir. Sa queue s'enroula sur elle-même et le frappa sur le flan du ventre. Il fut projeté dans une étagère qui s'effondra sur lui. Le souffle coupé, bloqué sous le meuble et son contenu, il observa sa sœur finir son repas. Il tenta désespérément de se dégager mais en vain. Pendant qu’il remuait, il vit que les blessures, notamment l’énorme trou dans le foie de la démone, étaient toutes presque totalement guéries. Il constatait maintenant une énorme cicatrice en forme d’impact de chaque côté de son abdomen.
La femme serpent termina son festin et se dirigea vers la sortie. Ses mains et sa bouche étaient noires. Auriel remarqua que ses yeux étaient différents. Le fond de l’œil était aussi brillant que l’or. La pupille émeraude était maintenant d’un noir ténébreux, si profond que l’adolescent eut l’impression d’être absorbé dedans. Médusa entrouvrit la mâchoire. Deux crochets de serpent remplaçaient ses canines. Ses gencives, tout l'intérieur de sa bouche était noir. Elle siffla. Une langue fourchue fouetta l’air. Une fois sur les pavés extérieurs, elle regarda autour d’elle avant de disparaitre.
Après de lourds efforts, Auriel réussit enfin à s’extirper de sa prison. Il fulminait de colère contre sa sœur, mais ses yeux l'inquiétaient. Durant ces quinzes dernières années, il ne les avait jamais vu. Il se leva, frottant ses membres endoloris. Son regard se porta vers un reflet à côté de lui. C’était une lance, partiellement emballée dans un drap. La lame était de toute beauté, deux pieds de long, légèrement noire comme tous les équipements créés avec de la nérolite. Cependant elle arborait de fines lignes ondulées, d’un vert émeraude hypnotisant, serpentant autour de la pointe. Le manche mesurait cinq pieds, sculpté dans un bois blanc ressemblant à du bouleau. Une fine cordelette tressée était enroulée au milieu de celui-ci. L’extrémité du manche se terminait par une boule en acier. Auriel attrapa une corde et attacha l’arme dans son dos. Il prit une selle au fond de la remise et équipa l’un des chevaux de son père, l’alezan.
Médusa parcourait la ville à la recherche d’une porte de sortie. D’instinct elle s’était dirigée vers la porte principale mais une bonne centaine de soldats, au moins, gardaient la sortie de la capitale. Son esprit était embrouillé. Elle avait tué ce chevalier dans l’arène… et elle avait aimé ça. Cela lui avait fait du bien, l’avait calmée un peu. Cependant elle souffrait énormément. La blessure que lui avait infligée le paladin la torturait. Poussée par une pulsion incontrôlable, elle était retournée à la forge, et y avait englouti toute la nérolite présente. Ses plaies s’étaient alors résorbées très rapidement. Malgré tout, elle avait toujours mal. La seule chose qui apaisait sa douleur était la mort.
La démone parcourait les rues de la capitale à toute allure depuis bientôt une heure. Les quelques patrouilles qui avaient eu le malheur de croiser sa route furent exterminées. Médusa se fatiguait. Elle savait qu’elle ne pourrait pas tenir longtemps encore. Peu importait le nombre de personnes qu’elle tuait, il en viendrait toujours plus. Elle se souvint soudain d’un passage. Lorsqu’elle était partie à la recherche de son frère, elle avait découvert un tunnel sous la muraille, tout du moins la sortie de celui-ci. Elle arriva près du mur protecteur de la ville. Elle était sûre que c’était là. La sortie se situait de l’autre coté de l’enceinte. Mais où se trouvait l’entrée. Cherchant aux alentours elle ne trouva rien. Ni passage, ni ouverture ou autre accès. Il devait être là. Redoublant d’ardeur elle commença à fouiller les maisons avoisinantes, défonçant les portes, retournant le mobilier de chacune d’entre elles. Après avoir saccagé plus d’une dizaine d’habitations, la fille-serpent s’arrêta au bord de l’un des canaux de la cité. Se penchant au-dessus de l’eau, reprenant son souffle, elle vit une grille dans la paroi du canal.
- Elle est la ! Tuez-la !
Des soldats arrivaient de toute part, l’encerclant. Sans réfléchir elle plongea et s’attaqua aux barreaux de l’ouverture. Au moment où elle réussissait enfin à arracher le quadrillage de fer, une flèche se planta dans son épaule droite. Elle s’engouffra dans le souterrain inondé.
- Que pouvons nous faire pour vous, votre Majesté ? demandèrent en chœur une dizaine d’hommes.
- Bonjour Messieurs. Avez-vous connaissance des derniers événements ?
- Oui votre Majesté.
- Vous faites partie des meilleurs traqueurs de la cité. Je veux que vous traquiez et exterminiez ce monstre qui a assassiné bon nombre de nos soldats et citoyens, dit le Roi en insistant lourdement sur les deux termes.
- Nous ferons selon vos ordres votre Majesté.
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