Chapitre 16 : la salle du trône

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  Cela faisait maintenant un mois que le démon avait attaqué la capitale. La princesse s’était enfermée dans sa chambre et n’en était quasiment jamais sorti depuis. La Reine Elizabeth, enfin remise de sa maladie et inquiète pour sa fille entra dans la chambre. Natalia était assise sur son lit, les genoux près du torse, la tête posée sur ceux-ci et les bras encadrant l’ensemble. La femme du Roi, attristée de voir son enfant dans cet état, s’assit à côté d’elle et l’enlaça en chantonnant :

  • Sous les étoiles… la lune m’appelle… sous les étoiles…
  • Mère… s’il-vous-plait.
  • Qu'y a-t-il Natalia ?
  • J’ai peur…
  • Tu n’as aucune raison d’avoir peur.
  • Mais elle pourrait revenir ! cria la fillette, affolée.
  • Tu parles de ce démon qui s’est échappé le mois dernier ? Ne t’inquiète pas, ton père a envoyé ses meilleurs traqueurs. Tu…
  • Ça ne sera pas suffisant. Vous n’y étiez pas. Michael était l’un des meilleurs chevaliers de la ville. Père me l’avait assuré. Et… et… il est mort.
  • C’est cela qui t’effraye autant ? Je t’assure que…
  • Non !

 Elle leva la tête et regarda sa mère dans les yeux. C’était une très belle femme, longs cheveux châtain clair, yeux bruns au reflet vert, le visage lumineux, maigre et marqué par sa récente maladie. Elle portait une longue robe bleu ciel assez classique avec cependant un décolleté plongeant, une belle pièce mais pas au niveau de la richesse royale. La souveraine reprit :

  • Mais alors pour quelles raisons trembles-tu autant ?
  • Parce… parce que …

 Voyant la détresse de sa fille elle s’allongea sur le matelas, forçant doucement celle-ci à la suivre. La princesse ne résista pas et posa sa tête sur le haut de la poitrine de sa mère, répondant enfin au câlin initié par cette dernière.

  • N’aie pas peur. Tu peux tout me dire. Si tu souhaites que personne d’autre ne soit au courant je ne dirais rien.
  • Même à Père ?
  • Oui, promis, répondit-elle après un instant.

 Durant quelques minutes, le silence reigna, puis Natalia dévoila ses craintes :

  • J’ai… j’ai ressenti ses émotions…
  • De qui parles-tu ?
  • De… du démon…
  • Comment ?! s’interrogea sa mère qui s’attendait à tout sauf à cela.
  • C’était étrange… j’ai d’abord éprouvé de la peur, un sentiment de désespoir… puis… quand Michael a sauté dans l’arène… et l’a blessée… j’ai vu à travers ses yeux.

 Elizabeth écoutait sans bruit, serrant sa fille contre elle d’un bras, caressant ses cheveux de l’autre.

  • J’ai vu Michael s’approcher d’elle… de moi… Ensuite une immense colère m’a envahie, une haine envers nous… quand j’ai récupéré mes yeux je fixais Père. La fureur et la rancœur que je ressentais ne faisait que grandir en le regardant…. Lorsque je réussis à détourner la vue, Michael était mort …

 La princesse éclata en sanglot et se blottit dans les bras de sa mère. Ne sachant pas comment réagir face à ces révélations, la reine resserra son étreinte pour essayer de calmer son bébé, de lui soustraire ses malheurs, ses peurs. Les larmes coulaient sur sa peau et se perdaient entre les seins de la Reine.

 On toqua à la porte. Les deux femmes ignorèrent les bruits fort désagréables. Ils recommencèrent, plus puissants, accompagnés d’une voix :

  • Ma Reine ! Ma Reine ! Êtes-vous la ?
  • Oui !! répondit-elle, énervée d’être dérangé dans ce moment. Qu'y a-t-il ?!
  • Vous m’avez demandé de vous tenir informée des événements du château.
  • Et alors ?! Que se passe-t-il donc ?!
  • Le fils du forgeron… euh Auriel, je crois est réapparu. Le Roi s’apprête à le recevoir dans la salle du trône.

 Natalia s’extirpa des bras de sa génitrice, ouvrit la porte sans faire attention au garde et courut en direction du lieu-dit.

  La salle du trône n’était pas très grande, principalement longue, une dizaine de pieds de large pour une trentaine de long. Le trône, en marbre blanc poli et en or, était surélevé par quelques marches du reste de la salle. On apercevait de chaque côté de celui-ci deux sièges plus petits, pour la Reine et la princesse. Un grand tapis rouge brodé d’or, encadré par de colonnes de marbre gris, amenant les visiteurs aux pieds du petit escalier. Un grand lustre en cristal illuminait la pièce. On pouvait y rentrer par trois portes : l’imposant entrée principale face au tapis rouge, sur la droite du Trône une porte bien plus petite, réservé uniquement à la famille royale, et pour finir une ouverture simple, en bois de chêne au milieu du mur gauche. C’est par celle-là que passa Natalia.

 Beaucoup de nobles, conseillers, généraux et courtisans étaient alignés près des colonnes. La petite fille se fraya un passage parmi eux.

 En effet Auriel était bien là, au centre de la pièce, les vêtements horriblement abimés, ceux qu’il portait le jour de son anniversaire, il ne s’était pas changé depuis. Il semblait avoir maigri, son visage était creusé, son regard déterminé, sévère. Son épaule soutenait une grande lance, au bout de laquelle pendait un sac. La fillette remarqua que celui-ci était partiellement rouge foncé en bas et semblait attirer les insectes.

 Face à lui, assis sur son piédestal, le Roi le regardant de haut prit la parole :

  • Eh bien eh bien mon cher Auriel. Cela faisait un moment que nous ne t’avions pas vu. Certains ici avaient même commencé à parier sur la raison de ta disparition. Avais-tu rejoint ta sœur pour…
  • Ce n’est pas ma sœur.

 Surpris par cette interruption, le Roi lâcha son air moqueur et reprit d’un ton sec et sérieux :

  • Oh. Alors qu’étais-tu parti faire ?
  • Chasser l’assassin de mes parents, afin d’avoir des réponses.
  • Et tu as décidé de poursuivre ce démon tout seul ? Tu es soit très brave soit complétement inconscient.
  • Au début oui, continua l’adolescent en ignorant les provocations. Puis le traqueur Matthew m’a rattrapé je l’ai suivi dans sa traque.

 L’assemblé commença à discuter, laissant un brouhaha s’installer :

  • Matthew… le traqueur… l’un des meilleurs du pays… Mais où est-il ?
  • En effet, demanda le Monarque, faisant taire le raffut d’un signe de la main. Où est-il alors ?
  • Il est mort. Dans une oasis du désert d’Oto.

 Les messes basses reprirent de plus belle :

  • Comment… il est mort ?... C’est impossible… face à un simple démon ?... Je suis sûr qu’il l’a trahi… pour sauver sa…
  • Ce n'est pas ma soeur !! hurla Auriel.

 Ils se turent, choqué et surpris par le cri du jouvenceau. D’un mouvement de lance, il envoya dans les airs le sac qu’elle tenait. En atterrissant, celui-ci s’ouvrit et vida son contenu. Deux bras roulèrent sur le sol, les bras de Médusa, dévoré par la pourriture et les asticots. Le public, dégouté par cette vision qui leur paraissait insupportable, fut traversé par une vague de haut-le-cœurs, certains vomirent.

  • Matthew est mort en lui arrachant les bras.
  • Et où est-elle maintenant ?
  • Elle s’est lancée dans la traversée de l’océan pour rejoindre Pandora. Vu ses blessures je ne sais pas si elle réussira.
  • Donc elle a fui.

 Le regard de l’adolescent se faisait de plus en plus sévère. Le régent reprit :

  • Pourquoi es-tu revenu ? Que veux-tu ?
  • Je veux devenir plus fort. Je veux pouvoir me venger moi-même. Lui prouver que je suis une menace dont elle aurait dû se débarrasser.

 Natalia surgit de la foule et se plaça aux côtés d’Auriel:

  • Père moi aussi !
  • Tiens, ma fille, fit le monarque d’un air amusé. Tu t’es enfin décidé à sortir de ta chambre. Et pourquoi donc ? Tu es la princesse d’Ismar ! Nos ennemis du Sud n’atten…
  • Je n’ai que faire d’eux ! Les vrais ennemis sont les démons !!

 A ce moment, ses mains se mirent à luire d’une étrange et mystique aura blanche aux légers reflet bleu. Le sol autour de la princesse et de l’adolescent se recouvrit d’une fine pellicule de glace, la température de la pièce chuta subitement. L’assemblée, frigorifiée, s’exclama de surprise. Le Roi la félicita en se levant :

  • Bravo ma fille ! tu as déjà éveillé ta magie ! je suis fier de toi !

 La jeune fille semblait surprise, regardant ses mains, encore illuminées de cet éclat glacial. Elle leva les yeux vers son père, encore plus déterminée. Auriel, d’abord étonnée sourit, content d’avoir une alliée et fixa lui aussi le souverain.

  • Très bien jeune homme, dès demain tu iras à l’académie des chevaliers. Quant à toi ma fille, tu auras un professeur particulier pour apprendre à maitriser…

 Un soldat entra brusquement par la grande porte, courut jusqu’au monarque et lui chuchota à l’oreille avant de lui remettre un parchemin. Il serra les dents, chiffonna le document, son teint devint rouge. Il se leva et se dirigea vers la porte sur sa droite avant d’annoncer :

  • Les généraux et conseillers au conseil de guerre ! Ton monstre de sœur a anéanti l’un de nos villages sur la cote de Pandora. Je te conseille d’être en forme pour ton premier jour. Et détruit-moi ces déchets, finit-il à l’intention de l’adolescent.

 Tous sortirent, les personnes appelées par le Roi le suivirent, les autres retournèrent à leurs occupations. Auriel se dirigea vers un petit couloir, après avoir remis les deux membres, et s’écroula dos au mur, fatigué, affamé…. Ses jambes tremblaient, ne supportant plus son propre poids. Il reprit son souffle et Natalia le rejoignit :

  • Tout va bien ?
  • Oui, ça va, ne vous inquiétez pas. Merci d’être venue. Je vais juste rentrer chez moi pour…
  • Cela sera difficile, l’interpela la Reine.
  • Ma Reine, dit-il en s’inclinant bien que toujours au sol. Que voulez-vous dire ?
  • Mon mari a fait démolir votre maison. Le terrain a été racheté par un autre artisan, ne sachant quand ou si vous alliez revenir.

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