Prologue
« — Deux semaines sans vous ?
— Tout se passera bien, rassure-toi. »
Ces mots furent balayés par les bourrasques et engloutis sous les hautes vagues de la Mer du Sud. Une pluie diluvienne battait le navire, dont la voile arborant le blason d’Arendelle menaçait d’être emportée par la tempête.
Les marins s’affairaient sur le pont, chacun époumonant des ordres en espérant être entendu par autre chose que le tonnerre qui rugissait tout autour. Ils luttaient tant bien que mal pour maintenir le navire à flot, mais étaient tous étaient conscients qu’ils étaient condamnés s’ils allaient plus avant en direction du sud.
Dans la cabine du capitaine, deux voix se disputaient sur ce qu’il convenait de faire. Le roi, un homme droit, mince et élancé, à l’allure fière, se tenait devant le capitaine du navire qui fuyait son regard. Ses courts cheveux tombaient sur son visage encore jeune, mais ses traits étaient marqués par le souci et la responsabilité. Bien qu’il le dominât d’une tête de plus, le capitaine, un homme robuste d’une cinquantaine d’années, semblait se tasser à chaque mot que prononçait son roi.
— Mais, Roi Agnarr, si nous poursuivons notre route vers le sud, notre navire sera éventré par des récifs ! Personne ne s’y est jamais risqué, et ceux qui l’ont fait n’en sont jamais revenus !
— Écoutez Angus, répondit le roi d’une voix douce mais ferme, nous ne sommes pas en mesure de faire marche arrière. Je dois m’assurer qu’aucun danger ne menace Arendelle depuis le sud ! Si nous renonçons maintenant, c’est notre royaume tout entier qui sera condamné !
— Votre Altesse, je comprends votre inquiétude, mais comment quoi que ce soit pourrait passer les récifs et cette tempête permanente ? Même ce navire, le plus robuste de votre flotte, risque d’être emporté à tout instant !
— Agnarr…
Une voix douce s’éleva d’un coin de la pièce. Une jeune femme s’avança et posa une main tendre sur l’épaule du roi. Ses cheveux bruns encadraient un visage délicat à la beauté intemporelle, d’où irradiait une douceur certaine. Le capitaine s’inclina profondément.
— Majesté.
— Le capitaine a raison, poursuivit-elle. Il est inutile de mettre en péril la vie de l’équipage de manière si imprudente. Nous pouvons toujours faire demi-tour et nous diriger vers Ahtohallan…
— Iduna, tu sais que nous devions d’abord vérifier la mer du Sud…
— Nous aurons toujours l’occasion de revenir plus tard, Agnarr. Hormis cette tempête, la mer du Sud ne semble pas constituer une menace immédiate pour Arendelle. En revanche, cette carte est notre seule chance pour comprendre les pouvoirs de notre fille.
— Mais…
— Je t’en prie… Fais-le pour Elsa. Et pour la vie de ces braves hommes.
Alors que le navire s’efforçait difficilement de pivoter en bravant les vagues, quelque chose s’agitait.
Loin, très loin, au plus profond de la mer du Sud, ils attendaient leur heure. Ce pouvoir. Ils le ressentaient et ils enrageaient. Leur soif sans fin voulait se déverser dans la mer jusqu’à ce continent, ce fjord, et s’emparer de la source de cette magie. Mais elle était encore faible, trop faible, pour les apaiser. Ce n’était qu’une lueur vacillante dans leurs éternelles ténèbres. Un murmure dans le silence infini. Mais ils attendraient. Malgré leurs pulsions, ils étaient patients. Lorsque ce pouvoir grandira et illuminera l’obscurité, lorsque cette magie deviendra trop forte, alors l’ombre envahira la mer et dévorera tout sur son passage.
Et Arendelle sera condamnée.
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