Chapitre 7

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Le silence était tombé sur la forêt à mesure que le soleil déclinait et que les étoiles apparaissaient dans le ciel. Elsa et Aodhan avaient installé leur campement à l’abri des grands arbres, profitant de la protection offerte par la végétation environnante. Au loin, ils entendaient les vagues s’échouer sur la plage. Le seul obstacle qui se dressait désormais entre eux et Ahtohallan était l’océan qu’ils traverseraient le lendemain matin.
Ils avaient traversé le reste de la journée sans encombre, sans avoir croisé d’autres créatures d’ombre. Après avoir monté leur tente et qu’Aodhan ait allumé un petit feu grâce à sa magie, ils partageaient un repas modeste, assis sur un petit tapis brodé de motifs Northuldras.
Tout en mangeant, Elsa et Aodhan échangeaient quelques mots ponctués de légers rires, s’autorisant un moment de répit, loin du poids de la responsabilité qui pesait sur leurs épaules, cachés sous le manteau de la nuit.

— Attrape, dit Aodhan en lui lançant un fruit grillé.

Elsa attrapa habilement le fruit et souffla dessus pour le refroidir. Elle rit légèrement avant de le savourer, et son regard croisa celui d’Aodhan par-dessus l’éclat du feu.
Elle ne put s’empêcher de ressentir une certaine gratitude envers le jeune homme. Bien qu’ils se connaissent à peine, il avait déjà risqué sa vie pour protéger la sienne. Elle n’oubliait pas qu’il s’était jeté entre l’ombre et elle pour la protéger. Même si elle se savait capable de se défendre seule, elle était heureuse qu’il soit là pour l’aider, lui tenir compagnie, et partager le fardeau de leur quête d’indices sur Roderick.
De son côté, Aodhan appréciait la compagnie d’Elsa. Il avait le sentiment qu’en lui apportant son aide, en sauvant son royaume, il rembourserait sa dette envers Elsa. Elle lui avait sauvé la vie en le retrouvant dans la Forêt Enchantée. Derrière chaque regard qu’il lui adressait se trouvait une admiration et un dévouement sans failles.
Après qu’Elsa lui ait raconté une dernière anecdote sur l’une des nombreuses bêtises d’Olaf, les braises du feu commençaient à s’affaiblir et la fatigue se faisait sentir, ils décidèrent donc d’aller se coucher. Aodhan hésita à proposer de monter la garde, mais la jeune femme lui assura que Nokk surveillerait le camp et les alentours pour eux.
Ils n’avaient qu’une seule tente, mais elle était suffisamment grande pour qu’ils puissent y installer leurs deux sacs de couchage tout en laissant un espace respectable entre eux. Ils se souhaitèrent bonne nuit et laissèrent l’obscurité s’installer autour de la tente, alors que le feu s’éteignait et que Nokk hennissait paisiblement face à la toile.

— Elsa ? murmura soudain la voix d’Aodhan dans l’obscurité.
— Mhm ?
— Lorsque tout sera fini, est-ce que tu pourras m’emmener à l’endroit de la forêt où tu m’as trouvé ?

Elle pivota sur le côté pour faire face au jeune homme, bien qu’elle ne discernât qu’une masse sombre dans la pénombre. Elle s’apprêtait à lui demander pourquoi il souhaitait se rendre là-bas, mais se ravisa. Elle pensait comprendre son geste ; il espérait peut-être y trouver un quelconque indice sur ce qui lui était arrivé. Et cet endroit était sûrement symbole de renaissance à ses yeux, tout comme il semblait être le point de départ d’un nouveau chapitre pour elle-même.
Elle hocha la tête avant de se souvenir qu’ils étaient plongés dans le noir.

— D’accord, souffla-t-elle.
— Merci, Elsa.

Bien qu’elle ne pût pas le voir, elle entendit le sourire dans sa voix. Elle sourit à son tour en se rallongeant sur le dos.

— Bonne nuit, à demain matin.
— Bonne nuit, Aodhan.

Les premiers rayons de l’aurore commençaient à peine à caresser la canopée de leur teinte jaune-orangée tandis qu’Aodhan et Elsa finissaient de démonter leur campement de fortune. La lumière réchauffait la rosée matinale et les oiseaux sortaient de leurs nids en piaillant joyeusement.
Le camp démonté, ils avaient repris la route sur le dos de Nokk, et le soleil venait tout juste d’émerger de l’horizon lorsqu’ils arrivèrent face à la mer où les attendait Ahtohallan. Aodhan regardait les vagues d’un air inquiet.

— Je sais que Nokk est fait d’eau, articula-t-il lentement, le teint pâle. Mais tu es sûre qu’il peut… Traverser l’océan ?

Elsa se tourna vers lui avec un petit rire.

— Comment crois-tu que j’ai atteint Ahtohallan la première fois ? répliqua-t-elle. Ne t’inquiète pas, l’esprit de l’eau est capable de galoper sur les vagues.

Comme pour appuyer ses paroles, le cheval avança sur l’eau, ses sabots glissant sans bruits sur la surface calme. Aodhan ne put s’empêcher de resserrer un peu son étreinte autour d’Elsa, s’efforçant de ne pas regarder l’océan profond qui s’étendait sous eux. La jeune femme posa une main rassurante sur la sienne alors que Nokk commença à galoper à toute allure.

— Je sais que ça ne s’est pas bien passé la dernière fois que tu étais dans l’océan, mais cette fois tu n’es pas sur un bateau de fortune, lui dit-elle. Et je suis là, tu n’as rien à craindre.
— Oui, tu as raison…, murmura-t-il en hochant la tête.

Son teint restait cependant toujours aussi pâle. Indifférent à ses états d’âmes, leur destrier poursuivait son chemin, sa surface de givre scintillant de mille feux sous les rayons du soleil automnal. Il remarqua que le mouvement du dos de Nokk semblait plus régulier, moins cahoteux, comme si l’esprit de l’eau cherchait à le rassurer à sa manière.

— Tu sais, remarqua-t-il soudain, on m’a parlé de la façon dont tu avais empêché Arendelle d’être engloutie par la destruction du barrage. Tes pouvoirs de glace ont l’air incroyablement puissants, tu pourrais sûrement geler tout un chemin direct jusqu’à Ahtohallan sur lequel nous pourrions marcher… En toute sécurité, rajouta-t-il en regardant une nouvelle fois la mer défiler sous eux avec appréhension.

Elsa hocha la tête, surprise par sa suggestion.

— Ce sont deux choses très différentes Aodhan, et la glace se ferait sûrement emporter par de fortes vages… Je ne sais pas si j’en suis vraiment capable.
— Je suis sûr que si ! s’exclama-t-il.

La jeune femme laissa échapper un petit rire, amusée par l’enthousiasme d’Aodhan. Il était vrai qu’elle n’avait jamais vraiment songé à faire un chemin de glace, maintenant que la mer était plus clémente. Elle s’était habituée à voyager sur le dos de Nokk.
Au loin, émergeant de la brume matinale, une immense forme glacée leur apparut, se dressant majestueusement au milieu des vagues. Aodhan plissa les yeux pour mieux voir. Le glacier semblait scintiller sous les premiers rayons du soleil, ses contours se découpaient avec une précision presque surnaturelle dans le ciel clair et le rythme calme de l’océan.
Elsa observait également le lieu avec tendresse, comme si elle retrouvait un foyer qu’elle avait quitté il y a bien longtemps. Elle saisit la main d’Aodhan dans la sienne, lui offrant un sourire rassurant.

— Nous y sommes, murmura-t-elle, la voix empreinte d’une certaine émotion. Ahtohallan.

Ils posèrent le pied en douceur sur la surface gelée du glacier, face à une entrée creusée dans la paroi. Elsa salua Nokk avant d’entrer dans la grotte. Aodhan l’imita et s’inclina devant le cheval qui inclina la tête. S’il pouvait hausser les sourcils, le jeune homme était sûr que le cheval le ferait. Avant de se sentir encore plus ridicule, il se hâta sur les pas d’Elsa pour la rejoindre.
Ils avancèrent le long de tunnels tortueux, et Aodhan dut se faire violence pour ne pas claquer des dents sous le froid mordant des lieux. Face à lui, Elsa avançait tranquillement, et il se demanda comment elle pouvait résister aux températures simplement vêtue de sa robe légère. Peut-être que lui-même pouvait résister aux fortes chaleurs, dans ce cas ? Pour le moment, il se contenta d’invoquer une flamme dans sa main pour se réchauffer.
Elsa s’arrêta soudain en lui faisant signe de faire de même.

— Un instant, Aodhan.

Il regarda la salle qui se tenait devant eux : un large gouffre, si profond qu’il était impossible d’en voir le fond. Au centre, quelques piliers de glace se tenaient là, impassibles, et le jeune homme devina facilement comment Elsa traversait habituellement le ravin.

— J’admire ton habilité, commença-t-il en reculant d’un pas. Mais je suis incapable de sauter aussi loin, et je ne sais pas non plus voler.
— Dans ce cas…, sourit Elsa.

Elle fit un geste de la main, et des arches de glace se formèrent entre les piliers, des ponts prenant forme pour les relier entre eux et rejoindre les deux murs de la salle. Aodhan ne put retenir un sifflement impressionné en observant l’ouvrage. La glace n’avait aucun défaut, lisse comme des miroirs, et même les rambardes étaient finement ciselées comme si elles avaient été taillées par le meilleur artiste d’Arendelle. Ils s’avancèrent sur le pont, et il en profita pour donner un petit coup de coude amical à Elsa en se plaçant à ses côtés.

— Vantarde, murmura-t-il.

Elsa ne répondit rien, mais son sourire trahissait son amusement.
Ils débouchèrent finalement dans une vaste salle circulaire, baignée dans une lumière blanche et immaculée. Des flocons de neige tournoyaient paisiblement dans l’air, balayés par une brise inexistante. Aodhan pivota sur lui-même pour admirer la beauté de l’endroit et des flocons qui tourbillonnaient au-dessus de sa tête. En baissant le regard, il laissa échapper une exclamation de surprise et porta aussitôt la main sur son épée : un homme couvert de givre tendait les mains vers lui, l’air menaçant.
Quelques secondes passèrent avant que le jeune homme ne réalise qu’il s’agissait d’une statue. En parcourant de nouveau la pièce du regard, il réalisa que cette dernière était peuplée par ces étranges statues.

— Ce sont des échos du passé, expliqua Elsa en le dépassant. Toute l’histoire d’Arendelle et de la Forêt Enchantée est liée, et condensée ici.

Elle se tourna vers lui.

— Tu m’as parlé du barrage tout à l’heure, expliqua-t-elle. C’est ici que j’ai appris la vérité à son sujet. Ahtohallan est la mémoire de la Forêt Enchantée.
— Je vois…, Aodhan hocha la tête. Donc, nous devons trouver une statue qui a l’apparence de Roderick ?
— Exact, approuva-t-elle.

Ils partirent chacun dans une direction opposée, l’air désormais sérieux. Les sourcils froncés, ils observaient chaque statue devant laquelle ils passaient, arpentant les lieux en écoutant les voix de ces lointains passés. Ici, un groupe de Northuldras dansait autour d’un feu de joie, là, une jeune femme qu’Aodhan reconnut être Anna tirait un drap pour révéler une statue de deux enfants qui se tenaient par la main.
Une autre statue attira son attention. Il s’approcha lentement, les yeux écarquillés, sans croire ce qu’il voyait.

— Elsa ! appela-t-il.
— Tu as trouvé Roderick ? demanda-t-elle depuis l’autre côté de la salle.
— Non… C’est autre chose.

Il dut y avoir quelque chose d’alarmant dans sa voix, car la jeune femme se précipita dans sa direction. Elle posa la main sur sa bouche en signe de surprise en découvrant Aodhan et la statue devant laquelle il se trouvait.
C’était le jeune homme, allongé sur un radeau sur le point d’être englouti par des vagues gigantesques. Mais alors que les vagues se rapprochaient, un tourbillon se formait sous le jeune homme, le soulevant de son embarcation, sans doute pour l’emmener à l’abri. Un petit bruit semblable à un sifflement affectueux résonna à leurs oreilles, et Elsa le reconnut aussitôt.

— C’est Gale, murmura-t-elle en s’approchant.
— Gale ? demanda Aodhan.
— L’esprit du vent.

La scène lui revint soudain en mémoire. C’était Gale qui l’avait conduit jusqu’à Aodhan, en bondissant joyeusement dans la forêt. C’était grâce à lui qu’elle avait pu le sauver.

— Je devais être près des côtes de la Forêt Enchantée à ce moment, marmonna Aodhan en fixant sa statue de neige. Mais pourquoi m’a-t-il sauvé ?

Elsa se tourna vers lui. L’air soucieux et les sourcils froncés, elle réfléchissait.

— Les esprits ont parfois des raisons qui nous échappent. Peut-être… Peut-être a-t-il senti que tu étais comme moi, articula-t-elle lentement. Que tu avais des pouvoirs.
— Probablement, approuva-t-il avec un hochement de tête.

Il se tourna en espérant voir une autre statue, qui lui donnerait plus de détails sur la suite des événements ou sur les raisons qui auraient poussé Gale à le sauver. Il leva soudain le bras en pointant une statue du doigt.

— Là-bas ! s’écria-t-il. Roderick !

Elsa eut tout juste le temps de se tourner vers la direction qu’il avait indiqué qu’Aodhan s’y était déjà élancé. Elle le suivit, le cœur battant. Elle espérait de tout son cœur qu’il s’agissait d’un souvenir utile pour sauver Arendelle.
Ils s’arrêtèrent tous deux devant la statue de neige. Ses traits étaient plus fins, moins creusés, et ses cheveux étaient plus courts et propres. Mais ils reconnaissaient son visage et ses yeux sombres. Trop sombres, même pour une statue en neige scintillante. Il s’agissait bien de Roderick.
En lieu et place de son long manteau noir, il portait ici des vêtements richement décorés, une cape en soie arborant le blason d’Arendelle flottait derrière lui, et sa chemise bien taillée disparaissait sous les décorations et les honneurs. Mais un autre détail fit frémir Elsa, dont les mains commençaient à trembler. Les larmes menaçaient de rouler sur ses joues, mais elle luttait pour les retenir.
Délicatement posée sur sa tête, une couronne brillait fièrement, ses joyaux de glace projetant ses reflets éclatants sur eux.

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