Chapitre 22

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Les menottes tombèrent au sol avec un tintement vibrant avant de disparaître dans des volutes de fumée noire. Surprise, Elsa ouvrit les yeux, son cœur tambourinant contre sa poitrine. Elle fixa Aodhan avec étonnement, incapable de comprendre ce qui venait de se produire. Un léger sourire flottait sur le visage du jeune homme, illuminant ses traits d'une chaleur familière. Dans ses yeux brillaient une étincelle de malice mêlée à une détermination féroce. Il lui adresse un clin d'œil pétillant et fit volte-face.

D'un geste vif, il lança l'épine du Narval en direction de Roderick. La lame fendit l'air avec une précision redoutable, reflétant brièvement les lumières chatoyantes du vitrail. L'arme siffla à travers la pièce en direction de Roderick, qui ne parvint à la dévier que d'extrême justesse avec ses pouvoirs, la surprise se lisant dans ses yeux écarquillés.

Avant que le roi déchu ne puisse réagir, Aodhan leva les mains dans sa direction, des flammes imposantes surgirent du sol et enfermèrent Roderick sous un dôme brûlant.

- Elsa, nous n'avons pas beaucoup de temps ! s'écria-t-il par-dessus son épaule. Je vais essayer de le retenir, toi, va chercher la corne du Narval sur le trône ! Ensuite, je récupère mon épée, nous sortons d'ici et je te retire cette fichue marque ! Compris ?

Elsa cligna plusieurs fois des yeux, son esprit peinant à assimiler tout ce qui venait de se dérouler. Au-dessus de l'épaule d'Aodhan, elle ne pouvait voir que ses yeux illuminés d'orange, comme des flammes crépitant de rage. Il était là, face à elle. Comme elle l'avait souhaité durant ces derniers jours. Elle hocha finalement la tête et tenta de se concentrer sur la corne.

Aodhan n'eût pas le temps de voir son geste : Roderick venait de briser le dôme. De sous les flammes surgissaient d'immenses tentacules noires et épineuses qui s'écrasèrent sur les murs et s'enroulèrent autour des piliers en les faisant craquer dangereusement. Le jeune homme se jeta instinctivement sur Elsa pour la protéger, les entraînant tous deux au sol juste à temps pour esquiver un tentacule qui frôla le sommet de leur crâne.

Il se releva légèrement et regarda Elsa dans les yeux, leurs visages si proches que leurs souffles se mêlèrent.

- Tu vas bien ? souffla-t-il.
- Aodhan... Je croyais que... Tu...
- Plus tard, répondit-il en l'aidant à se lever. La priorité, c'est de sortir d'ici avec la corne !

Elsa hocha la tête tandis que le dôme de flammes se dissipait. Ils se précipitèrent tous les deux, elle vers le trône, et lui vers Roderick.

Elle se fraya un chemin à travers le chaos de ténèbre qui régnait dans la salle du trône. D'un bond gracieux, elle sauta par-dessus une épine qui avait jailli face à elle et tentait d'immobiliser ses jambes.

Dans le même temps, Aodhan érigeait un mur de flammes entre la jeune femme et Roderick. L'homme avait compris le plan des deux autres et tentait d'arrêter Elsa, mais ses ténèbres se heurtaient contre des flammes qui s'élevaient jusqu'au plafond de la haute pièce.

Aodhan faisait lentement le tour jusqu'à son épée, ses bras décrivant des gestes semblables à ceux d'un chef d'orchestre, sa magie de feu répondant à son rythme déchaîné. Le jeune homme paraissait calme, il se mouvait doucement, mais l'éclat magique de ses yeux trahissait toute la haine qu'il ressentait pour Roderick. Il ne le laisserait pas faire de mal à Elsa.

Roderick poussa un cri de rage et invoqua une lame sombre dans le creux de sa main. Il se précipita vers Aodhan, qui n'était plus qu'à quelques mètres de l'épine du Narval...

- Je l'ai !

La voix d'Elsa retentit alors que ses doigts frôlaient la surface froide de la corne du Narval. Roderick s'interrompit et se tourna vers elle, tandis qu'elle levait la corne au-dessus de sa tête en fermant les yeux, et tentait d'invoquer son pouvoir. « La corne ne répond qu'à des sentiments forts »... La voix et l'image d'Aodhan lui vinrent immédiatement en tête.

La corne s'illumina et dissipa les tentacules de ténèbres ainsi que la lame de Roderick.

— Quoi ? s'exclama-t-il. Je pensais que ses pouvoirs avaient disparu !

Aodhan profita que son adversaire soit aveuglé pour faire une roulade en direction de son épée qu'il attrapa avec habileté. La lumière de la corne commençait à dissiper les rideaux d'ombre opaque qui dissimulaient les fenêtres. Mais bientôt, un rire s'éleva dans la lumière, qui se dissipa. Roderick riait de son habituel rire sans joie.

- Espèce d'idiote, cracha-t-il. Tu pensais vraiment que cela suffirait à me vaincre ?
- Non. Mais j'ai pu gagner du temps.
- Que... ?

Il se tourna vers Aodhan, juste à temps pour voir le coup qu'il lui portait. Par réflexe, Roderick forma un bouclier de ténèbres entre lui et la lame. Avec un bruit semblable à celui d'un clocher, le bouclier se brisa, projetant le roi déchu en arrière.

Elsa en profita pour se précipiter vers Aodhan, la corne du Narval dans les mains. Il lui attrapa la taille et ils se précipitèrent vers une fenêtre, que les ténèbres commençaient de nouveau à recouvrir maintenant que la lumière avait disparu.

- Fais-moi confiance, murmura le jeune homme.

Il se plaça devant Elsa et l'enlaça en posant une main sur le haut de sa tête pour la protéger. Une seconde plus tard, le verre éclata dans son dos alors qu'ils traversaient la fenêtre et tombaient dans le vide.

Elsa ne voyait rien, blottie contre Aodhan, mais elle pouvait sentir le vent siffler dans ses oreilles. Bientôt, elle fut entourée d'une agréable chaleur, et elle tourna légèrement la tête pour observer ce qu'il se passait. Des flammes dansaient tout autour d'eux : Aodhan usait de sa magie pour les faire planer au-dessus du pont qui reliait le château à la fausse Arendelle.

Ils atterrirent sur le pont, juste devant le vortex de ténèbres derrière lequel retentissaient les échos des combats qui faisaient rage. Elsa se releva précipitamment, voulant venir au secours de sa sœur, mais la main d'Aodhan la retint par le poignet.

- Anna ! interpella Elsa.
- Elsa, attends ! La marque !
- Comment comptes-tu m'en débarrasser ? demanda-t-elle en haussant un sourcil dubitatif.
- Regarde.

Il posa le plat de l'épine du Narval sur la marque à son poignet. L'arme s'illumina alors en projetant une douce et chaleureuse lumière dorée sur eux. Quelques secondes plus tard, l'épine redevint terne, et lorsqu'Aodhan la retira de son poignet, la marque ténébreuse avait disapru.

- La corne n'est pas la seule chose qui provient du Narval de Lumière, expliqua-t-il apparemment fier de lui.

Elsa lui sourit, mais n'eût pas le temps de lui répondre. Un trait de ténèbres jaillit du château et s'écrasa contre le vortex face à eux.

Les ombres s'animèrent aussitôt. Les éclairs d'énergie violacés crépitèrent de plus belle alors que deux immenses yeux jaunes apparurent et une forme de mâchoire se dessinait. Le vortex avait pris vie et avançait vers eux, ses crocs acérés prêts à les déchiqueter.

Aodhan se plaça devant Elsa. Il était de toute évidence résolu à lui montrer qu'il voulait la protéger.

- Laisse-moi faire, déclara-t-il. Dès que j'en ai fini avec cette chose, nous détruirons les ombres derrière et nous retrouverons Anna.

Il fit face au vortex et ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, le bleu de ses iris avait laissé place à la lueur brûlante de sa colère. Il tendit les bras en avant. Des flammes tourbillonnantes émergèrent de ses paumes, formant un tourbillon incandescent qui rivalisait en intensité avec les ténèbres du vortex, se tordant et se contorsionnant dans une danse infernale.

Un rugissement déchirant émana des profondeurs du vortex, mais Aodhan tint bon, concentrant toute sa puissance dans un assaut dévastateur. Sous l'impact, il semblait s'appuyer contre un mur invisible. Chaque fibre de son être était tendue au maximum et le maintenait debout malgré la pression immense qui s'exerçait contre lui. La puissance du vortex sous ses flammes le faisait lentement reculer, mais le jeune homme refusait de céder.

Le mur de flammes et le vortex se rencontraient avec une force titanesque, le pont tremblait sous l'impact et les ténèbres vacillaient sous l'assaut impitoyable des flammes. Le manteau d'Aodhan claquait dans son dos sous la force des bourrasques qu'ils produisaient.

Et puis, dans un éclat de lumière aveuglante et brûlante, le vortex explosa, son cœur se désagrégea en volutes de fumées noires et épaisses qui se dissipa rapidement. Aodhan tomba à genoux, essoufflé par les efforts qu'il venait de déployer. Elsa se précipita et s'accroupit près de lui.

- Aodhan, tout va bien ?

Il leva une main et hocha la tête en haletant.

- Oui, je dois juste... Reprendre mon souffle.

Après un moment, il se redressa lentement, le souffle court, mais prêt à plonger de nouveau dans le combat. Dans les rues de la ville face à eux, les formes indistinctes des ombres se glissaient entre les bâtiments en ondulant. Leurs yeux jaunes luisaient au cœur des ténèbres, leurs silhouettes déformées grouillaient de toutes parts, leur masse noire semblait aspirer la faible lueur de la lune à demi cachée derrière les nuages.

Elsa et Aodhan échangèrent un regard et un sourire complice, et la jeune femme hocha la tête.

D'un même mouvement, ils se lancèrent à l'assaut des ténèbres. Une lueur bleue apparut dans les mains d'Elsa alors qu'elle repoussait les premiers assauts des ombres avec sa glace. Aodhan, lui, se propulsa dans les airs et atterrit lourdement au milieu des créatures, créant une onde de choc qui incinéra celles qui l'entouraient. Elsa forma un pilier de glace sous elle pour s'élever dans les airs, et elle commença à glisser dans les airs, tout autour des ombres sur lesquels elle lançait des stalactites.

Ensemble, ils offraient un spectacle hypnotisant, leurs mouvements synchronisés et leurs gestes fluides. Ils semblaient connectés par un lien invisible, couvrant mutuellement leurs arrières. Aodhan attrapa une ombre et l'envoya dans les airs, Elsa lança un trait bleuté de magie qui glaça la créature, et le jeune homme bondit pour la briser en mille morceaux à l'aide de son épée.

La jeune femme continuait à glisser avec aisance autour de la masse de créatures, Aodhan volant derrière elle grâce à ses pouvoirs de feu, projetant des gerbes de flammes et des explosions sur toutes les ombres qui les entouraient. Là où Elsa rencontrait une résistance, Aodhan intervenait avec ses flammes dévastatrices, et là où les flammes vacillaient, Elsa intervenait avec sa glace implacable.

Là, au milieu des ténèbres, ils discernèrent Anna, Kristoff et la garde royale, encerclés par les ombres. Les créatures tendaient leurs griffes vers la troupe fatiguée, certains soldats étaient engloutis par l'obscurité.

Ils se précipitèrent à leur secours, leurs pouvoirs combinés créant une tempête de lumière, de gel et de chaleur qui dispersa les ténèbres une fois pour toutes. Le silence retomba enfin sur la ville, débarrassée du chuintement du mouvement des ombres.

Elsa, le souffle court, s'apprêtait à se tourner vers sa sœur, mais Aodhan atterrit près d'elle et se précipita aussitôt pour serrer la femme qu'il aimait dans ses bras.

- Je suis désolé, tellement désolé..., murmura-t-il en la pressant contre lui. Je pensais en être capable. Je croyais réussir à sauver Arendelle seul... Je te demande pardon...

Il s'écarta d'Elsa et la regarda, ses yeux brillants non pas de rage magique, mais cette fois par des larmes sincères. La jeune femme bredouilla des paroles incompréhensibles, encore incapable de savoir si elle pardonnait Aodhan.

Des pas retentirent derrière eux, et Elsa se recula juste à temps pour voir Anna asséner une claque cinglante à Aodhan, son geste résonnant à travers la grand-place de la fausse ville. Apparemment, ses sentiments étaient bien plus clairs que ceux d'Elsa.

- Espèce de crétin ! cria-t-elle en le secouant comme un prunier. As-tu la moindre idée de ce que tu as infligé à Elsa ? Et à Arendelle ? Pourquoi est-ce que tu ne nous as rien dit ?

Elle le relâcha enfin, laissant Aodhan chanceler quelques secondes avant de le serrer fort dans ses bras.

- Je suis heureuse que tu ailles bien, murmura-t-elle avant de s'éloigner, son expression redevenue sévère. Mais tu nous dois des explications !

Le petit groupe, accompagné de la garde d'Arendelle, avait trouvé refuge sur le rivage, hors de la fausse ville. Assis en cercle dans le sable, ils avaient écouté attentivement le récit d'Aodhan jusqu'au moment où il avait senti les ténèbres tenter de corrompre son cœur.

- Ce que Roderick avait - une fois de plus - négligé, c'était ceci, expliqua-t-il en leur montrant l'épine du Narval. Cette épée provient du Narval de Lumière, et bien qu'elle soit moins puissante que la corne, sa magie a repoussé les ténèbres qui voulaient envahir mon cœur. J'ai continué à jouer le jeu pour ne pas éveiller les soupçons, tout en guettant votre arrivée.
- Je ne comprends pas, intervint Elsa. Pourquoi est-ce que tu ne nous as rien dit ?

Aodhan se renfrogna, l'air honteux, en ramenant ses genoux contre lui.

- Je voulais vous protéger, toi et le royaume, murmura-t-il. Je pensais pouvoir gérer cela seul, mais je me suis trompé. Roderick... ses mots semblaient logiques à l'époque. Je savais qu'il tentait de me manipuler pour récupérer ses pouvoirs, et je pensais que je pourrais utiliser les pouvoirs de la corne pour détruire Yohamitään avant cela. Mais je n'ai pas réussi... J'étais envahi par les remords. Roderick devait sûrement s'y attendre.

Il poussa un long soupir, le poids de la culpabilité sur les épaules. Finalement, il releva les yeux vers Elsa et Anna. Le regard d'abord tremblant, il eût du mal à les fixer dans les yeux, jusqu'à croiser ceux d'Elsa.

- Je vous demande pardon. Je n'aurais jamais dû remettre en question votre confiance. Je suis prêt à faire ce qu'il faut pour réparer mes erreurs et vous protéger. Arendelle, et toi. Et si cela ne suffit pas à me racheter, je suis prêt à payer les conséquences de ma stupidité lorsque nous serons de retour à Arendelle, après tout ça.

Elsa l'écoutait en silence, envahie par un tourbillon d'émotions. La douleur de la trahison qu'elle ressentait depuis plusieurs jours refaisait surface, mais semblait atténuée par ses excuses. Bien sûr, elle lui en voulait toujours et était extrêmement déçue. Mais il avait fait tout cela pour sauver Arendelle une bonne fois pour toutes. Quelque part au fond d'elle, une petite voix un peu égoïste était heureuse qu'il ait traversé tout cela pour la protéger, elle. Et elle ne pouvait nier être soulagée qu'il soit de retour à ses côtés, qu'il n'ait jamais songé à la trahir.

Anna, quant à elle, fronçait des sourcils, sans chercher à cacher sa colère. Elle avait mis beaucoup de temps à lui accorder sa confiance, et lorsqu'il l'avait obtenue, il décidait de tout risquer en partant avec l'homme qui avait failli détruire Arendelle. Elle soupira. Ses actions avaient été stupides, mais partaient toutes d'un bon sentiment, celui de protéger Arendelle et les personnes qu'il aimait. Un sentiment qu'Anna ne connaissait que trop bien.

- Roderick s'est lié à Yohamitään, reprit Aodhan, bien décidé à leur dire tout ce qu'il savait. Cette entité est tout autour de nous : Roderick lui a fait prendre la forme de la Arendelle qu'il a connu. Aucun des deux ne peut disparaître tant que l'autre survit.
- Tu veux dire que même si nous dissipons totalement sa fausse Arendelle, cela ne détruira pas Yohamitään ?
- Exactement, confirma sombrement Aodhan, car elle vivra toujours en Roderick. Et inversement, si nous tuons Roderick, son corps retournera au néant de Yohamitään et il émergera de nouveau des ombres - d'après ses dires.

Il se tourna vers Elsa.

- Et comme tu l'as vu, la lumière de la corne ne suffit plus pour dissiper ses pouvoirs, car il prend sa force dans Yohamitään.
- Alors, pour vaincre Roderick, nous devons nous assurer que la lumière atteigne à la fois la fausse Arendelle et lui-même, réalisa lentement la jeune blonde. Mais il reste tout le temps enfermé dans sa salle du trône.

Aodhan, malgré ces paroles décourageantes, affichait un petit sourire.

- C'est risqué, mais j'ai un plan. Mais nous n'aurons qu'une seule chance.

Anna le fixait sans rien dire depuis plusieurs secondes. Finalement, elle se leva et se planta devant lui. Elle pointa un doigt accusateur vers lui en le dominant de toute sa hauteur.

- Si ton plan fonctionne et que nous faisons disparaître Roderick et Yohamitään, alors j'estimerai que tu te seras racheté aux yeux d'Arendelle. Cela te convient ?

Aodhan, les yeux levés vers le visage dur de la reine, hocha lentement la tête en déglutissant avec difficulté.

- Très bien. Alors nous t'écoutons.

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