Chapitre 1

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L’oiseau, posé sur sa branche, chantait gaiement. Il était seul. Il n’y avait pas un seul autre oiseau autour lui et il n’avait pour unique compagnie que les glycines, les hakonechloas, les hostas, les camélias et autres plantes toutes plus exotiques les unes que les autres mais il ne s’en était jamais soucié. Il chantait, et il aimait chanter, c’était tout ce qui l’importait.Il ne s’était jamais senti seul car il l’avait toujours été.

Les rayons du soleil perçaient les vitres de la volière, diffusant une agréable chaleur dans la serre, et l’oiseau continuait son chant mélodieux, quand un sifflement retentit. Il s’arrêta aussitôt. Il déploya alors ses ailes et s’envola, frôlant presque le plafond, cherchant la provenance du sifflement. Il aperçut bientôt un homme, debout, au milieu de la volière, vêtu d’un élégant costume, l’avant bras tendu devant lui. Il plongea à toute vitesse vers l’homme pour se poser délicatement sur son bras. Ce dernier émit un léger rire et caressa affectueusement le haut de la tête de l’oiseau, satisfait. Son visage était flou.

L’oiseau reprit alors son chant. C’était pour ces moments-là qu’il s'entraînait à longueur de journée. Pour cet homme au visage indéchiffrable qui venait régulièrement le voir et ne manquait jamais de féliciter sa performance par un petit fruit. Cette fois-ci, il s’agissait d’une myrtille.

L’homme tendit le bras vers les branches, indiquant qu’il s’agissait de la fin de sa visite. L’oiseau ne protesta pas et s’y posa docilement et en même temps que l’homme disparaissait entre les plantes de la serre, sa vision devenait de plus en plus blanche, comme surpassée par un éclat de lumière. Une voix sourde résonna.

  • Ma…selle… Ré…vous… Made…selle… Réveillez-vous. Mademoiselle !

Un froid mordant réveilla tout à coup la petite Colombe. Ses yeux ensommeillés se posèrent d’abord sur Marie, sa gouvernante, et son air rieur, puis sur la couette qu’elle tenait entre les mains avant de finalement dériver sur la fenêtre derrière elle grande ouverte. Malgré la fatigue, il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre la situation. Marie, voyant que sa pupille refusait de se réveiller malgré ses appels incessants, avait finalement opté pour la méthode forte : arracher la couverture et ouvrir grand les fenêtres pour faire rentrer l’air glacial de novembre.

  • Allez debout on se réveille ! Et plus vite que ça s’il vous plaît, vous ne vous êtes pas transformée en paresseux en l’espace d’une nuit à ce que je sache !
  • Mmmmmmm…, grogna Colombe en enfouissant sa tête sous un des oreillers encore assommée par son rêve.
  • Il n’y a pas de “mmmm” qui tienne Mademoiselle, levez-vous où vous n’aurez pas droit à votre petit-déjeuner !

Elle entendit tout à coup des voix retentirent depuis la cour. Colombe se leva brusquement en les entendant, faisant sursauter sa gouvernante qui ne s’attendait pas à un réveil si soudain, et se précipita à la fenêtre pour découvrir plusieurs domestiques faisant de nombreux allers-retour entre le manoir et une voiture, les bras chargés d’objets fortement marqués par l’esthétique orientale, tout cela sous la commande de son père. C’est alors qu’elle se souvint. Cela lui était complètement passé par la tête la veille, mais son père était parti en voyage dans les Indes orientales néerlandaises depuis quelques mois, et à en juger par la scène qui se déroulait sous ses yeux, il venait tout juste de rentrer.

  • PAPA ! l’interpella-t-elle.

L’homme se retourna, afficha un sourire lumineux lorsqu’il aperçut sa fille qui lui faisait de grands gestes, penchée au bord de la fenêtre. Comme en écho, Colombe esquissa un grand sourire. C’était bien son père.

  • Coucou mon petit oiseau ! Papa t’as manquée ?!
  • Tu es rentré quand ?!
  • Oh, il n’y a pas longtemps, je dirais une heure peut-être ?!
  • Tu m’as trop trop manquée papa ! Et moi ?! Est-ce que je t’ai manqué ?!
  • Bien sûr mon colibri ! Tu sais que c’est toujours une déchirure de devoir partir pour le travail ! Mais réjouis-toi ! Non seulement Papa est de retour, mais il t’as ramené des cadeaux !
  • Ouais !
  • Attention ! Tu ne les auras que si tu écoutes sagement ta gouvernante, d’accord ?!
  • D’accord !

Sur ces mots, elle quitta le rebord de la fenêtre et retourna vers Marie qui la conduisit de suite à la salle de bain pour la débarbouiller et la laver.

Une fois lavée, sa gouvernante lui fit enfiler un des ensembles asiatiques que son père lui avait offert de retour d’un de ses voyages, et attacha ses cheveux en ces deux petits chignons qu’il aimait tant. Son père était un grand amateur d’art et d’artisanat asiatique. Il avait vécu en Chine pendant plusieurs années pour son travail, bien avant sa naissance, et était, depuis, complètement amoureux de cette esthétique, et cette passion se ressentait dans le manoir, rempli d’un nombre incalculable d'œuvres d’art que son père avait acheté.

Marie avait à peine terminé d’arranger sa tenue qu’elle filait déjà vers le bureau de son père où ce dernier l’attendait. Elle s’arrêta néanmoins devant la porte, semblant reprendre contenance, et frappa calmement. Un faible “entrez” résonna de l’autre côté. Elle ouvrit la porte du bureau pour y découvrir son père, ses lunettes de travail sur le nez, plongé dans le carnet qu’il lisait toujours lorsqu'il rentrait de voyage. Colombe entra calmement, refoulant sa joie, et salua poliment son père comme on le lui avait appris :

  • Bonjour, Père, vous avez fait bon voyage ?

Face à cette petite comédie, le père s’extasia, un sourire béat aux lèvres :

  • Mon Dieu, mais qui donc a bien pu amener en ce monde une petite fille aussi mignonne que toi ! Allez viens-là mon canari ! Viens faire un gros câlin à ton papa adoré !

La petite fille ne se fit pas prier et se précipita dans les bras de son père qui la fit tourner dans les airs dans un éclat de rire, avant de se rasseoir à son bureau, sa fille sur les genoux.

  • Alors ? Demanda-t-elle toute excitée. Comment s’est passé ton voyage ?
  • Horriblement long ! Tu sais à quel point je déteste être éloigné de toi pendant aussi longtemps, ça devient de plus en plus dur de te laisser à la maison.
  • Je pourrais venir avec toi la prochaine fois alors ?!
  • Mon petit moineau, j’adorerais, mais tu sais que ce n’est pas possible…
  • Mais pourquoi ? Se plaignit-elle d’une moue boudeuse.
  • Parce que je ne pars pas en voyage pour m’amuser, mais pour le travail. Et puis tu sais que c’est dangereux dehors. Je ne voudrais pas… Qu’il t’arrive la même chose qu’à ta mère.

Son regard se voila de tristesse tandis qu’il regardait l’un des cadres qui étaient posés sur son bureau. Colombe accentua sa moue boudeuse. Elle se blottit contre la poitrine de son père, afin qu’il repose son attention sur elle.

  • Bon… D’accord… Mais alors donne moi mon cadeau !
  • Seulement si tu me fais un bisous, rétorqua-t-il en pointant sa joue du doigt.

Colombe ne se fit pas prier et lui plaqua un baiser sonore sur la joue.

  • Je peux l’avoir maintenant ?

Son père fit mine de réfléchir.

  • Mmmmm… Je ne sais pas… Est-ce que tu as été sage pendant mon absence ?
  • Mais oui ! Allez ! Donne-moi mon cadeau ! Donne moi mon cadeau ! Donne moi mon cadeau !
  • D’accord, d’accord. Je reviens, je vais le chercher.

Il assit sa fille sur le bord du bureau, se leva et, s’apprêtant à quitter la pièce :

  • Ne bouge pas, et ne touche à rien, c’est bien compris ?
  • Oui, papa !

Sur cette promesse, il ferma la porte du bureau, et Colombe entendit ses pas s’éloigner. Ses petites jambes se balançant dans le vide, elle parcourut de son regard curieux la pièce. Elle connaissait déjà cette pièce par cœur, mais elle ne se lassait jamais des merveilles qu’elle renfermait. Sur les étagères qui parcouraient les murs, étaient parfaitement alignées une ribambelle de livres sur les pays d’asie, notamment sur la Chine. Sur le pan de gauche, trônait le portrait de son grand-père, mort bien avant sa naissance ; sur le pan de droite, était accroché un immense planisphère de l’Asie. Enfin, il y avait sur le bureau, tout un tas de bibelots de collection, apparemment très coûteux, du même esthétique que celui du manoir, ainsi que deux cadres photo. Une photo d’elle, prise quelques années plus tôt, emmitouflée dans un cheongsam aux couleurs vives, une tenue japonaise selon son père, et la photo d’une femme, un sourire ravi aux lèvres, un immense bouquet de fleur dans les mains. Une femme, aux traits asiatiques, qui lui ressemblait étrangement. Une femme qu’elle n’avait jamais rencontrée. Sa mère.

Colombe n’aimait pas la photo qu’il y avait à l'intérieur de ce dernier cadre.

Plutôt, elle détestait cette photo. À chaque fois que son père, pourtant toujours si joyeux, la regardait, ses épaules s'affaissaient et son visage se teintait de chagrin. Pourquoi gardait-il cette photo s’il la rendait aussi triste ?

Elle plaqua la face du cadre contre le bureau, au moment même où son père rentrait dans le bureau, cachant quelque chose derrière son dos.

  • Et voilà ton cadeau, s’exclama-t-il en sortant de derrière son dos une sorte de cloche recouverte d’un drap blanc.
  • Oh ! Qu’est-ce que c’est ?! Qu’est-ce que c’est ?! Qu’est-ce que c’est ?!
  • À toi de le découvrir, répondit-il en lui tendant la cloche.

Toute excitée, la petite Colombe souleva le drap, et découvrit, dans une élégante cage dorée, un magnifique oiseau à l’épais plumage immaculé au travers duquel pointaient un petit bec gris ainsi que deux yeux rouges flamboyants, sa tête surmontée d’une élégante huppe.

  • Ouah… S’exclama-t-elle, admirative.
  • Ça te plait ? C’est un cacatoès blanc, une espèce de perroquet. J’ai immédiatement pensé à toi quand je l’ai vu.
  • Oh oui ! Je l’adore ! Est-ce qu’il a un nom ?
  • Non, pas encore, je voulais te laisser ce privilège.
  • Oh ! Merci Papa ! Tu es le meilleur !

Et elle se jeta à son cou, manquant de le faire tomber au sol.

  • Je suis content qu’il te plaise. Tiens, et si tu allais le montrer aux autres ? Un tel oiseau mérite d’être admiré, non ?

Colombe hocha la tête avec enthousiasme et se précipita vers la porte. Elle se retourna, une dernière fois, avant de partir, pour remercier une dernière fois son père, lorsqu’elle remarqua qu’on avait relevé la photo de sa mère.

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