Chapitre 6 : Le Sac

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- Mon Dieu, vous avez vu dans quel état vous êtes ? Qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire à votre père !? se plaignit Marie tout en époussetant la jupe de la fillette. Doux Jésus ! Vous avez même déchiré vos vêtements ! 

- … Ante…

- Comment ? Vous avez dit quelque chose ?

- Tu es méchante… Tu m’as pas cru…

- Mademoiselle… Je n’ai jamais remis en question ce que vous  avez dit…Mais là n’est pas la question. Parfois, dans un conflit, c’est plus sûr de battre en retraite.

- Même si j’ai raison ?

- Oui, même si tu as raison.

- Mais c’est pas juste !

- Oui, c’est injuste. Mais il faut faire avec, c’est ça être adulte. Tu comprendras quand tu seras grande.

- Mais je suis grande !

- Haha, mais oui tu es très grande, tellement grande que je n’arrive pas à voir le haut de ta tête. 

- Ah ! Vous êtes là ! Que s’est-il passé ? lorsque je suis revenu il n’y avait plus personne. Et qu’est-il arrivé à tes vêtements mon colibri ? Demanda alors son père qui venait d’arriver.

- Juste une mauvaise rencontre avec quelques enfants, ne vous inquiétez pas.

- Mon Dieu, tout va bien mon petit poussin ? Ils ne t’ont pas fait mal ? Comment s’appellent ces vilains garnements ? Je dois avoir une petite discussion avec leurs parents.

- Nous ne savons pas, Monsieur, j’ai préféré éloigner Colombe le plus possible de ces enfants. 

- Et bien tu aurais dû leur demander ! Comment osent-ils s’en prendre à mon adorable caille ? 

- Tout va bien papa, je ne suis pas blessée, mes vêtements sont juste un peu abîmés.

- Tu es sûre ? Tu ne me mens pas pour me rassurer ? Tu sais que je déteste quand tu me mens.

- Oui, papa, ne t’inquiète pas.

- D’accord, très bien… Dans ce cas, retournons à notre nappe, terminer notre déjeuner. Marie ?

- Oui ?

- Prend cet argent et loue-nous une barque pour cet après-midi, nous allons faire un petit tour sur l’étang. 

- Bien, Monsieur.

Elle se dirigea vers la cabane de bois près du lac où un homme lisait lascivement le journal et commença à discuter avec lui. Colombe et son père s’assirent sur la nappe et ce dernier sortit du panier une énorme tarte aux fraises particulièrement appétissante.

- Ouah ! Elle est magnifique ! s’extasia la fillette.

- Avec les compliments du chef, répondit son père d’un ton taquin. Elle a l’air bonne, n’est-ce pas ?

L’enfant hocha frénétiquement la tête.

- Tu as hâte de la manger, n’est-ce pas ? 

Elle hocha de nouveau la tête.

- Tiens, on dirait que tu n’as pas faim, quel dommage, je vais devoir la manger tout seul…

- Mais non !! Moi aussi j’en veux !

- Bon, puisque tu insistes, je veux bien te donner une toute petite part. 

Il sortit la pelle à tarte du panier et commença à couper une part à peine plus grande que son doigt. 

- Mais euh ! J’en veux une plus grosse !

- Comme ça ? demanda-t-il en agrandissant la part d’un centimètre.

- Plus grosse !

- Comme ça alors ? 

La part faisait à présent la taille d’une plume d’oiseau.

- Arrête de te moquer de moi !

- D’accord, d’accord, tiens, dit-il en lui tendant une part bien grosse. Régale-toi mon poussin.

- Merfi ! Se réjouit-elle en l’enfouissant presque aussitôt dans sa bouche. Hé ! C’était ma fraise ça Alba ! Voleuse !

- Haha, fais attention, ces oiseaux sont vraiment gourmands. Je ferais mieux de ranger la tarte avant qu’il ne vole la part de Marie. Tiens, d’ailleurs elle en met du temps pour louer cette barque…

Colombe se retourna pour chercher la gouvernante. Elle discutait toujours avec l’homme dans la cabane. Mais la discussion sembla quelque peu houleuse. Monsieur Chatterton se leva.

- Ça m’inquiète. Je vais voir ce qu’il se passe. Sois sage ma Colombe et ne bouge surtout pas de là, d’accord ?

- Oui papa !

Elle le regarda partir avant de retourner à sa tarte, donnant de temps en temps une fraise à Alba. Ses yeux se posèrent un instant sur l’étang et sur les quelques barques qui naviguaient dessus avant qu’elle ne s’étale de tout son long sur la nappe pour profiter du soleil. Alba, quant à elle, voleta jusqu’au panier à la recherche de friandises. Le regard de la fillette fut attiré par un éclat de couleur non loin d’elle. Des fleurs. Il y en avait assez pour faire un beau bouquet pour son père. Elle se releva pour aller les cueillir, quand tout à coup, une voix retentit :

- ATTENTION !!

Elle se retourna pour découvrir deux grandes ombres la recouvrant. Deux hommes, un sourire mesquin plaqué sur le visage. Elle n’eut pas le temps de réagir qu’une main crasseuse se tendit vers elle et lui enfonça un tissu dans la bouche pour l’empêcher de crier. Puis ce fut le noir complet. On l’avait enfermée dans un sac de toile. Elle sentit un des hommes la soulever et la jeter sur son épaule avant de se mettre à courir. 

Elle voulait crier, mais le bâillon qui enserrait sa bouche l’en empêchait. Elle voulait se débattre, mais elle était si contorsionnée dans ce si petit sac que les quelques mouvements qu’elle parvenait à faire lui procurait une douleur terrible. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus eu peur du noir, mais cette fois-ci l’obscurité la terrifiait. Elle sentait le sang lui monter à la tête, à force de rester dans cette position, la tête à l’envers, et la course endiablée de ses agresseurs, les nombreuses secousses qu’elle engendrait, sans oublier l’odeur atroce de ce sac de toile, lui donnait la nausée. Au moins le bâillon avait un avantage. 

Privée de tous moyens de se défendre, il ne lui restait qu’une chose à faire. Prier pour qu’on arrête ces inconnus le plus rapidement possible. Prier pour que son père, ou n’importe qui d’autre, la sauve dès que possible. Prier, alors même qu’elle n’avait jamais particulièrement cru en Dieu. Prier… Et pleurer…

***

La fréquence des secousses diminua, les deux hommes ralentissaient. Ils n’avaient pas couru bien longtemps. 5 minutes et 23 secondes, avait-elle réussi à compter entre deux sanglots. Peut-être plus, mais pas beaucoup. Ils n’étaient pas allés bien loin.

Quelque chose heurta tout à coup violemment son dos. On venait de la balancer contre un mur, ou un objet, elle n’aurait su dire. Un cri de douleur remonta le long de sa gorge, cri que le bâillon étouffa. Ses larmes redoublèrent. Elle tenta à nouveau de se débattre. Elle profita du sol plat pour se stabiliser et, par de petits mouvements progressifs, ignorant la douleur qui résonnait dans tout son corps, parvint finalement à se redresser. Ce progrès la calma légèrement. C’est alors qu’elle aperçut un fin rayon de lumière traversant le sac. Ses agresseurs, dans leur précipitation, ne l’avaient pas correctement fermé. En passant ses mains à travers l’ouverture, elle parviendrait sûrement à l’écarter un peu plus. Elle pourrait peut-être même sortir.

Elle se laissa tomber sur le côté et élargit l’ouverture de quelques centimètres. Elle ne pouvait pas encore y passer sa tête, mais au moins, elle pouvait voir autre chose que du noir maintenant.

De ce qu’elle parvenait à apercevoir de son petit trou, elle devina qu’elle était dans une pièce assez mal famée, en brique rouge et à la lumière clignotante. Elle vit ce qu’elle devina être une table à laquelle ses agresseurs, dont elle ne distinguait que les jambes, étaient assis.

Elle entendit alors les deux hommes discuter. 

- Bon, on a réussi à choper la gamine, maintenant reste plus qu’à attendre le client, dit le premier en s’étirant. 

- Au pire, s’il se pointe pas, on pourra toujours la revendre. Parait que c’est à la mode les chintoks en ce moment, surtout les enfants.

- J’sais pas si c’est une bonne idée de se mettre ce mec à dos. Je te jure, il est vraiment bizarre, il me fout des frissons avec son sourire là. J’arrive pas à croire qu’autant de gens puissent lui faire confiance…

- Bah, tu sais, suffit qu’ils fassent une ou deux bonnes actions, et les gens déroulent le tapis rouge à ce genre de mec, alors qu’ils sont aussi pourri que nous.

On frappa à la porte.

- Tiens, quand on parle du loup. On dirait que c’est lui. 

- Hé, tu penses qu’y’a moyen de demander plus que la somme promise ?

- Ha, tente-le si tu veux, mais compte pas sur moi. 

Un des deux hommes sortit de son champ de vision pour ouvrir la porte.

- Vous voilà, l’entendit-elle dire, nous avons ramené la f-

Un immense fracas retentit, la faisant sursauter. 

- Hé ! Qu’est-ce qu’il vous prend ? S’exclama le deuxième homme, celui qui était resté en retrait. Merde ! C’est pas ce qui était pré-

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. il tomba au sol, tenant fermement son nez ensanglanté, lâchant plus de jurons à la seconde qu’elle n’en avait jamais entendu de toute sa vie. La personne qui venait d’arriver entra enfin dans son champ de vision. Elle ne voyait que le bas de son pantalon, mais elle le reconnut aussitôt. Son père s’approcha de l’homme à terre et commença à le rouer de coups de violents coups de pied. Elle remercia le bâillon dans sa bouche qui retenait ce hurlement de terreur qui menaçait de sortir à tout instant.

Elle ne pouvait supporter cette vision plus longtemps. Elle ferma les yeux et se boucha les oreilles comme si sa vie en dépendait. Mais cela ne suffisait pas à couvrir tous les bruits. Peu à peu, les jurons de ce dernier se transformèrent en suppliques, mais cela n’arrêta pas son père. Non… Cet homme n’était pas son père. Il ne pouvait pas être son père. Elle l’avait certainement confondu avec un autre, oui, c’était certainement ça. C’était le monstre ! Le monstre de son cauchemar ! Celui qui avait pris l’apparence de son père ! Depuis quand avait-il pris sa place ? Comment avait-elle fait pour ne pas s’en rendre compte plus tôt ? 

Silence. Elle se déboucha les oreilles et rouvrit les yeux. Il n’y avait plus un bruit. Elle sentit qu’on relevait le sac. Le visage de son père apparut alors que l’ouverture s’agrandissait. 

- Ne t’inquiète pas ma tourterelle, papa est là, dit-il en souriant.

Elle éclata en sanglot avant de se jeter à son cou et d’y enfouir sa tête.

- Je t’avais dit que c’était dangereux dehors.

Pour n’importe qui qui passait par là, cette scène émouvante ressemblait à la réunion d’un père et de sa fille soulagée après un événement horrible.  Et cette personne n’aurait pas totalement tort. Il y avait bien du soulagement dans les larmes que versait l’enfant. Du soulagement… Et de la peur…

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