Mardi
Cher Journal,
Notre équipe a été retenue pour l’organisation de la soirée VIP de la nouvelle société d’automobiles électriques et sans permis, Solectric, qui avait lieu hier soir à la succursale.
Le discours un peu long du gérant provoquait des bâillements que les invités dissimulaient avec peine, quand ils ne se balançaient pas d’un pied sur l’autre, en souffrance dans leur position horizontale. Leurs tenues, toutes aussi classes, les obligeaient à supporter des chaussures où leurs orteils se chevauchaient, tels des sardines en boite, tandis que leurs voisins craignaient une déchirure de leur couteux vêtements ajustés à chaque mouvement.
La présentation enfin terminée, un groupe de musiciens faussement joyeux joua quelques mélodies classiques tandis que le champagne coulait déjà à flot dans des coupes en cristal et que nous entamions le défilé des canapés dont la variété et la quantité auraient pu nourrir le double de convives. Alors que Loïs, mon meilleur ami, jouait son rôle de pingouin à merveille, j’ai compris à son clin d’œil que la réception allait dégénérer.
Un dernier sourire de politesse au jeune cadre dynamique qui saisissait un toast avec un manque de délicatesse difficile à masquer et le serveur déposa son fardeau sur le buffet. Il secoua ses jambes pour les dégourdir et tira sur les pans de sa veste avant de prendre une profonde inspiration. Enfin, soulevant le bord de la nappe blanche, il s’empara d’un long étui… de violon.
Loïs se précipita au centre du show-room, indifférent aux regards intrigués et moqueurs puis s’arrêta après une glissade maitrisée, bras écartés, buste en arrière, en quête d’applaudissements qui ne vinrent pas. L’assistance se tenait immobile, en mode arrêt sur image. Les musiciens, eux observaient l’intrus en souriant.
L’instrument et son archet vite libérés rejoignirent les doigts de l’artiste, qui envoya la valise patiner sous la voiture la plus proche. Mon ami en position, la baguette sur les cordes fit taire les derniers murmures, remplacés par des coups d’œil intrigués.
Une plainte agitée s’éleva alors tandis que les musiciens reconnaissaient la musique et se mêlaient à la frénésie du violoniste. Mes collègues ne tardèrent pas à le rejoindre et à exécuter les pas répétés pour notre réveillon de la Saint Sylvestre.
Crois-le ou non, cher Journal, les invités ont finalement tous participé ! Même le patron de Solectric a oublié ses airs outrés pour profiter de la soirée, sa soirée, une soirée dont nous nous souviendrons tous.
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