Les Abords du Sanctuaire de Ja'Bashif

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Lorsque je sors de la cabane, je dois bien avouer que l’air frais qui me fouette soudainement le visage n’a rien de très agréable, au contraire. Et ce n’est pas avec ma chemise trop petite et mes chevilles à l’air que je vais me réchauffer. Le soleil est à peine levé, peut-être qu’il réchauffera l’atmosphère d’ici quelques heures. Enfin, même si mon objectif est aussi de ne pas mourir de froid, c’est surtout de trouver ce sanctuaire et de m’occuper des deux autres le plus vite possible.

Pas le choix, il faut sortir la car…, pardon, la tablette. Au moins la localisation est précise, la cabane derrière moi est bien figurée, les arbres aussi, très bien. Ça m’a l’air fiable. Même pour un objet fabriqué par une civilisation antique, millénaire ou qu’en sais-je, visiblement il est à jour. Que demander de plus ? Bon, ce qui m’intéresse surtout, c’est ce fichu sanctuaire. Il est… Sur ma droite, très bien. Derrière moi, dans des ruines selon la carte. Bon. Je vois la direction en gros, c’est là où s’affiche le carré rouge bizarre.

Je range la tablette et je m’enfonce à nouveau dans l’herbe, dont la hauteur est vraiment… Peu pratique. Presque comme si je m’enfonçais dans un champ de blé, en fait. J’ai bien ma hache dans le dos, mais l’abattre sur quelques pauvres brins d’herbe me paraît trop stupide. Certes, il s’agit sans doute à l’origine d’un outil pour couper du bois, mais c’est aussi devenu une véritable arme, tout comme ces quelques branches et ce stupide couvercle de marmite…

Je soupire, regrettant la légèreté du pauvre rempart de bois dans ma main, la lourdeur déséquilibrée de cette pseudo-arme, la fragilité de ce que je tiens dans mes mains. Ils ne feront pas long feu, non. Mais j’espère que je leur survivrai, au moins. C’est pour ça qu’ils sont là.

Allons-y. Je m’avance d’un bon pas. C’est le matin, j’ai toute la journée devant moi et j’aimerais en avoir fini le plus vite possible. Sans prendre trop de risques, surtout vu que je ne connais pas les lieux. Quelques-unes de ces créatures orangeâtres et cornues semblent avoir établi un camp au pied d’une pente, adossée à la montagne. Elles montent même la garde, on dirait. Une garde efficace, d’ailleurs. Peut-être qu’elles ne sont pas si bêtes qu’elles en ont l’air.

Je passe sans trop m’en préoccuper. Il y a bien des arbres çà et là, à l’écorce blanche et au bois noir, des lézards, des papillons, quelques rochers qui dépassent du sol. Parfois, quelques flaques peu profondes réfléchissent les rayons d’un soleil levant. C’est un soleil d’or, qui n’éclaire pas que ce plateau surélevé, mais aussi tout le reste et je ne peux m’empêcher de vouloir le contempler ce reste.

Je ne suis pas si loin de la muraille. Elle s’est d’ailleurs à moitié effondrée, me permettant, en grimpant étonnamment adroitement, de parvenir au sommet. Et devant moi, ce monde inatteignable se dévoile. Je l’avais vu hier, du haut de la tour, mais de jour lorsqu’il semble que le monde se réveille à peine… Les vols d’oiseaux qui surplombent des forêts, la montagne qui semble brisée en deux, le volcan dont la silhouette garde encore un peu de douceur malgré les nuages qui le surplombent. Ce château noir n’est plus si sombre, mais les nuages pourpres voilés d’obscurité, eux… Ils ne me disent rien qui vaille.

Désolé, voix qui m’appelle. J’aimerais pouvoir te rejoindre, mais ce vieil homme tient trop à sa paravoile pour me laisser venir à ton secours. Il faudra attendre.

Je détourne mon regard. J’ai encore l’impression de l’entendre, sans savoir quoi en faire. Il va falloir vivre avec, jusqu’à ce que je parvienne à terminer ces fichus sanctuaires. Je devrais déjà être dedans, je ne devrais pas traîner.

D’ailleurs, je vois les ruines. On dirait… Je ne sais pas, c’est comme si des murs étaient construits à angle autour d’une chose… Je ne sais pas vraiment, il va falloir que j’aille voir de plus près.

En haut d’une petite crète, à quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol, deux de ces créatures cornues à la couleur désagréable semblent surveiller le passage qui mène à mon objectif. Heureusement, j’arrive par derrière, rien de plus simple que de les surprendre. J’assène un bon coup de hache au premier, dont la tête se détache assez proprement, mais le temps que je puisse rétablir mon poids pour renvoyer ma lame, la pointe d’une flèche brille et ce n’est que par un réflexe miraculeux qu’elle se plante dans le couvercle en bois et non pas dans ma tête. La prochaine attaque est la mienne et une deuxième tête vient rejoindre la première.

Je suis à peine chaud, ma respiration n’est même pas plus courte. Je jette un regard vers l’avant et je continue à avancer. Ça ne me dérange pas. Je viens de tuer deux créatures et je continue à avancer, comme si j’avais vu pire, comme si j’avais fait pire. Peut-être, après tout. Sans doute, d’ailleurs, vu ce que mon corps sait faire. Vu de quoi il se souvient.

Je descends le chemin, devine l’éclat orangé du sanctuaire et longe des murs de pierre grignotés par la mousse et les plantes grimpantes. Un large trou, reste d’un mur effondré, m’invite à entrer. J’arrive dans une clairière à peu près identique à la précédente, à l’exception, dans un coin, d’une sorte de forme impressionnante, organique, tout en courbes et en lignes douces, dont le sommet plat et vaguement arrondi se détachait sur le ciel, preuve qu’il était bien plus grand que les murs en ruine qui déjà faisaient au moins deux fois ma taille. Etrangement, les vagues et les symboles arrondis qui se devinent le long du bord mangé par la mousse et la poussière me rappellent quelque chose, tout comme cette matière… Elle semble dure comme du fer mais reflète la lumière comme de la pierre, sa surface est comme rouillée…

Je m’approche pour la toucher mais quelque chose d’étrange me fait reculer. Cette carafe surdimensionnée en matière probablement extraterrestre s’est soudainement mise à clignoter bleu et rouge et à bouger, ou du moins son long cou de vase en terre cuite s’est-il mit à tourner et à biper avec une régularité qui m’a rappelé quelque chose. Quelque chose que je n’ai pas beaucoup apprécié, mais qui avait au moins l’avantage d’être d’une taille raisonnable et non pas de celle d’un ours de large et deux de haut, plus ou moins. Quelque chose qui, à peu près comme maintenant, me fixe de son œil rouge avec, je le sais sans le savoir, la ferme intention de me tuer. Et un laser pointé vers moi.

Sauf que mon corps ne réagit pas vraiment comme prévu. Au lieu de suivre son impulsion, de fuir, d’attaquer, je me fige. Je regarde cet œil sans le voir, sans comprendre. Je veux bouger. Me mettre au moins hors de portée de cette chose, y réfléchir après, je ne sais pas, faire quelque chose. Parvenir à faire quelque chose. Hurler ? Prendre une arme ? Arrêter de trembler ?

Tout, sauf cette sensation dans mon corps, cette terreur infinie qui me paralyse, me crispe, me transforme en pierre. Je regarde l’œil, l’énergie qu’il absorbe par un miracle que je ne cherche pas à comprendre, je sens la mort fondre sur moi…

Et je m’effondre.

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