Tu étais
Quelques jours ont écoulés. Ces mêmes jours, je les ai passés seule. Seule dans ma chambre. Cette pièce où je suis restée le plus clair du temps plongée dans de ma cécité. Maintenant, je peux appréhender chaque nuance, chaque couleur qui colorent les objets de ce lieu. Allongée sur mon lit, les yeux fermés. Je médite sur ma vie passée, comme ont peu faire le bilan de son existence pourtant je n’ai que dix-sept ans. Pour moi, ce n’est pas très difficile à faire il se résume à la noirceur de mon âme. Puis une lumière vient éclairer mes paupières closes.
Soudain, je me mets à penser à ma vie future. Un futur hypothétique où il n'y a aucune perspective d'avenir. Seuls le néant et le chaos demeurent. Je ne veux pas rester dans mon présent. Cet instant T qui me rappelle que je suis isolée et souffrante de ne pas avoir de frère ou d'ami véritable. Je tourne la tête et ouvre un œil.
Au travers des stores, le Soleil envoie ses derniers panaches de couleurs. « Magnifique » est le seul mot qui me parvient. Pourtant, j’ai l’impression que ce mot n’existe pas. Rien de tout cela n’existe. Rien de ce que je perçois n’est beau. Comme dans une illusion. L’illusion de ma vie, comme si quelque chose m’avait été pris. Cela me pousse à croire qu'il me manque un élément. Je me blottis pour me réchauffer. La chaise à côté de moi attire mon attention. Pourquoi donc une chaise se tient à côté de mon chevet ? Des interrogations s’entrechoquent dans ma tête. Mon intuition me pousse à aller chercher la vraie raison de ce rien qui manque à ma vie.
Quand derrière la porte, la voix de ma mère s’annonce :
— Élise ? C’est l’heure de ton traitement.
À chaque fois que j’essaye de me sortir de cette impasse, ma mère ou mon père vient me rappeler que je suis malade. A priori, j’aurais perdu la mémoire après l’opération. C’est pour cela que je dois prendre ce traitement. Ils disent que cela fait partie des risques post opératoires en plus risques de dépression. Je me lève et avance. Las. Mon corps se meut avec difficulté comme si j’avais perdu toute vitalité.
Je tourne la poignée de ma chambre et machinalement, prends le verre d’eau que me tend ma mère. Elle me sourit avec son air hypocrite que je lui rends aussitôt et prends les cachets qu’elle me tend.
— On mange dans une heure. D'accord, princesse.
Ce mot fait écho dans mes oreilles. Je fais les gros yeux, la bouche prête à dire un mot mais avant de prononcer une syllabe, la porte se referme. Un fossé s'est creusé entre mon passé et ma présente réalité. De nouveau allongée sur mon lit. Je repense au dernier mot qu'a prononcée de ma mère. Je n’arrive pas à savoir pourquoi il me provoque un tel ressenti. De toute manière, je suis bien trop sédatée par ce traitement pour réfléchir. Or, avant de sombrer profondément, une silhouette m'apparait. Je tends le bras vers elle et plonge dans mon refuge.
Annotations