Episode 01

18 minutes de lecture

GADRIEL


~*~


Dans une demeure qui était incrustée dans un énorme arbre ou plutôt dans une demeure qui avait l’apparence d’un énorme arbre, un jeune adolescent aux cheveux blancs dormait sur son lit. Il transpirait énormément et semblait être très agité. Ce dernier se réveilla soudainement, son regard rempli d’effroi. Il s’empressa alors de regarder autour de lui, comme pour s’assurer que rien d’autre n’était à ses côtés, uniquement pour se rendre compte qu’il se trouvait seul dans un endroit familier.

Cet enfant, qui affichait un physique plutôt chétif, posa sa main sur son visage et se demanda quand cela finirait par prendre fin, quand il cesserait de faire le même mauvais rêve. Au même moment, une voix résonna brusquement dans toute la pièce.

- Gadriel, est-ce que tout va bien ? Je détecte une forte augmentation de ton rythme cardiaque.

- Oui, Eve. Tout va très bien. Ne t’inquiète pas pour moi. J’ai juste fait un cauchemar, répondit-il.

- S’agit-il toujours du même cauchemar ?

Le jeune garçon secoua sa tête de haut en bas en guise de réponse, ce qui poussa la personne qui s’adressait à lui de se manifester devant lui sous forme holographique bleue. Eve, qui avait l’apparence d’une jeune femme d’une vingtaine de cycles aux cheveux longs attachés en queue de cheval, dit à Gadriel que cela faisait trois jours de suite qu’il faisait le même mauvais rêve.

- Ne serait-il pas mieux que je fasse appel à un spécialiste afin qu’il te vienne en aide ? poursuivit-elle.

- Non, Eve. C’est pas la peine.

- Es-tu sûr de ta décision ? Gadriel, je m’inquiète énormément pour toi. Tu n’as pratiquement pas fermé l’oeil durant les trois derniers jours. Si tu continues sur cette voie, ta santé risque d’être affectée par des problèmes cardiaques, une perte importante de poids, de la dépression, de l’hypertension…

- Eve ! Tout va très bien. Ce n’est qu’un simple cauchemar. Même si ça fait trois jours que je fais le même rêve, il finira par s’en aller tôt ou tard. Pas besoin de contacter qui que ce soit pour ça. En plus, je n’ai aucun problème de santé en ce moment, donc c’est que tout va très bien, dit-il en l’interrompant.

À ce moment, la jeune femme ne put s’empêcher d’observer et analyser Gadriel. Elle ne détecta cependant aucune anormalité chez lui, ce qui voulait dire qu’il allait bien et corroborait effectivement ses dires.

- OK, mais promets-moi de me tenir informée dès que quelque chose ne va pas, dit la jeune femme en présentant son auriculaire à Gadriel.

Ce dernier présenta également le sien et lui fit la promesse de la tenir informée si son état de santé venait à se dégrader soudainement.

- OK. Tu ferais maintenant mieux d’aller prendre une douche. Tu es complètement trempé, rétorqua-t-elle tout d’un coup. Pendant ce temps, je vais m’occuper du reste et te préparer un bon petit-déjeuner. Tu veux que je te fasse quelque chose en particulier ?

- Non merci. Je n’ai pas vraiment faim en ce moment.

- Non, Gadriel. Il est hors de question que cela continue, dit Eve en se fâchant brusquement. Ça fait deux jours que tu n’as rien avalé et je ne compte pas laisser ce nombre monter jusqu’à trois. Donc, soit tu me dis ce que tu veux manger dans les dix prochaines secondes, soit je contacte un spécialiste de la santé pour qu’il vienne s’occuper personnellement de ton cas.

Stupéfait par les propos d’Eve, Gadriel lui répondit qu’elle n’avait pas le droit de menacer la personne dont elle devait prendre soin.

- Cela n’a rien d’une menace, Gadriel. Je ne fais qu’accomplir mon devoir qui est de m’occuper de toi, donc de te nourrir. Cela dit, il te reste quatre secondes pour te décider.

Le jeune garçon savait parfaitement qu’Eve était à mesure de mettre sa menace à exécution. Ce fut donc la raison pour laquelle il finit par céder et lui dire ce qu’elle pouvait préparer pour lui. Satisfaite de la réponse qui venait de lui être donnée, elle esquissa un sourire de satisfaction avant de disparaître de la même façon qu’elle était apparue. Et pendant qu’elle s’occupait de ses diverses tâches, Gadriel se rendit dans la salle de bain afin de prendre une douche bien méritée.

Une vingtaine de minutes plus tard, Gadriel sortit fraîchement de la salle de bain. Vêtu cette fois-ci d’une tenue moins humide que la précédente, il attrapa le bracelet muni d’un écran qui se trouvait sur le bureau à côté de son lit, et sortit finalement de sa chambre. Le jeune garçon descendit des marches d’escalier en bois avant de se retrouver dans le séjour où un immense pilier en écorce de plusieurs mètres de diamètre s’affichait. Ce dernier semblait soutenir toute la partie supérieure de la maison, empêchant ainsi celle-ci de s’effondrer sur elle-même.

- Gadriel, ton petit-déjeuner est prêt, rétorqua soudainement Eve après avoir détecté le jeune garçon.

- J’arrive !

Au moment où il s’apprêta à se rendre dans la salle à manger, le regard de Gadriel fut attiré par une sorte de cadre photo accroché à l’un des murs et dans lequel se trouvait une image d’un lui plus jeune aux côtés d’une femme aux cheveux roux. À ce moment, le visage joyeux qu’il avait quelques instants auparavant disparut complètement pour laisser place à une expression de tristesse.

- Gadriel…

- Je sais. Tu n’as pas à me le répéter.

Le jeune garçon s’avança lentement vers la salle à manger où il se mit à table, mais se contenta d’observer ce qu’Eve avait préparé pour lui.

- Tu as besoin de manger, Gadriel.

- Tu penses qu’elle nous a abandonnés ?

La jeune femme fut prise de court par la soudaine question de Gadriel. Elle lui répondit toutefois que ce n’était absolument pas le cas, que sa mère ne ferait jamais une telle chose.

- Elle doit sûrement se trouver quelque part à la recherche d’artefacts ou d’antiquités. Ce genre de travail prend énormément de temps.

Eve avait beau lui dire cela pour lui remonter le moral, Gadriel était visiblement affecté par l’absence de sa mère.

- Écoute, Gadriel, je suis certaine qu’Arya reviendra lorsqu’elle aura fini avec son travail. Pendant ce temps, tu dois prendre soin de toi et ça commence par te nourrir. Tu ne voudrais pas qu'elle vienne te retrouver en mauvaise santé, n’est-ce pas ?

Face aux propos de sa tutrice, le jeune garçon n’eut nul autre choix que manger ce qu’il avait devant ses yeux, d’autant plus que le plat qu’Eve avait préparé pour lui avait l’air très appétissant. Toutefois, contrairement à ce que la jeune femme espérait, Gadriel ne finit même pas la moitié de son assiette.

- C’est bon, j’ai fini.

- Gadriel, c’est inacceptable. Tu as besoin de prendre des forces. Tu risques de tomber malade si tu continues sur cette voie.

- Mais je n’ai plus faim.

Ce qu’il venait d’avaler était beaucoup trop peu aux yeux d’Eve qui décida de lancer un scan et d’analyser le jeune garçon. Ce dernier lui demanda alors pourquoi elle faisait cela, mais elle lui répondit tout simplement de rester immobile. Quelques instants plus tard, la jeune femme termina son analyse, mais fut très intriguée par les résultats obtenus. En effet, Gadriel était en parfaite santé, et ce malgré les deux jours qu’il avait passés sans rien avaler. Comment était-ce possible ? Il n’était même pas un Célestel.

- Est-ce que tout va bien, Eve ? demanda-t-il en voyant l’expression qu’elle affichait.

- Oui. Tout va très bien.

- Je peux donc aller dehors, n’est-ce pas ?

- Tu sors beaucoup ces derniers temps. Tu t’en vas retrouver Jessabiel ?

- N…non ! Bien sûr que non. Je vais juste aller au temple, répondit-il.

Eve ne pouvait pas s’empêcher de sourire devant la réponse de Gadriel. Pour elle, il était clair que le jeune garçon avait rendez-vous avec elle.

- Alors, est-ce que je peux aller dehors maintenant ?

- Oui, Gadriel. Tu peux y aller…

Le jeune garçon se leva soudainement de son siège et se précipita vers la sortie.

- Mais ne rentre pas trop tard ! Ce soir se déroule la conjonction de transfert !

- OK ! s’exclama Gadriel avant de sortir de la maison.

*

Au moment où Gadriel franchit le pas de sa porte, celui-ci fut accueilli par un paysage tout aussi familier que fascinant. En effet, hormis les maisons arbres qui s’affichaient de part et d’autre de chez lui, le ciel d’Exoduus, planète sur laquelle il vivait, était rempli de Célestes, des êtres humanoïdes disposant d’une paire d’ailes dans le dos, et de Gamals, des créatures ressemblant énormément à des raies mantas et se déplaçant gracieusement en groupe au gré du vent. Le jeune garçon les observa pendant quelques instants ; s’imaginant voler à leurs côtés ; avant de revenir à lui-même et de prendre la direction de Fjore. Gadriel avait menti à Eve ou plutôt il avait délibérément omis de lui dire qu’il allait se rendre dans cette ville avant de partir au temple. Il avait quelque chose d’important à faire là-bas et il était sûr qu’elle aurait eu quelque chose à redire s’il l’avait informée de son véritable plan.

Durant son trajet vers le point de passage civil le plus proche, le jeune garçon croisa un bon nombre de personnes de plusieurs espèces différentes dans les rues, plus que d’habitude. Il y avait entre autres des Célestes reconnaissables à leurs belles ailes blanches, des Loxiens, une autre espèce humanoïde ayant pour particularité d’avoir des antennes sur le front, des Rumirunas, une espèce dont l’apparence était semblable à des hommes pierres, et bien d’autres. Cette abondance de personnes était due à la conjonction de transfert, un évènement majeur et magnifique qui se déroulait tous les deux cycles. Il était donc fort probable que tout le monde était venu assister à cela.

Malheureusement, l’approche de ce joyeux évènement rappela à Gadriel que sa mère n’était plus présente. Son sentiment de tristesse s’accentua davantage lorsque l’adolescent passa à côté d’une mère et son jeune enfant qui étaient tous les deux impatients d’assister à la conjonction de transfert. Il ne put alors pas s’empêcher de se remémorer une époque où il était à la place de ce gosse, tout excité à l’idée de voir la conjonction.

- Mère, où êtes-vous ?

À ce moment, Gadriel se souvint des paroles d’Eve lui disant que sa mère était quelque part en train de travailler. Cela lui remonta alors le moral, l’adolescent se disant qu’elle devait sûrement se trouver dans un endroit où elle était incapable de les joindre et qu’elle le ferait bientôt. Tout ce qu’il avait à faire était juste d’accélérer le processus.

- Oui. On va faire ça, se dit-il avant de pointer l’horizon du doigt. En route pour Fjore !

Après plusieurs minutes de marche, Gadriel finit par arriver devant un des points de transport de sa zone résidentielle. Celui-ci était constitué de nombreux portails de forme circulaire mesurant plusieurs mètres de diamètre et permettait aux habitants d’Exoduus qui n’avaient pas la possibilité de voler dans les cieux comme les Célestes ou qui ne disposaient pas de véhicule de se rendre dans n’importe quelle ville des planètes Exoduus, Géoshia, et Prominence. Pour cela, chacun des transporteurs disposait de consoles de commande sur laquelle la personne sélectionnait son lieu de destination.

Le jeune adolescent se retrouva donc devant l’une des consoles sur laquelle il posa sa main. Une intelligence artificielle similaire à Eve lui demanda ensuite sa destination et celui-ci choisit la ville de Fjore comme point de sortie. Un étrange liquide ressemblant à de l’eau sortit des trous présents dans le portail et se concentra en son centre jusqu’à former une sphère parfaite. Gadriel s’en approcha et fut immédiatement aspiré à l’intérieur. La bulle éclata ensuite avant que tout le liquide soit de nouveau absorbé par le portail.

*

Bien que ce n’était guère la première fois qu’il empruntait un transporteur, Gadriel n’était toujours pas habitué à la sensation que cela lui procurait. Il avait l’impression d’être complètement trempé, et ce même si aucun liquide n’était présent sur son corps à la sortie. Néanmoins, l’adolescent était arrivé à destination et il était toujours autant émerveillé par la grandeur des bâtiments de cette ville. Cela changeait énormément de ceux de sa petite bourgade qui faisaient pâle figure par rapport à ceux qu’il avait en face des yeux. En regardant tout autour de lui, il se sentait tout petit. D’ailleurs, Gadriel était tellement distrait par cet environnement qu’il ne remarqua pas qu’une personne venait tout juste d’apparaître derrière lui.

- Tu vas te pousser, oui !? Tu ne vois pas que tu gênes le passage, s’exclama-t-elle avec colère.

Le jeune garçon se retourna brusquement et constata qu’il s’agissait d’une vieille Loxienne qui semblait être plutôt pressée.

- Excusez-moi, répondit-il en cédant le passage.

La vieille dame passa à côté de Gadriel et profita de l’occasion pour lui lancer un regard noir avant de disparaître progressivement dans la foule. Ce petit incident rappela à l’adolescent la raison pour laquelle il était venu dans cette ville et ce dernier se remit en route vers le plus haut bâtiment de Fjore, celui abritant les forces de l’ordre.

Après avoir passé les statues de protection de l’entrée et emprunté l’une des plateformes d’élévation, Gadriel se rendit au 56e étage du bâtiment, celui consacré à la recherche des portés disparus. Le jeune garçon s’avança vers l’accueil du service où une Rumirunas était assise aux côtés d’une Loxienne qui faisait pâle figure devant l’imposante stature de sa collègue en pierre.

- Bonjour. En quoi pouvons-nous vous aider ? rétorqua la Loxienne lorsque Gadriel s’approcha de leur bureau.

- Bonjour, j’aimerais…

Le jeune garçon n’eut pas le temps de formuler sa demande que la voix d’un autre individu retentisse à proximité de lui.

- Encore toi, gamin ?

Gadriel se retourna vers son origine uniquement pour se rendre compte qu’il s’agissait d’un individu familier. La personne qui s’adressa soudainement à lui était un agent du département de recherche, un Céleste avec qui il avait déjà eu à converser. Ce dernier s’approcha alors de l’accueil et dit à ses deux collègues qu’il allait s’occuper de ce cas personnellement. L’homme conduisit donc Gadriel dans son bureau où il le fit asseoir sur une chaise.

- Gadriel. C’est bien ça ton nom, n’est-ce pas ? questionna l’agent en prenant place sur son siège.

- Oui, monsieur.

- Écoute, Gadriel. Tu devrais arrêter de venir ici tous les jours. Mes collègues et moi-même faisons tout notre possible pour retrouver ta mère…

- C’est ce que vous avez dit hier et le jour d’avant.

- Comme je te l’ai expliqué la dernière fois, nos équipes travaillent d’arrache-pied pour retrouver ta mère. Nous avons lancé des avis de recherche dans toutes les villes d’Exoduus, Géoshia, et Prominence, et obtenir des résultats concrets prend du temps. Donc, ce n’est pas en venant ici tous les jours que tu feras avancer les choses.

Le silence régna soudainement dans la pièce. Certes, Gadriel venait dans ce service tous les jours, mais il le faisait parce qu’il avait l’impression que les personnes chargées de retrouver sa mère ne faisaient pas leur travail. Depuis que les avis de recherche avaient été lancés, pas une seule fois ils n’avaient reçu une quelconque information.

- Exoduus, Géoshia, et Prominence comptent des dizaines de milliards de personnes. Pourquoi personne ne s’est encore manifesté ? Si vous avez vraiment lancé des avis de recherche, des gens auraient forcément dû vous contacter, n’est-ce pas ? Pourquoi ils ne l’ont pas encore fait ?

À ce moment, le Céleste se montra quelque peu hésitant. Il se demandait s’il était convenable de dire à Gadriel la triste réalité, mais surtout s’il serait à même de l’accepter.

- Écoute, Gadriel. Tu es un garçon très intelligent et ça va peut-être te sembler impossible à croire, mais il peut arriver que certains parents décident un bon jour de partir en voyage sans avoir l’intention de revenir.

- Elle ne m’a pas abandonné.

- Je sais que c’est très dur à entendre et peut-être même très dur à concevoir, mais cela reste une possibilité que nous devons envisager. Ce n’est pas la première fois que ce genre de chose se produit et ce serait beaucoup mieux pour toi…

- Elle ne m’a pas abandonné ! s’exclama Gadriel en se levant brusquement de son siège et en attirant l’attention de tout le personnel de l’étage vers leur emplacement. Mère ne ferait jamais une chose pareille ! Je sais qu’elle reviendra ! Mère ne m’a pas laissé !

- Gamin. Hé, gamin !

Sans prévenir, l’adolescent quitta le bureau du Céleste et se précipita vers la sortie de ce service, passant alors devant un autre agent du département de recherche qui s’étonna de voir un enfant en larmes sortir de l’office de son collègue. Il lui demanda donc ce qui se passait avec le gamin.

- Il a du mal à se faire à l’idée que sa mère l’ait peut-être abandonné, répondit-il.

- Pauvre gosse. À sa place, j’aurais sans doute réagi de la sorte.

- Je pense que tout le monde aurait agi de la sorte.

*

À l’extérieur du bâtiment, Gadriel courait sans regarder où il allait. Il était beaucoup trop préoccupé par ce qu’on venait de lui dire, par le mensonge qu’il venait d’entendre. Sa mère ne l’avait pas abandonné, elle ne ferait jamais une chose pareille. Il se souvint de toutes les fois où elle lui avait dit qu’elle l’aimait, et une personne qui en aimait une autre ne la laissait pas derrière en se rendant ailleurs. En plus, Eve lui avait également dit qu’elle reviendrait. Eve avait donc raison et cet agent du département de recherche avait tort. C’était du moins ce que l’adolescent se disait. Non, c’était ce en quoi il croyait.

Quelques instants plus tard, et ce pendant qu’il continuait de courir sans regarder devant lui, Gadriel percuta quelque chose, quelque si dur qu’il se recroquevilla immédiatement sur le sol. La douleur était si intense qu’il se dit alors qu’il venait soit de se cogner contre un mur ou contre un Rumiruna. Toutefois, lorsqu’il leva les yeux, il découvrit avec stupeur que ce qui se tenait devant lui n’était nulle autre qu’une jeune femme. Cette dernière, qui était très grande de taille, possédait des yeux de la même couleur que les siens, arborait des cheveux blonds, et était vêtue d’une veste noire aux manches retroussées, d’un débardeur blanc, et d’un pantalon et des grosses bottes ayant la même couleur que sa veste.

Cependant, ce ne fut ni son accoutrement ni le fait que son corps soit aussi dur que de la pierre qui chamboula Gadriel, mais plutôt son regard. En effet, le regard de cette femme était si froid que l’adolescent eut instinctivement l’envie de fuir. Il avait alors l’impression de se trouver en face d’un monstre capable de le détruire à la moindre occasion. Il ne savait pas pourquoi c’était le cas, mais son corps tout entier était en alerte rouge et lui disait de s’éloigner le plus loin possible de cette personne.

Heureusement pour Gadriel, la jeune femme ne fit rien du tout. Elle ne prononça même aucun mot, ni pour lui demander de s’excuser ni pour lui dire de faire attention et de prochainement regarder où il se dirigeait. Non, elle se contenta de reporter son regard vers l’horizon et de poursuivre son chemin. Intimidé et étant toujours à même le sol, l’adolescent l’observa disparaître mystérieusement à travers la foule.

L’adolescent se releva finalement, se demandant également comment une personne pouvait avoir un corps aussi dur.

- Heureusement, rien de grave ne s’est produit.

Gadriel toucha son front, partie de son corps qui s’était heurtée à cette femme, et constata que c’était toujours douloureux. Il se dit alors que ça avait forcément laissé une marque. Le choc avait été trop important pour ne pas le faire.

- Je sens déjà venir toutes les questions d’Eve, rétorqua-t-il avant d’émettre un profond soupir.

Rien à faire, il allait lui dire la vérité. Mais avant tout, il fallait qu’il se rende au temple. Gadriel prit donc la direction des transporteurs.

*

De retour dans sa petite bourgade, l’adolescent marchait avec l’esprit ailleurs. En effet, il pensait aux paroles que Céleste lui avait dites. Certes, il ne croyait pas en ses paroles, mais cela ne voulait pas dire qu’elles ne le perturbaient pas. Gadriel était certain que sa mère ne l’avait pas abandonné, Eve ayant en plus ajouté qu’elle ne ferait jamais une chose pareille, mais cela ne l’empêchait pas d’éprouver une certaine crainte vis-à-vis de ça. Des avis de recherche avaient été lancés, mais ils n’avaient toujours pas reçu de nouvelle. Pour lui, cela ne pouvait dire que deux choses : soit les agents du département n’avaient pas fait leur travail, soit sa mère ne voulait pas qu’on la retrouve.

Mais pourquoi elle ferait une chose pareille ? Il n’y avait aucune raison pour qu’elle agisse de la sorte. Rien chez lui ou chez Eve ne pouvait justifier cela. C’était du moins ce que Gadriel pensait. À ce moment, l’adolescent passa devant un parc. Il s’agissait d’un endroit qu’il connaissait bien, l’ayant fréquenté quand il était plus jeune. Ce dernier se remémora alors certains moments qu’il avait passés dans ce lieu en compagnie de sa mère et le sourire qu’elle avait affiché à chaque moment n’était pas celui d’une personne qui pouvait abandonner son enfant derrière elle.

- C’est Eve qui a raison. Mère ne nous abandonnerait jamais comme ça. Elle doit sans doute travailler quelque part et elle n’a pas vu le temps passer. Je passerai encore là-bas demain.

Alors qu’il venait toujours juste de prendre la décision de retourner au département en charge de la recherche des personnes disparues, quelque chose vint soudainement frapper Gadriel en plein visage. Ce dernier se retrouva une fois de plus sur le sol, se demandant ce qui venait tout juste de se produire.

- Qu’est-ce que… ? Une balle, rétorqua-t-il en voyant l’objet devant lui.

- Je suis sincèrement désolée ! Mon fils a frappé trop fort dans la balle et elle… ! Est-ce que tu vas bien ?! Ton visage. Tu as un bleu sur le visage. C’est mon fils qui a fait ça ? Une unité de soin, vite. Il faut que je les appelle immédiatement.

La dame, une Loxienne, qui était auprès de lui était dans un tel état de panique que Gadriel fut obligé de la calmer en lui disant qu’elle n’avait pas besoin de les contacter et que tout allait bien.

- Votre enfant n’est pas responsable de ce que j’ai au visage. C’est quelqu’un d’autre qui m’a fait ça, déclara-t-il en se redressant.

- Tu es sûr que tu vas bien ? Tu sais, une unité de soin peut venir t’examiner et s’assurer de ton état de santé. J’ai juste à les appeler.

- Pas besoin de le faire, madame. J’ai la tête solide, dit-il en affichant un large sourire.

Gadriel parvint finalement à convaincre la dame qui décida de ne pas appeler une unité de soin. Cependant, elle ordonna à son enfant qui était beaucoup plus jeune que l’adolescent de venir s’excuser auprès de lui. Celui-ci s’exécuta avec des larmes plein les yeux, sa mère s’étant montrée très autoritaire sur l’instant.

- Ne t’inquiète pas pour ça. Ce n’était qu’un petit incident, rien de bien méchant. Promets-moi juste de faire attention la prochaine fois. Tu m’en fais la promesse ?

Gadriel présenta son petit doigt à l’enfant qui lui fit bien évidemment la promesse de faire très attention la prochaine fois qu’il jouerait à la balle. Maintenant que cette histoire était réglée, l’adolescent pouvait reprendre son chemin vers le temple. Néanmoins, sur le trajet, il ne pouvait pas s’empêcher de se dire que cette journée était des plus déplaisante. En effet, non seulement il n’y avait toujours aucune nouvelle de sa mère, mais il s’était également fait mal à de nombreuses reprises.

- Au moins je ne risque plus de rencontrer cette femme, dit-il après que son apparence lui soit revenue en tête. Elle est trop flippante.

Une vingtaine de minutes plus tard, Gadriel arriva finalement devant le temple de sa petite bourgade. Il s’agissait d’un bâtiment en forme de pyramide dans lequel se tout le savoir et tous les récits que les Célestes avaient accumulé depuis leur existence, un lieu de connaissance que tout le monde pouvait fréquenter quand il le voulait. L’adolescent rentra donc à l’intérieur de l’édifice et tomba nez à nez avec Iria, une des administratrices des lieux et une Loxienne possédant une paire d’ailes dans le dos.

- Bonsoir, Gadriel. Mais qu’est-ce qui est arrivé à ton visage ?

- Bonsoir, Iria. C’est une très longue histoire.

Gadriel lui raconta brièvement sa petite mésaventure, ce qui ne manqua pas de surprendre la jeune femme.

- Tu aurais dû t’excuser auprès de cette femme.

- J’aurais bien voulu, mais je n’arrivais ni à bouger ni à parler. J’avais beaucoup trop peur d’elle.

- Peut-être que tu avais tout simplement peur de t’excuser.

- Non, je ne pense pas. Il y avait vraiment quelque chose de très effrayant chez cette femme. J’en suis certain.

- Si tu le dis. Tu devrais néanmoins faire plus attention à toi. Qui sait ce qui pourrait arriver la prochaine fois.

- Promis. Mais en attendant, je vais aller me changer les idées, dit-il en s’éloignant joyeusement d’elle.

- À plus tard, Gadriel.

- À plus.

Le jeune garçon s’aventura donc dans les couloirs du bâtiment où de nombreuses histoires l’attendaient.


A suivre !!!

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