Episode 03

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Cauchemar

~*~

Gadriel se tenait debout devant le parc qu’il venait tout juste de quitter. Au loin, il aperçut une silhouette familière parmi toutes celles présentes, celle de la jeune fille qu’il appréciait tant et pour qui il éprouvait des sentiments, Jessabiel. L’adolescent se dirigea discrètement vers elle, se disant que c’était désormais à son tour de la surprendre. Cependant, plus il s’approchait d’elle et plus son rythme cardiaque s’accélérait. Il était évident qu’il avait des sentiments pour elle, mais cela était-il réciproque ? Le jeune garçon avait tenté d’en avoir le coeur net la veille, mais il n’était pas parvenu à obtenir une réponse. Serait-il en mesure d’en avoir une en ce jour ? Il n’en savait rien. Mais pour le moment, sa mission était de la faire sursauter comme elle l’avait fait avec lui.

Lorsqu’il arriva finalement à ses côtés, Gadriel essaya de poser sa main sur l’épaule de Jessabiel comme elle l’avait fait avec lui la veille. Toutefois, au moment où il s’apprêtait à le faire, cette dernière se retourna brusquement d’une façon inhabituelle, voire surnaturelle, ce qui l’étonna grandement et l’effraya par la même occasion.

- Sa…salut, Jessabiel, rétorqua-t-il après s’être remis de sa frayeur.

La jeune fille ne lui répondit pas et se contenta de le regarder en souriant. Il lui demanda ensuite si elle se portait bien, mais une fois de plus, il n’obtint aucune réponse de sa part. D’ailleurs, très peu de temps après cette étrange interaction avec elle, Gadriel remarqua que toutes les personnes qui se trouvaient autour d’eux se comportaient de la même manière qu’elle, à savoir qu’ils le fixaient tous du regard avec un étrange sourire aux lèvres.

Leur attitude angoissa énormément le jeune garçon qui se demanda bien évidemment ce qui se passait. Soudainement, Jessabiel pointa du doigt quelque chose à l’horizon, ce qui poussa Gadriel à se retourner pour voir de quoi il s’agissait. Il vit alors que le ciel d’Exoduus changeait de couleur, passant ainsi d’un ciel multicolore et agréable à un ciel orageux extrêmement sombre. Ce ne fut cependant pas cela qui le stupéfia, mais plutôt le comportement que les nuages dans le ciel avaient. En effet, à l’instant où tout s’assombrit, ces derniers tombèrent de leur position habituelle et formèrent une sorte de mur semblable à un brouillard qui s’avançait lentement vers eux.

- On…on doit partir d’ici, rétorqua-t-il en faisant quelques pas en arrière.

Gadriel avait raison de craindre le mur nuageux qui se rapprochait progressivement d’eux. En effet, lorsque celui-ci rentra en contact avec un des bâtiments de sa petite bourgade, ce dernier se désintégra complètement avant de disparaître à l’intérieur de cette sombre brume. Ne voulant pas subir le même sort, le jeune garçon attrapa soudainement la main de Jessabiel puis lui dit qu’ils devaient absolument fuir le plus loin possible de cette chose.

- Il vient pour toi. Tu ne peux pas lui échapper, lui dit-elle brusquement.

- Quoi ?! Qu’est-ce que tu racontes, Jessabiel ?! On n’a pas le temps pour ça !

Malgré le danger grandissant, Jessabiel gardait toujours son sourire, ce qui n’était pas le cas de Gadriel qui était complètement paniqué. Il força donc la jeune fille à le suivre et les deux se mirent à courir afin d’échapper à ce qui les poursuivait.

- Ça ne sert à rien de fuir, Gadriel. Tu ne pourras jamais lui échapper, rétorquèrent Jessabiel et toutes les personnes à côté desquelles les deux passaient. Tu n’as aucun endroit où te cacher. Cet endroit lui appartient, c’est son domaine. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il s’empare de toi.

Gadriel ne comprenait absolument pas pourquoi toutes ces personnes restaient sur place sans essayer d’échapper au désastre qui arrivait, mais surtout il ne comprenait pas pourquoi elles lui disaient toute la même chose. Néanmoins, il n’avait pas le luxe de se préoccuper de leur bien-être. Tout ce qui importait le plus à cet instant était d’échapper à cette étrange brume noire qui se rapprochait de plus en plus et faisait disparaître tout ce qu’elle touchait.

Les jeunes enfants couraient donc, cherchant désespérément à échapper à une mort certaine et ignorant les cris d’agonie qui se multipliaient par dizaine. Gadriel, qui était celui qui guidait le duo, sentait son corps perdre progressivement ses forces. Il n’était pas habitué à fournir un tel effort physique et cela se ressentait. Il avait mal à ses membres inférieurs, ainsi qu’à son coeur qui battait à un rythme effréné, mais il avait surtout de plus en plus de mal à voir les choses clairement. Toutefois, il savait qu’il ne pouvait pas s’arrêter de courir, il n’en avait pas le droit. Sa vie et celle de Jessabiel en dépendaient. Gadriel puisa donc dans ses réserves et dans sa volonté de les voir vivre, et avança d’un pas puis d’un autre, ainsi de suite. La douleur n’était qu’une sorte d’écho de chair organique qu’il essayait tant bien que mal d’ignorer.

Pendant qu’il combattait douleur et fatigue, Gadriel jeta un coup d’oeil rapide derrière lui pour voir à quelle distance d’eux le mur de nuages noirs se trouvait. C’est à cet instant qu’il se rendit non seulement compte que Jessabiel affichait toujours le même sourire, comme si elle n’était absolument pas préoccupée par la situation dans laquelle ils se trouvaient, mais aussi que la brume noire s’était dangereusement rapprochée d’eux, moins d’une centaine de mètres les séparant désormais.

En voyant ça, le jeune garçon commença à perdre tout espoir. Bien évidemment, il cherchait toujours désespérément un endroit où Jessabiel et lui pourraient se réfugier, mais la réalité de la situation dans laquelle ils se trouvaient balaya progressivement le peu d’espoir qu’il avait. Que pouvaient-ils bien faire pour s’en sortir ? Gadriel avait beau réfléchir, il ne trouvait aucune solution. Il n’y avait aucun abri et aucun moyen d’arrêter ce phénomène dévastateur. Et pour ne rien arranger, son corps finit par l’abandonner et il finit par s’écrouler au bout d’un énième pas. À bout de force, la seule chose que Gadriel pouvait désormais faire était d’observer la brume obscure se rapprocher et attendre qu’elle les engloutisse.

- Je suis sincèrement désolé, rétorqua-t-il. Je n’ai rien pu faire.

Voyant que c’était leurs derniers instants, Gadriel prit Jessabiel dans ses bras, cette dernière souriant toujours, et la serra fortement. Cependant, avant que le mur nuageux les engloutisse totalement, la jeune fille se transforma subitement en un tas de cendres, le laissant tout seul face à une mort imminente.

La brume noire finit par engloutir Gadriel et tout ce qui se trouvait autour de lui. Cependant, contrairement aux autres qui avaient été réduits en cendres dans des cris d’agonie, il allait parfaitement bien, du moins pour le moment. Le jeune garçon était très effrayé, étant incapable de voir devant lui et ne sachant pas quand son heure allait arriver. Soudainement, il entendit une sinistre voix prononcer son nom. Gadriel n’était pas seul, quelque chose d’autre se trouvait avec lui dans cet épais brouillard noir. Vu le ton sinistre de la voix, il était certain que cela ne pouvait pas être Jessabiel, il l’avait vu disparaître sous ses yeux. Cela voulait donc dire que c’était la chose dont elle lui avait parlé, la chose qui en avait après lui et à laquelle il ne pouvait pas échapper.

Gadriel entendit son prénom être prononcé une fois de plus, mais contrairement à la fois précédent, il avait l’impression que l’entité qui l’appelait était beaucoup plus proche. Cela le poussa donc à demander ce qu’elle était et ce qu’elle voulait, mais il n’obtint cependant aucune réponse verbale de sa part. À la place, toutes les veines de son corps en commençant par celles des extrémités de ses membres s’illuminèrent soudainement de l’intérieur. Au même instant, il fut envahi par une atroce douleur dont l’origine n’était nulle autre que ces mêmes veines. Plus cet étrange phénomène se répandait et plus la douleur que Gadriel ressentait gagnait en intensité, le poussant finalement à laisser échapper des cris d’agonie avant de finir à même le sol.

Le jeune garçon ne savait pas ce qui lui arrivait, mais il voulait absolument que cela s’arrête. Malheureusement pour Gadriel, la situation dans laquelle il se trouvait ne fit qu’empirer à mesurer que les secondes s’écoulaient. En effet, les extrémités de ses membres qui avaient désormais une teinte beaucoup plus sombre commencèrent à se désintégrer. Le phénomène se répandit au reste de son corps, retirant en premier ses mains et ses pieds avant de s’occuper du reste de son être.

- Gadriel, rétorqua de nouveau la sinistre voix.

Le corps de Gadriel avait presque totalement disparu, seule sa tête demeurait encore. La douleur, quant à elle, était à son paroxysme. Il avait l’impression que tout ce qu’il restait de lui était pénétré par des millions d’aiguilles incandescentes.

Finalement, au moment où le reste de sa tête était sur le point de disparaître, le jeune garçon se réveilla brusquement. Comme la fois précédente, Gadriel regarda immédiatement tout autour de lui uniquement pour se rendre compte qu’il était de retour dans sa chambre et que le soleil s’était déjà levé.

- Ce n’était pas le même cauchemar que d’habitude. Celui-ci semblait…si réel, rétorqua le jeune garçon en regardant ses mains trembler.

Même s’il était de retour dans sa chambre, Gadriel éprouvait toujours des sensations de picotements dans tout son corps. Cela suffit à le faire de douter de l’endroit dans lequel il se trouvait vraiment. Était-il vraiment dans le monde réel, dans sa chambre ? Ou était-il toujours en train de rêver, et tout ceci n’était qu’une autre facette de son cauchemar ? Il n’en avait strictement aucune idée. Néanmoins, quelques minutes plus tard, la désagréable sensation disparut complètement, le laissant alors penser qu’il se trouvait réellement dans sa chambre.

Gadriel, qui était désormais allongé sur son lit, réfléchissait sur la signification du cauchemar qu’il venait de faire. Il se demandait notamment pourquoi il avait été autant affecté par ce dernier. Cela faisait de nombreux jours qu’il avait fait le même mauvais rêve chaque soir, mais non seulement son cauchemar de la nuit précédente avait été très différent, mais ce dernier avait également été très réaliste. Il l’avait bien ressenti à son réveil, la douleur avait été bien réelle. Est-ce que cela voulait donc dire que son corps risquait de finir dans le même état que dans son rêve ? Cela n’avait aucun sens. Mais comment expliquer la douleur ? Cette douleur avait été bel et bien réelle, il l’avait bien ressentie.

Le jeune garçon avait peur, peur de ce que tout cela pouvait impliquer. Il ne voulait pas mourir, il était trop jeune pour ça. Il n’était encore qu’un adolescent qui avait toute sa vie devant, un adolescent qui avait encore des choses à voir et à accomplir, un adolescent qui n’avait pas encore dévoilé ses sentiments à la fille qu’il aimait. S’il venait à mourir suite à un de ses cauchemars, qu’adviendrait-il de sa mère, de Jessabiel, et d’Eve ? Comment réagiraient-elles s’il venait à s’en aller brusquement ? Il ne voulait pas les abandonner. À ce moment, les paroles de la jeune femme lui revinrent en mémoire et il se redressa soudainement.

- Eve, c’étaient encore quoi les symptômes que tu as mentionnés hier à mon réveil ? Tu sais, ceux provoqués par le manque de sommeil ?

Gadriel n’obtint aucune réponse de sa tutrice, ce qu’il trouva très étrange. Ce n’était pas son genre de rester silencieuse face à une telle question, d’autant plus que cette dernière concernait son état de santé.

- Eve, es-tu là ? rétorqua-t-il à nouveau.

Une fois de plus, ce fut le silence que le jeune garçon eut en guise de réponse. Voulant savoir ce qui se passait avec Eve, Gadriel descendit de son lit et se rendit immédiatement après au rez-de-chaussée. Cependant, au moment où il arriva en bas, quelqu’un cogna soudainement à la porte de chez lui.

- Eve, peux-tu me dire qui cogne s’il te plaît ? demanda-t-il instinctivement.

Se rappelant que la jeune femme semblait ne pas être présente, Gadriel se retrouva dans l’obligation d’aller lui-même vérifier l’identité de la personne qui se trouvait devant sa porte. Quelle ne fut alors pas sa surprise quand il s’aperçût qu’il s’agissait de Jessabiel.

- Jessabiel ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

- Ne me dis pas que tu as oublié ce dont on a discuté hier ? Je suis venue voir si ta mère était finalement revenue, répondit-elle en affichant son sourire habituel. Alors, est-ce qu’elle est là ? rétorqua-t-elle en franchissant le pas de la porte.

Gadriel n’eut pas besoin de prononcer le moindre mot pour que la jeune fille obtienne une réponse à question. Son visage parlait pour lui. Jessabiel s’excusa alors, ce à quoi il répondit qu’elle n’avait pas besoin de le faire.

- C’est plutôt moi qui devrais te remercier pour ce que tu as fait pour moi hier, poursuivit-il.

- Ah bon ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

- Tu m’as remonté le moral quand ça n’allait vraiment pas. Et pour ça, je te remercie beaucoup, dit Gadriel en affichant à son tour un large sourire.

- Ah ! Mais tu n’as pas à me remercier pour si peu. Les amis sont là pour s’entraider.

- Pour s’entraider en effet.

À ce moment, Gadriel ne put pas s’empêcher de penser à l’occasion qu’il avait manquée le jour précédent. Il voulait tellement lui avouer ses sentiments, mais il ne savait pas comment s’y prendre correctement ou à quel moment il devait le faire. En plus, il avait également peur de le faire, ne sachant pas comment Jessabiel allait le prendre. Si elle venait à rire de cela, il serait extrêmement gêné et il ne pourrait sans doute plus jamais la regarder en face. Si elle venait à se mettre en colère, leur relation se ternirait et leur amitié prendrait sans doute fin. Mais alors, comment expliquer le geste qu’elle avait fait la veille ? Le bisou qu’il avait reçu de sa part devait forcément signifier quelque chose. Ça voulait peut-être dire qu’elle éprouvait également quelque chose pour lui. Gadriel voulait en être certain, mais il avait trop peur de le lui demander. Au même moment, Jessabiel posa brusquement sa main sur son épaule, le sortant ainsi du petit monde dans lequel il se trouvait.

- Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? rétorqua-t-il.

- Tu ne m’écoutais pas une fois de plus. C’est vraiment malpoli de ta part de ne pas écouter quand on te parle, dit-elle avant d’approcher sa bouche de son oreille. Ça pourrait te porter préjudice plus tard.

- Je suis vraiment désolé, Jessabiel. J’avais la tête ailleurs.

- Ce n’est pas grave, Gadriel. Je te comprends parfaitement, mais ne refais plus ça. Ça devient très irritant à la longue.

- Euh, OK.

- Bon, maintenant que ça c’est réglé, tu es prêt à y aller ?

- Aller où ? répondit le jeune garçon, surpris.

- C’est pas possible. Ne me dis pas que tu as aussi oublié ça. Je t’ai dit hier qu’on irait tous les deux à Fjore pour que j’aille tenir 2-3 mots à cet agent qui ne fait pas correctement son travail. Tu t’en souviens maintenant ?

- Oui, je m’en souviens.

Gadriel ne savait pas pourquoi, mais Jessabiel semblait être très irritée. Dans sa tête, il se dit que c’était sûrement la faute de Reigns. Il était la seule personne qu’il connaissait qui était capable de la mettre dans un tel état. Néanmoins, il se dit que peu importe ce qu’il avait fait, il allait se tenir tranquille afin de ne pas s’attirer les foudres de la jeune fille.

- Alors, tu es prêt à y aller oui ou non ?

- J’ai quelque chose à faire avant. Ça ne te dérange pas de patienter à l’intérieur un moment, le temps que je finisse avec ce que j’ai à faire.

- Vas-y. De toute façon, j’ai du temps à perdre, répondit-elle froidement.

- Je reviens tout de suite.

Gadriel se précipita donc dans sa chambre et laissa la jeune fille seule en bas. Maintenant qu’elle se retrouvait toute seule, Jessabiel sortit un étrange appareil d’une de ses poches et commença à scanner une partie du domicile du jeune garçon. Sa fouille finit par la conduire devant le pilier soutenant toute la maison arbre, plus précisément devant le cadre photo affichant Arya et son enfant.

Jessabiel inspecta le cadre de plus prêt et essaya même de le retirer du mur. Malheureusement, elle ne parvint pas à le faire bouger d’un seul centimètre.

- Fais chier. Ça va pas le faire.

Frustrée de ne pas pouvoir décrocher le cadre photo, la jeune fille était tentée de le détruire. Toutefois, Gadriel étant également dans la maison, cela était une très mauvaise idée. Jessabiel entra donc en contact avec quelqu’un via son bracelet et lui demanda d’attendre leur départ avant de passer à l’acte. Elle partit ensuite s’asseoir en attendant que Gadriel revienne.

Pendant ce temps, le jeune garçon, qui était retourné dans sa chambre, bougeait dans tous les sens à la recherche de ce qu’il allait mettre. Il était dans une situation assez stressante, ce dernier n’ayant absolument pas prévu de recevoir la visite de Jessabiel. Gadriel finit par trouver une tenue convenable qu’il entraîna avec lui dans sa salle de bain. Quelques minutes plus tard, il était prêt à la suivre. Gadriel se précipita donc au rez-de-chaussée où il trouva Jessabiel assise sagement, les yeux fixés vers le pilier principal de sa maison.

- Je suis de retour.

- Et je vois que tu en as profité pour te changer, dit-elle tout en se redressant. Alors, t’es finalement prêt à partir ?

- Oui, on peut y aller.

Gadriel et Jessabiel sortirent donc tous les deux de la maison et prirent la direction de Fjore sans que le jeune garçon remarque la silhouette familière qui s’approchait de son domicile.

A suivre !!!

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