Episode 04
Confrontation
~*~
Cela faisait une dizaine de minutes que Gadriel et Jessabiel s’étaient mis en route pour Fjore. Pendant ce temps, alors qu’il marchait derrière elle, le jeune garçon ne pouvait pas s’empêcher de trouver l’atmosphère qui régnait entre eux quelque peu suffocante. En effet, depuis leur départ de son domicile, Jessabiel n’avait prononcé aucun mot. Elle n’avait même pas jeté un regard dans sa direction, se contentant de marcher vers leur destination. Voyant toute la distance qu’il leur restait encore à parcourir, Gadriel se dit qu’il serait mieux de casser cette ambiance et de retrouver la Jessabiel qu’il connaissait. Une chance pour lui, les deux passaient à cet instant devant le parc où ils avaient observé la grande conjonction de transfert.
- Jessabiel.
- Oui. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Merci beaucoup.
La jeune fille se retourna finalement vers Gadriel et lui demanda pourquoi il la remerciait soudainement, ajoutant également qu’elle n’avait rien fait de particulier.
- Je voulais te remercier pour hier, pour avoir assisté à la conjonction avec moi. Tu sais, avec l’absence de Mère, je n’étais pas vraiment d’humeur à faire cela, mais tu as été là. Tu as été là pour moi et j’ai pu observer leur apparition, répondit-il en regardant les gigantesques anneaux de Géoshia qui s’affichaient dans le ciel.
- Je t’ai déjà dit que tu n’avais pas à me remercier. Les amis sont faits pour ça.
- Je sais, mais je voulais tout de même le faire. Tu es ma meilleure amie, Jessabiel, et je voulais que tu le saches.
Au même moment, le jeune garçon ne pouvait pas s’empêcher de penser vouloir que leur relation devienne plus qu’une simple relation d’amitié.
- C’est très gentil à toi de dire ça, Gadriel. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, quand j’étais chez toi, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer le portrait sur le mur. Ta mère et toi ne vous ressemblez pas vraiment.
- C’est tout à fait normal. Mère ne m’a pas mis au monde, mais m’a plutôt trouvé lors d’une de ses expéditions quand je n’étais encore qu’un bébé. Elle m’a recueilli et élevé comme si j’étais son propre fils.
- Et tu n’as jamais été curieux de savoir qui tes vrais parents sont. Ou du moins, savoir à quoi il ressemble.
- Je te mentirais si je te disais que je n’y ai jamais pensé. Connaître qui sont mes vrais parents, savoir pourquoi ils m’ont abandonné et s’ils ont fait ça parce qu’ils n’avaient pas le choix, savoir s’ils m’aiment toujours, toutes ces questions me sont déjà passées par la tête. Mais au final, je me suis dit que c’était mieux ainsi. Je n’ai pas besoin de savoir qui sont mes vrais parents vu que je le sais déjà. Mère et Eve sont ma seule famille et pour moi, c’est tout ce qui compte.
Face à de tels propos, Jessabiel ne put s’empêcher de sourire légèrement, ce qui fit croire à Gadriel qu’elle avait été touchée par ce qu’il venait de lui dire.
- Gadriel, allons forcer ces agents à faire leur travail correctement.
Le jeune garçon accepta volontiers l’invitation de Jessabiel et les deux se remirent en route vers Fjore et son département de recherche des personnes disparues.
*
Gadriel et Jessabiel venaient tout juste d’arriver dans la ville de Fjore. Et comme la fois précédente, le jeune garçon avait horreur de la sensation qu’il éprouvait au moment de sortir du transporteur. Il détestait le fait de se sentir complètement trempé, ce qui semblait ne pas être le cas de celle qui l’accompagnait.
- Honnêtement, je ne sais pas comment tu fais pour ignorer cette sensation, Jessabiel.
- On finit par s’y habituer avec le temps.
- Parle pour toi. Je ne pense pas que je m’y habituerais un jour.
- Si tu le dis. Sinon, c’est lequel des bâtiments celui du département de recherche ?
- C’est celui-là.
Gadriel pointa alors du doigt un des bâtiments les plus grands de la ville et les deux prirent ensuite la direction de ce dernier. Sur le trajet, le jeune garçon ne put s’empêcher d’admirer la grandeur des bâtiments comme à son habitude, regardant toujours vers le haut, ce qui poussa Jessabiel à lui demander ce qu’il faisait.
- J’admire les bâtiments. Ils sont tellement grands comparés à ceux de chez nous, répondit-il.
- On t’a déjà que tu étais bi…une personne particulière ? Mais tu as raison, ils sont vraiment très grands. Cependant, ils font tous pâle figure devant la tour de Jtaoch.
- La tour de Jtaoch ? Qu’est-ce que c’est ? questionna Gadriel, très curieux.
Jessabiel prit quelques secondes avant de lui répondre et lui dire qu’il s’agissait d’un édifice qu’elle avait vu sur la planète Jtaoch, une immense tour qui s’étendait très haut dans le ciel jusqu’à se situer au-dessus des nuages.
- Elle est si grande que ça ?
- Oui. Et à l’intérieur se trouve une centaine d’étages contenant des histoires et des informations sur quasiment tout.
Gadriel, qui était déjà impressionné par la grandeur des bâtiments de Fjore, avait beaucoup de mal à imaginer qu’un édifice pouvait être encore plus grand, si grand qu’il dépassait les nuages. Il avait désormais envie de le voir de ses propres yeux, mais surtout, il voulait savoir quel genre d’histoire il contenait.
- Peut-être que les gens qui travaillent là-bas ont toute l’histoire de l’Empereur Dragon, pensa-t-il à cet instant. La prochaine fois que je vais au temple, je demanderai à Kyon des informations sur cette tour. Il doit sûrement en avoir entendu parler.
- Bonne chance pour ça.
- Pourquoi bonne chance ?
- Pour rien. Allons-y, notre destination n’est plus très loin, répondit-elle en se remettant en route.
Le jeune garçon trouva le comportement de Jessabiel quelque peu étrange, ayant parfois l’impression qu’elle était une autre personne. Cependant, il se dit que son attitude actuelle devait être la conséquence de quelque chose que Reigns avait fait. Il n’y avait que lui qui était capable de la mettre dans un tel état.
- Alors, tu viens ou pas ?! s’exclama Jessabiel en constatant que Gadriel n’avait pas bougé d’un centimètre.
- Oui, j’arrive ! s’exclama-t-il en courant vers elle.
*
Peu de temps après, Gadriel et Jessabiel se trouvaient au 56e niveau de l’édifice, étage où se trouvait le service en charge de retrouver toutes les personnes qui avaient disparu. Comme le jour précédent, le jeune garçon se dirigea vers l’accueil où la Loxienne et la Rumirunas étaient toutes les deux assises.
- Bonjour. Je suppose que vous êtes revenu pour vous adresser à l’agent d’hier ? rétorqua la femme de pierre lorsque Gadriel fut suffisamment près.
- Bonjour. C’est cela en effet, répondit-il.
- Veuillez patienter s’il vous plaît.
La Rumirunas se leva de son siège, mettant ainsi son imposante stature en évidence, se dirigea avec de lourds pas vers le bureau dans lequel Gadriel avait été conduit le jour précédent. Pendant ce temps, Jessabiel, qui avait remarqué que cette femme de pierre aurait pu accomplir cette simple tâche depuis son bureau, s’adressa à Gadriel en lui disant qu’il était plutôt célèbre dans le coin.
- Cette femme a immédiatement deviné pourquoi nous étions là, continua-t-elle.
- Ça fait plusieurs jours que je viens ici. Ce n’est pas vraiment étonnant.
- Tu as sans doute raison.
Peu de temps après le départ de la Rumirunas, l’agent avec qui Gadriel avait discuté la veille se présenta finalement. Ce dernier affichait alors une expression d’exaspération sur son visage, ce qui montrait toute la fatigue qu’il éprouvait vis-à-vis de ce jeune garçon qui continuait de se présenter dans son service.
- Gadriel, combien de fois t’ai-je dit de ne plus mettre les pieds dans ce service ? On fait du mieux qu’on peut pour retrouver ta mère et ce n’est pas en venant ici tous les jours que tu vas faire avancer les choses, rétorqua l’agent lorsqu’il arriva auprès des jeunes adolescents.
- Si vous faisiez correctement votre travail, il n’aurait pas à venir ici tous les jours.
- Je vois que tu as ramené quelqu’un d’autre avec toi cette fois-ci. Comment tu t’appelles gamine ?
- Jessabiel. Et je ne suis pas une gamine, répondit-elle, vexée.
- Écoute, gamine…
- Je vous ai déjà dit que je n’étais pas une gamine, rétorqua furieusement Jessabiel en interrompant son interlocuteur. Votre travail à vous tous est de retrouver des personnes qui sont portées disparues. Cependant, mon ami est vécu ici de nombreuses fois et vous avez tous été incapable de lui donner la moindre information utile sur l’avancée des recherches. Qu’est-ce que vous avez tous foutu durant tout ce temps ?
Parce qu’elle avait brusquement haussé le ton, le regard de toutes les personnes présentes était désormais tourné vers elle. Tous les agents étaient alors énervés contre ces jeunes adolescents qui osaient discréditer leur travail et tous leurs efforts.
- Euh ! Jessabiel, rétorqua Gadriel en voyant les regards qui leur étaient lancés.
Le jeune garçon avait raison d’être inquiet. En effet, certains des agents qui les observaient avaient envie de leur donner une bonne leçon en les enfermant dans une cellule tandis que d’autres voulaient qu’ils dégagent de leur service. Et l’un des individus qui pensaient comme ces derniers n’étaient nulle autre que l’agent avec qui Jessabiel discutait.
- Écoute, GAMINE, je n’ai que foutre de ce que Gadriel a pu te dire. Ça ne changera rien à ce que nous faisons ici. Cependant, je ne tolérerai pas qu’une bande d’enfants se pointent ici et se mettent soudainement à dénigrer le travail acharné que mes collègues et moi effectuons chaque jour dans ce service.
- Si vous faisiez mieux votre travail, cela n’arriverait pas.
- Gamine, tu ferais mieux de…
- C’est la troisième fois que je vous dis que je ne suis pas une gamine. Êtes-vous également sourd en plus d’être incompétent ? dit Jessabiel en même temps que lui.
- Peu importe ! Tu restes une gamine vu que tu n’as aucune idée de la façon dont le monde fonctionne ! Tu débarques ici avec lui et tu te mets à dénigrer tout le monde pensant que ça va faire avancer les recherches, c’est définitivement le comportement d’une enfant immature qui n’a aucune idée de ce qu’elle fait !…
Voyant qu’il s’était un peu trop emporté sur des enfants qui ne connaissaient visiblement rien de la façon dont son service fonctionnait, l’agent prit une profonde inspiration avant de s’excuser pour sa brusque réaction. Pendant ce temps, Jessabiel avait de plus en plus de mal à cacher sa frustration face à cet homme qui continuait de la traiter de gamine. Par conséquent, la couleur de ses yeux oscillait légèrement entre leur vert émeraude et un rouge sang. De son côté, Gadriel était tellement préoccupé par les regards de tout le monde et la réaction de l’agent qu’il ne constata pas le léger changement qui se produisait chez son amie.
- Quoiqu’il en soit, si vous n’avez rien d’important à me dire ou reporter, veuillez quitter le service. Nous avons mieux à faire que perdre notre temps avec vous.
- Quoi ? Tu vas aller t’asseoir derrière ton bureau et faire semblant de travailler.
- Gamine, tu ferais mieux de faire attention à la façon dont tu t’adresses aux gens. Tu pourrais le regretter amèrement.
- C’est toi qui risques de le regretter amèrement si tu me traites de gamine une fois de plus.
- Jessabiel, nous ne sommes pas ici pour nous battre.
- Tais-toi, Gadriel. C’est entre lui et moi, rétorqua furieusement la jeune adolescente.
À ce moment, Gadriel fut très effrayé par Jessabiel et il avait une fois de plus l’impression que sa douce amie venait d’être remplacée par quelqu’un d’autre, par quelqu’un de très agressif. De plus, il ne comprenait pas pourquoi elle faisait une telle fixation sur le fait que cet homme la traite de gamine. Aux dernières nouvelles, elle et lui étaient tous les deux des enfants, surtout comparés à cet agent et à toutes les autres personnes qui travaillaient dans ce service.
- Celle-là commence à me taper sur les nerfs. Mademoiselle [mot incompréhensible], pouvez-vous les conduire vers la sortie ?
- Où est-ce que tu vas ?! J’en ai pas fini avec toi !
L’agent ignora les dires de Jessabiel et retourna dans son bureau. Pendant ce temps, la Rumirunas qui s’était adressée à Gadriel dès son arrivée dans le service se présenta devant eux et leur demanda gentiment de quitter les lieux. Bien évidemment, la jeune adolescente n’en avait pas envie, elle n’avait pas encore fini de régler son différent avec cet homme qui avait osé la traiter de gamine.
- Jessabiel, s’il te plaît, arrête, rétorqua Gadriel en essayant de calmer son amie. Je suis vraiment désolé, mademoiselle [mot incompréhensible], elle n’agit pas comme ça d’habitude.
Étonnée par ce qu’elle venait d’entendre, la femme de pierre demanda à Gadriel s’il parlait le rumis.
- Non. Qu’est-ce que c’est ? répondit-il.
Elle lui expliqua alors que c’était la langue de sa planète natale et que son nom ne pouvait uniquement être prononcé que par ceux qui étaient capables de la parler. C’était pour cela qu’elle lui avait posé cette question.
- Mais bon, je m’égare. Vous devez tous les deux rentrer chez vous et nous laisser faire notre travail.
- Votre travail. Votre travail. Combien de fois vous lui avez tous dit ça ? Mais vous n’arrivez toujours pas à retrouver sa mère.
- Ça suffit comme ça. Partez immédiatement d’ici.
- Jessabiel, allons-nous-en. Nous reviendrons demain.
Voyant qu’ils n’étaient plus les bienvenus, Gadriel et Jessabiel n’eurent d’autre choix que de quitter les lieux. Toutefois, avant de s’en aller, la jeune fille déclara ouvertement que cet homme qui avait osé lui manquer de respect n’allait pas s’en sortir aussi facilement.
*
Se retrouvant désormais à l’extérieur du bâtiment, Jessabiel ne put s’empêcher d’exprimer toute sa frustration et colère vis-à-vis de ce qui venait de se produire, et proférait des insultes à l’égard du Céleste qui avait osé la traiter de gamine. Son comportement était si erratique qu’elle attirait l’attention de toutes les personnes qui se trouvaient aux alentours. De son côté, Gadriel l’observait, se demanda toujours pourquoi elle faisait une fixation sur cette histoire, mais il était surtout intimidé de la voir afficher un tel comportement. C’était tellement à l’opposé total de son attitude habituelle qu’il finit par lui demander de se calmer.
- Me calmer ?! Tu veux que je me calme après ce qu’il a osé faire ?! Non, Gadriel. Il en est hors de question. Cet homme et tous ses collègues ne paient rien pour attendre.
- Ne dis pas ça, Jessabiel. Ils font de leur mieux pour retrouver Mère.
- Parce que tu crois en leur parole. Ces idiots ne pourront jamais la retrouver. Ils n’en ont pas les moyens.
Jessabiel ne s’en rendit pas compte sur l’instant, mais la phrase qu’elle venait tout juste de prononcer heurta énormément Gadriel qui, pendant un moment, eut du mal à croire qu’elle avait dit quelque chose de la sorte. Elle savait pourtant que c’était quelque chose qui lui tenait très à coeur.
- Je garde tout de même espoir. Je sais que Mère se trouve quelque part et je sais aussi qu’ils finiront par la retrouver.
À ce moment, la jeune fille reçut un message sur son bracelet-écran, un message qui lui fit arborer une expression d’inquiétude.
- Comment ça, ils ont tous disparu ? Les choses n’étaient pas censées se dérouler ainsi. Qu’est-ce qui s’est passé ? C’était pourtant une opération très simple. Un élément extérieur a dû intervenir, c’est la seule explication. Ça veut aussi dire que la mission a de fortes chances d’être compromise…, pensa-t-elle.
- Est-ce que tout va bien, Jessabiel ? demanda Gadriel, interrompant la réflexion de son amie.
- Oui, tout va bien. C’est juste Reigns qui fait du n’importe quoi. Tu sais comment il est parfois.
- Non, pas vraiment. Et je n’ai vraiment pas envie de savoir.
Jessabiel esquissa un léger sourire avant de taper quelque chose sur son bracelet-écran. Elle se retourna ensuite vers le jeune garçon et lui demanda de la suivre.
- Où est-ce qu’on va ?
- Nous divertir. J’ai été un peu trop émotionnelle aujourd’hui. J’ai besoin de me changer les idées.
Il était vrai qu’elle s’était comportée de façon très étrange au cours de la journée, donnant parfois à Gadriel l’impression qu’il se trouvait aux côtés d’une personne totalement différente. Il fut donc content de revoir la Jessabiel qu’il connaissait et pour qui il avait des sentiments. Le jeune garçon accepta finalement de la suivre et les deux se mirent en route vers un lieu que seule Jessabiel connaissait.
A suivre !!!
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