5.

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Je trébuche en entrant dans la pièce et m’étale lourdement sur un sol bienveillant et molletonné. La pièce est entièrement capitonnée d’un ersatz de cuir blanc. On se croirait dans un asile de fou. Je tremble en pensant que c’est peut être le cas. Un haut-parleur crépite, avant de débiter une phrase mécanique :

– Colis 264, merci de vous déshabiller entièrement. Nous allons vous fournir de nouveaux vêtements, plus appropriés.

Je m’étrangle de surprise. La vieille blague du cousin a assez duré.

— Hein, non mais ça ne va pas ? Je ne vais sûrement pas me mettre à poil devant vous. Et puis, ils sont très bien mes vêtements ! Plus appropriés, pour quoi faire ? Vous avez vu comment elles sont sapées vos hôtesses avec leurs robes noires ? On dirait des lampadaires municipaux, ancienne génération !

La voix nasillarde reprend de plus belle :

— Colis 264, merci de vous déshabiller, sans discuter. Vous êtes en infraction majeure !

Je rigole nerveusement. Non, mais c’est quoi ce délire ?

J’essaie d’ouvrir la porte par laquelle je suis rentrée mais elle est verrouillée. J’insiste lourdement et la poignée finit par me rester entre les mains. Je fais glisser discrètement le morceau de métal au sol avant de me faire un peu plus remonter les bretelles par le chef de la sono. Bon, et bien, il n’y a qu’à attendre que la machine préposée aux consignes se lasse. Pas de quoi en faire un drame. Ils vont bien finir par s’arrêter de hurler dans le micro. Je m’assois par terre sur le mauvais Skye blanc. C’est étrange mais j’ai l’impression désagréable que la pièce diminue de volume. Sauf que c'est bien le cas : le mur vient m’agresser le fessier et me pousse vers le milieu de la pièce. La technique dissuasive devient vite oppressante. Je hurle en direction du haut-parleur :

— Eh oh ! C’est quoi ce bazar ? Vous voulez m’écraser ou quoi ?

— Colis 264, merci de vous déshabiller, répète la voix, nous allons vous fournir de nouveaux vêtements. Comme vous le voyez nous avons des moyens de pression. Merci d'obtempérer !

J'ai du mal à réaliser.

— C'est pour une émission de téléréalité ? Je demande. Il est où Nikos ?

— Ah ah ah, égrène mollement la voix métallique.

Elle a l’humour d’un GPS de chez Peugeot. Ça craint ! La plaisanterie vire au cauchemar, il est temps de prendre une décision. Mourir écrasée ou se dévêtir ? Comme dirait mon petit neveu ‘A ce stade, la question est vite répondue’. Je me mets en sous-vêtements en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

— Voilà, voilà, ça vous va comme ça ? Je demande au haut-parleur. On arrête le délire maintenant ?

Les murs cessent leur progression infernale et une trappe s’ouvre sur le côté pour me présenter un ensemble entièrement blanc.

— Voici vos nouveaux habits, me glisse la voix. Vous les porterez le temps de procéder à votre remise à niveau.

Je m’en saisis et me rhabille prestement. Ils ont oublié de brancher le chauffage.

— Eh ben ce n’est pas gai, gai, dites-moi comme costume… J’ai l’impression que chez vous c’est tout noir ou tout blanc ? C’est pour une partie d’échec géante ? Je vous préviens je suis un peu maladroite au moment des saucisses merguez je risque de me tâcher en blanc, j’espère que ça ne gênera pas pour la partie ?

Le silence me répond. Un bras articulé sort d’un des murs et ramasse mes vêtements laissés en tas sur le sol. Il sépare mon jean, mon Tshirt et mes chaussettes de mon pull en mohair. Les premiers éléments finissent dans une corbeille qui sort du mur. Le pull lui est sauvagement ramassé, écartelé sans ménagement et envoyé dans une trappe qui ressemble à un vide sanitaire. Je suis outrée devant si peu de délicatesse.

— Eh hurlé je, doucement c’est du mohair du Tibet, vous allez me le massacrer !

— C’est le but ! grésille le haut-parleur.

Je blêmis. Je suis tombée sur des cinglés. Je regarde le joli mohair vert bouteille disparaître, la larme me perle à l’œil. Je ne suis pas certaine que nous nous reverrons de sitôt. Un cadeau de tante Germaine qu'elle a ramené de son voyage à Lhassa. Si elle apprend ce qui lui est arrivé, c'est simple, elle va me tuer.

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