Le flic et la crapule

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 "AVION RETARDÉ DE 3H"

 — Génial ! soupira Marlowe.

 — On va devoir attendre.

 — Je crois bien que oui.

 — Cela ne fera pas s'effrondrer l'univers sur lui-même, n'est-ce pas ?

 — Te payes pas ma tête.

 "VOL VERS URUMQUI ANNULÉ"

 — Qu'est-ce qu'il se passe encore... râla le Lieutenant en portant son regard sur l'écran.

 — Que va-t-on faire ?

 — On peut attendre à l'hôtel le prochain vol... Mais aura-t-il seulement lieu ?

 — Non, répondit une voix grave et éraillée.

 Surpris, les deux enquêteurs sursautèrent avant de se tourner vers l'inconnu assis à côté d'eux. Il portait un grand chapeau d'encre, des lunettes chromées, une veste de charbon et des chaussures particulièrement bien cirées.

 — Eumh... Bonjour monsieur ? fit Framboise.

 — Comment pouvez-vous le savoir ? l'interrogea Marlowe.

 — Mes agents chargés de récupérer ma marchandise à Dromo ne sont jamais revenus. Aux dernières nouvelles, suite à la guerre et à la fermeture de tous les aéroports du Tibet, ils se dirigeaient vers Urumqui. Silence radio depuis cinq jours. Et depuis trois jours, tous les vols en provenance ou en destination d'Urumqui sont annulés... Il se trame quelque chose de louche, je vous le dis.

 — Et cette marchandise, quelle est-elle ?

 — Un maximum de drogue, évidemment.

 — Monsieur, l'apostropha Magalie. Vous savez que nous sommes de la police, n'est-ce pas ?

 — Cela ne fait pas d'importance. Nous sommes face à une affaire de grande envergure, et nous aurons besoin l'un de l'autre pour mettre un terme aux mystères qui entourent Urumqui. Et pour récupérer ma came, accessoirement.

 — Comment faire sans avions pour nous y mener ? se demanda le Lieutenant. Les voies maritimes et terrestres sont trop longues. Si quelque chose se manigance, nous devons nous rendre à Urumqui au plus vite.

 — C'est exact, répondit l'homme. Et nul ne sait s'il n'est pas déjà trop tard !

 — J'ai une idée, s'exclama Marlowe. Nous allons prendre un autre vol et détourner l'avion vers Urumqui.

 — Tu sais, lui dit Framboise, je ne crois pas que notre mission soit si importante que ça pour que nous puissions justifier de devenir des criminels en puissance ! C'est juste un type qui est tombé, peut-être juste un suicide d'ailleurs...

 — Les gens tombent du ciel ! s'écria l'homme mystérieux. Il s'agit là d'un signe avant-coureur majeur, l'ignorer serait de la folie !

 — Oui enfin, c'est juste un seul gars en fait...

 — Il faut bien qu'il y en ai un premier. Ensuite, vous verrez, les morts pleuveront sur Terre. L'apocalypse est proche !! J'vais chier, je reviens dans deux minutes, bougez pas.

 Les deux représentants de la loi regardèrent l'individu louche les quitter d'une démarche assurée. Les yeux de Magalie s'écarquillaient.

 — C'est un sacré détraqué, lui, dit-elle tout bas. On ferait mieux de se tirer d'ici vite fait !

 — Hors de question. Il semble être un personnage intéressant.

 — Que... Comment ? C'est la seule chose que tu trouves à répondre ? C'est un malfrat illuminé, rien de bon en somme !

 — Au contraire. Il est dangereux, tu es d'accord ?

 — Bien sûr qu'il est dangereux ! Où tu veux en venir ?

 — En tant qu'officiers de police, nous nous devons de le surveiller pour l'empêcher de commettre des méfaits. Me contrediras-tu sur ce point ?

 — Je suis qu'une secrétaire, moi ! J'ai rien demandé à personne !

 — Quelqu'un a placé l'émetteur dans ton crâne. Tu es forcément impliquée dans cette histoire.

 — Y'a ça aussi, c'est vrai... Bon, d'accord... Restons avec lui pour s'assurer qu'aucun crime ne soit commis.

 Marlowe vit l'homme sortir de WC, une malette à la main, puis se leva et déclara :

 — Bien. Allons détourner un avion maintenant.

  ***

 Ayant essuyée un refus catégorique du malandrin pour connaître le contenu de sa malette, Magalie capitula et suivi les deux hommes.

 — Vous savez qu'ils nous empêcheront de partir si vous transportez de la drogue ! cria-t-elle.

 — Je sais, répondit le voyou sans se retourner vers elle.

 — ... Pareil pour les armes !

 — Je sais.

 — Je vous préviens, s'ils détectent un truc pas net dans votre valise, je vous déchire les ligaments sur place !

 — Je sais que vous en êtes incapable.

 — J'ai fait trois ans de yoga boxeur, et je vous assure que je n'ai rien perdu de mes réflexes !

 — Je savais pas. Et je m'en branle.
 — Wow ! Marlowe, regarde comment il me parle.

 — Silence, femelle, les hommes essayent de discuter.
 — Ben allez tous vous faire foutre si c'est comme ça, bougonna la secrétaire.

 Elle ralentit l'allure, laissant le lieutenant et le malfrat parler entre eux.

 — Je comprends, dit Marlow. J'ignorais qu'un tel réseau de drogue existait dans l'est de l'Asie...

 — C'est pourtant un des plus gros ! Et aussi un des mieux cachés. Je pensais pas pouvoir rencontrer un flic aussi conciliant !

 — Oh, vous savez... Plus rien n'a beaucoup d'importance pour moi désormais. Je ne fais plus la distinction entre le bien et le mal.

 — Je sais pas ce que vous avez traversé durant votre vie pour en arriver là, mais ça a l'air d'être du lourd ! Au fait, comment vous appelez-vous ?

 — Marlowe Bopidabou, mais vous pouvez m'appelez Marlowe tout court.

 — Enchanté Marlowe-tout-court, je suis Lucio Diceni, dit "L'Italien", mais vous pouvez m'appelez Mafia Killer.

 — D'accord, Lucio.

 Le gredin posa sa malette sur le tapis roulant sans aucune appréhension, puis passa le portique sans transpirer une seule goutte.

 — Tout est en règle monsieur, fit une femme en vérifiant son ticket, passez un agréable vol !

 — Bonjour mademoiselle, s'avança Marlowe. Je vous lance un défi !

 — Contentez-vous de traverser le portique, monsieur.

 — Ahah, je vois que ma chère amie aime jouer ! Voilà le défi : Je vous...

 — Monsieur, vous ralentissez tout le monde !

 — ...vous donne mon numéro, et vous devez le retenir si vous voulez me revoir !

 — Non, je suis en couple, je vous remercie.

 Marlowe, comme tout bon détective ou dragueur lourd qui se respecte, remarqua l'étiquette accrochée à son vêtement, portant le nom de l'employée.

 — Allons, Virginia, ne faites pas l'innocente. Nous savons tous les deux que je vous fait de l'effet ! 06 66 66 66 66. Vous retiendrez ? Pas trop difficile, n'est-ce pas ?

 — Le portique, monsieur...

 — Eh oui, je suis l'heureux élu du numéro de téléphone aux neuf chiffres identiques ! continua le Lieutenant, marchant à reculons vers le portique électrique. Incroyable, n'est-ce pas ? Il faut dire que je suis un...

 Une lumière rouge s'alluma soudain et une forte alarme retentit.

 — Veuillez enlever votre téléphone, votre montre et tous vos objets métalliques et les placer dans cette boîte avant de traverser, souffla Virginia, sortant sa réplique comme un robot.

 Marlowe dégaina son pistolet et le braqua vers la femme.

 — Que personne ne bouge ! ... Eh non, je déconne, ahahah ! Bonne plaisanterie, n'est-ce pas ? Je suis flic et ceci est mon arme de fonction. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser ma belle.

 — Vous avez votre insigne sur v...

 Mais Marlowe était déjà parti. L'agente de sécurité laissa tomber, se disant qu'un malfaiteur ne se ferait pas autant remarquer avant.

 — Vous le connaissez ? demanda-t-elle à Framboise.

 — Oh, non, non, si peu...

  ***

 Magalie ne comprenait pas dans quelle folie elle s'embarquait et bientôt, ce fut dans l'avion. Les trois compères s'assirent sur des places adjacentes et la secrétaire accepta de cesser de bouder à l'instant. Elle se tenait à côté de la fenêtre, conformément à ses désirs. Marlowe, à côté d'elle, occupait le siège du milieu.

 L'hôtesse de l'air effectua devant eux divers mouvements incompréhensibles, entrecoupés de quelques pas de samba, pour maintenir l'attention des passagers, tandis qu'une voix enregistrée tout aussi peu compréhensible les conseillaient en une trentaine de dialectes, dont le Tuyuca, l'Esperanto, le Na'vi, et la langue elfique. Le sourire de l'hôtesse, encore plus forcé que celui du Lieutenant, semblait être la marque de possession d'une démon. Sa coiffe reposait de façon surnaturelle sur ses longs cheveux enduits de gel. Puis, tandis qu'elle effectuait un dab des plus qualitatifs, quelques passagers transvasaient leurs téléphones en mode avion. Marlowe ne s'en préoccupa pas, au grand désarroi de Mafia Killer.

 — Alors, vous le faites pas ?

 — À quoi bon ? Vous avez déjà vu un avion se crasher à cause d'un gars qui a laissé son téléphone connecté au réseau ?

 — On ne sait jamais amigo !

 — "Amigo" n'est pas italien, Lucio...

 — Change pas de sujet, stronzo ! Fous-moi ton téléphone en mode avion, et illico presto ! Tu veux tous nous tuer ?

 — Dit le baron de la drogue !

 — Bah si fort, stupido !

 — Oui c'est bon j'ai vu que tu connais des mots en italien, tu peux arrêter mainten...

 — Mode avion, merde ! On va décoller sous peu ! Et les gens qui tombent du ciel, tu les as déjà oubliés ?

 — D'accord, d'accord...

  ***

  À cet instant, Virginia composa le numéro de Marlowe.

  — Répond, répond...

  Il ne décrocha pas.

  — Merde ! s'exaspéra-t-elle.

  — ... message après le bip sonore. Biiip !

  — Monsieur l'agent, je me dois de vous avertir, nous...

  — Héhé, non, je t'ai eu ! C'est moi qui ai fait le bip avant ma bouche ! Convainquant, non ? ... Votre correspondant est injoignable. Veuillez laissez votre message après le bip sonore.

 Cette fois-ci, un vrai "bip" retentit à travers le haut-parleur

 — Quel abruti... Monsieur l'agent, nous avons repéré des individus suspects monter dans votre avion ! Si vous recevez ce message, interceptez-les !

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