Chapitre 1

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Mon cœur bat la chamade. J'ai tout fait pour essayer de le calmer mais depuis ce matin, mon stress est à son paroxysme. En fait, il l'est depuis bien plus longtemps. J'ai eu du mal à m'endormir hier soir, on aurait dit un enfant de dix ans la veille d'un voyage scolaire. Alors que pour ma part, c'est juste la rentrée. Certes, la rentée dans un nouveau lycée mais même pas dans une nouvelle ville. Je connais Los Angeles depuis que je suis né, bien que la ville soit immense, j'en ai exploré une bonne partie. Mais mon père a été muté avant l'été, alors on a dû déménager à l'autre bout de la ville, dans le quartier de San Fernando Valley. Impossible pour moi de rester dans mon ancien lycée, le voyage aurait été trop long. Alors, d'un commun accord, mes parents et moi avons décidé de m'inscrire ici.

Seul petit bémol : ils ont décidé que j'irai à l'internat. Au début, j'ai catégoriquement refusé. Il était hors de question que je les quitte, ça, plus le déménagement, c'était trop. Mais ils ont été persuasifs et puis, je me suis dit que ça pourrait être une belle expérience. J'ai toujours été un peu trop solitaire, alors ça sera l'occasion de sortir de ma zone de confort, d'affronter le monde, la vie, les autres.

— Tu pourras rentrer tous les week-ends, Noah, m'a répété une énième fois papa quand nous étions dans la voiture en direction du lycée. Tu sais que ta mère rentrera tard à cause de son boulot et moi, je vais devoir faire des efforts au début pour mon travail. On ne sera pas trop disponibles pour toi.

— Ne t'inquiète pas, papa, l'ai-je rassuré. Je sais que vous essayez de faire au mieux, maman et toi. Et je pourrai toujours êtr externe l'année prochaine.

Papa m'a jeté un regard en coin, les mains sur le volant.

— On a de la chance de t'avoir, m'a-t-il soufflé, ému.

— C'est moi qui ai de la chance.

Il m'a ébouriffé les cheveux et j'ai gloussé.

Je pense ce que j'ai dit. Ils ont toujours été là pour moi, je les aime énormément. J'ai remis mes écouteurs et Beautiful Things de Benson Boone a rugi dans mes oreilles. Je l'aime beaucoup. Elle me fait ressentir tous les sentiments possibles, j'ai pleuré avec elle, mais j'ai aussi ri. Elle me rassure et me calme. Et j'en ai grand besoin, aujourd'hui.

— Voilà votre chambre, Noah.

La voix du surveillant me ramène sur terre. Je le regarde en clignant des yeux, quelque peu déboussolé.

Je jette un coup d'œil dans l'embrasure de la porte. Je découvre alors une petite pièce dans laquelle tout est en double : deux lits de part et d'autre, ainsi que deux armoires, deux bureaux, deux chaises, le tout disposé en effet miroir. Bon, j'exagère un peu, la chambre n'est pas si petite, elle fait au moins le double de la mienne dans notre nouvelle maison. Au fond, la fenêtre au-dessus des bureaux. Je fais un pas et aperçois une commode supplémentaire. Niveau rangement, c'est déjà ça. Un bon agent immobilier saurait vanter ce petit confort. Ce n'est pas le cas du surveillant.

— Je vous laisse vous installer, déclare-t-il par-dessus ses feuilles qu'il tient dans ses mains. Votre camarade de chambre est arrivé hier, il a déjà pris possession des quartiers. Vous vous croiserez sûrement plus tard.

Je camoufle une grimace. Il parle comme un lieutenant de l'armée. Aussitôt, mon ventre se tord. J'espère que ce n'est pas ce qui m'attend pour le reste de l'année : une organisation militaire et une discipline de fer.

— Vous autres, continuons.

Aussitôt, il s'éloigne, deux demi-douzaines de garçons derrière lui, traînant des valises aussi grosses que les miennes. Les nouveaux internes, comme moi.

Je souffle bruyamment pour chasser mon anxiété. Pas de quoi en faire tout un plat, Noah, ça ne peut pas être pire que ta première semaine de camp au collège. Au moins, il n'y a pas de moustiques, ni de Vincent pour raconter des histoires terrifiantes qui t'ont empêché de dormir toute la nuit. Mais je ne peux pas refouler le vertige qui me saisit. Je m'assois sur un lit, le souffle coupé. Comment vais-je faire, toute une année ici ? Et si je n'arrive pas à prendre mes marques ? Et si les autres se moquent de moi ? Et si je me fais harceler ? Bon, peut-être que j'y vais un peu fort. Ce n'est pas à dix-sept ans qu'on commence à se faire harceler. Quoique...

Je passe les mains dans mes cheveux bouclés et parcoure la pièce du regard. Soudain, j'aperçois des choses que je n'avais pas remarquées avant : un revers de la couverture du lit en face de moi est retourné, la porte de l'armoire ne ferme pas correctement, un sac de voyage est glissé sous le lit. Ce doivent être les affaires de mon « camarade de chambre ».

Une curiosité mal placée se fraye en moi. Non, je ne vais quand même pas commencer à fouiner partout. Je ne l'ai jamais fait, c'est mal. Surtout que je n'en ai pas besoin, l'intimité ici semble très restreinte voire inexistante. Autant dire qu'on ne pourra pas se cacher grand-chose. J'espère qu'il est vraiment cool. Peut-être qu'on pourrait devenir meilleurs potes ?

Je commence à ranger mes affaires. Je prends possession de l'armoire libre, range mes vêtements puis mon nécessaire de toilette et dépose mes cahiers sur le bureau. Son voisin est complètement vide, aucune trace de quelconque affaire scolaire.

Enfin, je cale les dernières babioles dans ma table de chevet. J'avise alors la clé posée dans la serrure. Tiens, finalement, il y a tout de même un semblant d’intimité. Est-ce que par hasard...

Je me contorsionne pour regarder en direction de la seconde table de chevet, près du lit occupé. Pas de clé.

Je me mords la lèvre, lève les yeux vers la porte de la chambre grande ouverte. L'adrénaline monte en moi, comme si j'étais prêt à sauter du cinquième étage pour échapper à une bombe qui menace de tout faire sauter, alors que primo, je suis au premier étage et secundo, je ne suis pas un agent secret.

Bataillant encore quelques secondes avec moi-même, je finis par me lancer. D'un mouvement brusque, je m'approche de la table, saisis la poignée du tiroir et tire. Il est fermé. Aussitôt, je me recule et manque de percuter le mur. J'esquisse un sourire figé tandis que la honte s'empare de moi. Pourquoi je l'ai fait ? À peine cinq minutes seul et je me transforme en voleur.

Mon téléphone se met à vibrer, je me précipite dessus pour échapper aux sentiments qui m'envahissent. Un message de ma meilleure amie s'affiche.

De : Anna

9:48 am : T'es où ? Magne-toi, le discours du direcreur va bientôt commencer !

Je souris devant mon écran. Elle est toujours aussi directe. J'ai tellement eu de chance qu'elle change elle aussi de lycée. En vérité, elle a presque menacé ses parents en leur promettant mille et un enfers s'ils ne la laissait pas me suivre. On se connaît depuis notre plus jeune âge et je dois bien admettre que la situation aurait été beaucoup moins facile à affronter seul. J'ai de la chance de l'avoir dans ma vie.

Je m'empresse de lui répondre avant de jeter ma valise sous mon lit. Je me précipite dans le couloir, des surveillants patrouillent pour surveiller car l'internat reste ouvert toute la journée, je n'ai rien à craindre pour mes affaires. Je m'arrête un instant, désorienté. Si je me souviens bien, au bout du couloir il y a les toilettes et les douches communes. Très bonne idée ça, d'ailleurs. On va finir par former une grande famille unie. Ou une partouze géante. Je grimace aussitôt de dégoût, le stress me fait disjoncter. Donc, je dois tourner à droite de l'autre côté, puis descendre les escaliers.

Je sors en un rien de temps. Au moins, je n'aurai pas de difficulté à m'orienter. Je dois rejoindre le lycée maintenant. Le bâtiment de l'internat est un peu excentré du campus, celui des filles est un peu plus loin. Heureusement, beaucoup d'élèves sont arrivés et tous semblent aller dans une même direction. Probablement celle du gymnase, dans lequel se tient le discours d'accueil du directeur.

Malgré mon retard, je prends le temps de découvrir mon nouveau chez-moi. Après tout, je vais vivre ici 80 % de mon temps. Le lycée est scindé en plusieurs infrastructures ; en plus des deux internats, on retrouve la cafétéria, la bibliothèque et deux autres bâtiments abritant les classes. Le tout, bordé de pelouses. Il n'y a pas à dire, le lycée fait tout pour se doter d'une image bienpensante. Il n'est pas privé, mais de l'extérieur il n'y a aucune différence, jusqu'à l'uniforme qu'on est obligé de porter. Je baisse le regard sur mes vêtements, le vert foncé n'est pas ma couleur, et la cravate rayée me fait ressembler à un manchot coincé. Même si ce n'est peut-être pas de sa faute, en réalité.

Mon téléphone vibre à nouveau. Un second message d'Anna arrive, bien plus pressant que le premier. Il faut vraiment que je me dépêche, je n'ai pas envie de me faire remarquer le premier jour.

Je pianote une réponse rapide quand mon subconscient enregistre une masse qui s'abat sur moi. Je percute de plein fouet un mur sombre et laisse échapper un gémissement de douleur. Par réflexe, je pose mes mains sur l'obstacle devant moi pour m'écarter. Mes doigts entrent en contact avec la matière, je sursaute de stupeur. Ce n'est clairement pas un mur que j'ai percuté, pas du tout. J'ai percuté un torse. Un torse chaud et ferme.

— Oh mon dieu, je suis désolé !

La première chose que remarque quand je lève les yeux est que la cravate lui va beaucoup mieux qu'à moi, certainement parce qu'elle n'est pas nouée mais posée autour de son cou. Sa chemise est entrouverte et dévoile une peau blanche. Je louche sur les quelques poils bruns avant de relever les yeux et de croiser le regard de l'homme avec lequel je suis entré en collision. Un frisson me parcourt l'échine et je déglutis péniblement. Ses yeux sombres me fusillent du regard, un air sévère peint sur le visage. Je recule de quelques pas, en proie à un sentiment de crainte.

— Désolé, je ne regardais pas où j'allais...

Le type continue de me fixer d'un regard glaçant. Je remarque seulement que trois autres gars nous entourent. Eux, portent leur cravate correctement. Mais putain, Noah, pourquoi tu penses à ça maintenant ?

Le mec effrayant laisse tomber la cigarette qu'il était en train de fumer. Je la regarde continuer de brûler au sol.

— T'es qui, toi ?

Sa voix menaçante me secoue tout entier. Elle gronde, s'enroule autour de moi, me serre. J'ouvre la bouche, à la recherche d'air.

— Je... je suis nouveau. Je suis en première, je suis désolé je ne t'avais pas vu, je dois y aller, tu sais, je veux dire, vous savez, le discours du directeur, je ne veux pas vous déranger.

Il lève un sourcil interrogateur. Ses potes se rapprochent de moi, le sourire aux lèvres. Je me sens pris au piège. J'ose un regard en arrière, calcule le nombre de secondes que je possède devant moi pour fuir.

— Tu devrais te dépêcher.

Je hoche pathétiquement la tête.

— Dégage, alors.

Je fais deux pas en arrière, les bras le long du corps. Ils ne bougent pas. Une fois certain qu'ils ne me suivront pas, je leur tourne le dos et marche aussi vite que je peux. Mes mains sont moites, mon cœur est complètement affolé. Un point de côté me prend et j'avale une grande goulée d'air pour tenter de calmer mes nerfs. C'était quoi, ça ? Qui sont ces types ? Jamais je ne me suis senti aussi intimidé devant quelqu'un, pourtant, je ne suis pas une personne téméraire. Mais ce qu'il se dégageait de ce type... Je ne sais pas, c'est presque comme si je savais que je ne devais pas c'est comme si je m'étais trouvé en plein sur le territoire d'un prédateur. Je sais que c'est ridicule de penser ainsi, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Quand j'approche d'un virage, une envie irrépressible de me retourner surgit. Je regarde derrière moi, à l'endroit où...

Mon sang se glace. Il me regarde. Je referme instinctivement les bras autour de moi et accélère le pas. Je peux sentir ses yeux posés me suivre jusqu'à ce que le gymnase me dérobe à sa vue.

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