J-1
L'endroit ressemblait à un bunker géant. Il n'y avait aucune fenêtre, à part dans ce qui constituait les cellules des prisonniers, donnant l'envie à n'importe quel claustrophobe de s'enfuir en courant. Après, ce n'était que des grilles et un très faible rayon de lumière qui transperçait, de temps à autre, les pièces où ils étaient enfermés. C'était tout de même ironique que eux aient le droit d'avoir des semblants de fenêtres, alors que même Zach n'en avait pas une seule. Il faisait une chaleur permanente, ce genre de fournaise qui collait les vêtements à la peau et donnait envie de se glisser dans une baignoire glacée.
La psychologue se rappela du trajet en avion, où Zach avait obligé tout le monde à masquer les hublots. Juste avant le décollage, il avait récupéré les téléphones. Personne n'avait le droit d'en utiliser un, à part lui-même, toujours pour le problème de "confidentialité". Les prisonniers avaient été attachés au fond, surveillés de près par des gardiens de prison ou des gardes du corps, Erin ne le savait pas. Elle voulait envoyer des messages à Mathilde avant le départ, mais elle n'avait pu en transmettre qu'un seul pour lui expliquer qu'elle partait. Heureusement, cette dernière s'en est sortie avec des côtes fêlées et une jambe dans le plâtre avec quelques égratinures. Mais il n'empêche, Erin était sceptique. Sa secrétaire ne se rappelait de rien, juste d'être montée dans sa voiture et de l'avoir démarrée. Rien en ce qui concernait l'accident en lui-même.
Au moins, elle allait bien et elle partait en vacances sur une île avec ses parents. En parlant d'île, il était difficile de dire où ils avaient atterris. Zach avait insisté pour que chaque prisonnier et elle-même portent un bandage autour des yeux, pour ne pas savoir où ils se trouvaient. Résultat, à part un froid polaire et un souffle de vent presque aussi fort que dans son rêve, elle n'avait rien distingué de particulier. Impossible de dire où ils étaient, même si ils se trouvaient sans doute dans le nord.
À présent, Erin contemplait ce qui lui servait de chambre. Une pièce exiguë, composée d'un simple lit, d'une commode et d'un bureau. Elle se sentait déjà claustrophobe, avant qu'elle venait à peine de ranger ses affaires. Elle aurait pu le faire une semaine plus tôt, à son arrivée, mais elle n'avait pas eu le courage. Elle s'efforça d'inspirer et se souvint que Zach tenait à leur faire un dernier discours pour rappeler les règles et s'assurer du bon déroulement de l'expérience.
Ce fut avec résignation que la psychologue quitta la pièce pour rejoindre la "salle de réunion". Il s'agissait juste d'une pièce avec deux canapés usés et une misérable petite table au centre. Seul Zach s'était confortablement installé, jambes croisés et mains sur ceux-ci. Les matons (Erin ne voyait pas comment les appeler autrement) étaient restés debout, le dos droit, comme au garde-à-vous. Si elle avait pu s'installer, elle se sentait trop nerveuse pour le faire, et se contenta de se planter à côté d'eux, les bras croisés.
- Bien, commença le jeune homme en les détaillant un à un. Nous y sommes. Je ne vais pas faire un discours interminable sur le fait que nous réalisons une grande expérience, mais je vais simplement rappeler le déroulé et les règles. Comme vous le savez, Mme Filery a procédé à une analyse psychologique de chaque candidat.
Oh, oui. Elle se souvient encore des injures, des marmonnements et des silences. Sans parler des menaces de morts et des insultes incroyablement inventifs, composés de noms d'oiseaux et de gros mots. De sacrés phénomènes. Pour l'argent. Je suis ici pour l'argent, et rien d'autre. Bientôt, ce sera déjà fini. Elle s'efforça de se concentrer sur le discours du sociologue, inhabituellement sérieux, et qui l'endormait déjà.
- Chaque semaine, Mme Filery va procéder à une analyse psychologique de l'état mental des patients. Comme vous le savez, les abus physiques sont interdits, de même que de leur parler, à part pour leur donner des ordres. Vous n'avez pas le droit de sortir d'ici, la nourriture nous est livrée, je m'occupe de tout. Tout contact avec l'extérieur est à exclure également. À la fin de l'expérience et quoi qu'il arrive, vous avez l'interdiction formelle de parler de ce qui s'est passé ici. Compris ?
Ce n'était pas tant les interdictions énoncées qui lui faisaient peur, mais bien celles non dites. Pas le droit aux abus physiques, mais Zach n'avait rien dit sur les abus mentaux. Elle fronça les sourcils et se força à respirer. Tout irait bien.
Le jeune homme leur fit déjà signe de partir. Alors que Erin allait rejoindre sa "chambre", le sociologue la rappela. Il attendit que tous partirent pour reprendre la parole et sourire.
- Vous devriez vous asseoir.
- Je suis très bien debout.
- Je ne serai pas long. Je voulais juste vous demander comment vous allez.
- Vous vous inquiétez pour moi, maintenant ?
- Votre état mental à vous est bien plus important que le reste. Sans bonne santé, vous ne pouvez pas travailler.
- Vous ne m'apprenez rien.
- Je veux que vous preniez conscience que aucune aide ne pourra vous être fournis si vous n'allez pas bien.
- C'est un peu tard pour me le dire, non ?
- Je tenais juste à ce que nous soyons sur la même longueur d'onde. Sur-ce... Que l'expérience commence.
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