Jordan Twist (12)
Jeudi 25 février, 6h passées.
Je suis réveillé à six heures trente par Martin, ce connard, qui frappe sur la porte avant d'entrer et de me hurler de me lever. Je me sens dans le flou ; j'ai bien dormi pour une fois. À l'envers, apparemment. Il avait raison, je l'ai pas entendu partir...
Je cligne des yeux pour me réorienter.
- Encore en vie Dan ? me crache Martin, et je le fusille du regard.
- C'est ballot hein, je siffle, mauvais. Je vais encore te faire chier un moment, chef, je grince.
Il me jette un dernier regard hargneux, puis il file en coup de vent, aussi loin de moi que possible. Je me tends et me tourne à mon bureau. Là j'y vois le mot laissé par Narcis avec l'ajout à la peinture qui me fait sourire bêtement. Il est tellement bon, Narcis. Les courbes de ses lettres sont régulières, grosses et belles. Il a une écriture soignée, au pinceau. Comme au stylo.
Je caresse les lettres en les observant. J'ai encore envie de pleurer. Je deviens un putain de faible. Je repose son mot doucement et le défroisse en passant ma main dessus plusieurs fois, puis je me prépare à prendre ma douche. Là bas, on se fait pas trop agresser tant qu'on la prend le matin parce qu'à cette heure en général les gardiens sont là pour nous mater.
D'ailleurs, un mec vient taper à la porte de ma cellule pour m'avertir que c'est l'heure. Alors comme un automate, je prends mes affaires, puis je sors. J'arrive en salle de douches et j'y vois le nouveau jouet de Beckett, Casta. Il a l'air mal à l'aise. Il se tortille devant les cabines.
- Ça va ? je lui demande. Tu vas t'y faire. Tu viens d'arriver hein ?
Il me lance un regard mauvais, d'abord. Puis il doit hésiter sur le sens de mes paroles, alors il hoche la tête.
- T'as fait quoi pour être là ? je demande en actionnant la douche.
- Ils disent que j'ai tué un gosse. Mais, c'était un accident, il plaide en baissant un peu son pantalon à mes côtés.
- Pourquoi ?
- Il est tombé, c'était pas moi ! Il s'est juste, c'est juste sa tête qui est tombée sur le coin !
- Pourquoi t'as été jugé comme un meurtrier alors ? je demande en prenant un peu de savon. Ils avaient des preuves ?
- J'ai pas d'argent. Baby-sitter, il est mort, il y a pas de bon avocat. Ça a été vite expédié, il grogne et maintenant il est à poil.
- Il avait quel âge ?
- Cinq.
Il se retourne et je peux voir des bleus légèrement apparents sur le bas de ses reins, ses hanches et ses fesses.
Je connais bien ça, j'ai les mêmes ; ils se voient juste plus à cause de Boï qui a massacré le reste de mon corps.
- Il est tombé tout seul à cinq ans, je dis, songeur.
Je sais pas trop si je dois le croire. On les pousse vite les gosses quand ils sont chiants.
- Ouais. Tout seul, il murmure en se savonnant. Toi aussi, alors ? Avec Beckett ? T'es homo ?
- Ouais. Et non. Beckett laisse pas vraiment le choix, je souffle en lavant mes cheveux.
- Je sais.
- Et toi ?
- Homo jusqu'au bout des ongles, il se marre en rallumant son eau.
- Et du coup avec Beckett..?
J'hésite. Comment ça se passe quand on aime ça ?
- Ouais. C'est, c'est pas vraiment agréable mais, tu vois. C'est pas vraiment nouveau.
- Ça t'est déjà arrivé avant ? Qu'on te force ?
- La brutalité. Pas, pas être forcé.
Sa douche s'éteint et la serviette glisse sur lui. On a pris les deux cabines un peu à l'écart, histoire de parler, alors on entend juste les bruits de fond des autres détenus.
- T'aimes la brutalité ?
Il hausse les épaules.
- J'étais avec un mec qui aimait ca.
- Genre un truc de sado maso ?
- Nan. Juste, comme Beckett. Ouais, ok, avec des jouets aussi.
Il lève les yeux au ciel.
- Mais le doux c'est super aussi.
- Alors Beckett tu prends du... Plaisir ?
- Ben, pas vraiment, non, il souffle en passant son caleçon. Mais j'ai l'habitude, tu vois.
- Je vois pas trop. J'arrive pas à me faire à ça.
Il hausse encore les épaules en finissant de s'habiller.
- C'est peut-être un truc d'homo, je soupire.
Je remets aussi mes vêtements. Casta me tourne un regard en coin.
- Quoi ?
- Réussir à aimer ça.
- Quoi ça ? J'aime pas me faire prendre sans mon autorisation, il siffle.
- Mais t'as dit que tu t'y faisais.
- Laisse tomber, il soupire, puis il s'en va.
Je le regarde partir sans comprendre. Je comprends rien aux homos. Je me ferai jamais à avoir un truc ici moi.
C'est sur ces pensées que je reprends ma journée, en commençant par retourner poser mes affaires en cellule.
Je pars ensuite au boulot et je discute un peu avec Wilson. Personne sait pour Narcis. Même pas lui. C'est mon secret. Je vais voir Dragibus un moment ; mon petit lapin noir. Je réfléchis alors que je le caresse distraitement et je me surprends même à lui parler, par télépathie. Je lui raconte mes soirées. Mes belles soirées. À lui je peux me confier. Je peux lui dire comme j'ai été surpris d'avoir un contact physique... Tendre ? Et d'aimer ça. C'était vraiment bien. Je voudrais que ça arrive encore. Je sais pas si j'oserai lui demander.
Pile quand je me dis ça, Dragibus se blottit un peu plus.
Je voudrais être lui. Et que Narcis soit moi. Il est doux. Il prend soin de moi. En plus, il a même pas bronché quand je l'ai appelé par son prénom. Avec les autres, même pas la peine d'y penser. J'y avais pas réfléchi jusqu'ici. Et je voudrais le prononcer encore. Il est doux sous ma langue. Narcis.
Tout à mes réflexions, je reste au moins deux heures dans l'enclos, au point que j'entends un gardien crier mon nom avec une voix tendue. Il a dû croire que je m'étais évadé. Tant mieux, qu'il flippe. Je m'en prends une belle quand je passe devant lui, tout sourire. Mais je m'en fous. Et j'ai faim, aussi.
J'arrive au repas du midi et tout le reste de la journée se passe comme ça. Je passe ma pause d'après-midi à me morfondre en attendant ce soir, réfléchissant au petit mot que m'a laissé Narcis. Il a des yeux magnifiques, couleur des arbres. Son visage, aussi. J'aime sa petite fossette.
Après avoir mangé je regarde l'heure. Dix-sept heures trente. Plus que cinq... Je passe dans ma cellule, me recroqueville dans un coin et reprends mon livre. À côté de moi je garde le dessin que j'ai fait de Narcis. Je le regarde parfois. Et j'ai l'impression qu'il me regarde aussi. À certains moments, je jette tant de coups d'œil que je comprends même plus la phrase que je lis pour la cinquième fois.
Finalement je m'endors par terre dans mon coin en pensant à lui, le dessin contre mon cœur. J'ai l'impression qu'il est un peu là.
Quand je me réveille, c'est en plein milieu du temps libre. Les couloirs sont bruyants, les gardes tapent aux portes pour savoir si ça va. Martin entre dans ma cellule sans frapper - connard - et me demande si je suis toujours vivant. Je lui fais un doigt d'honneur bien senti.
Il me siffle une injure et repart, en me traitant encore de con. Abruti. Il devrait crever aussi celui-là.
Je vois qu'il est déjà 21h, ils vont pas tarder à nous boucler, ils ont un peu de retard. Beckett est pas passé ; tant mieux. J'ai une petite pensée pour Casta, mais je la chasse vite et me reconcentre sur mon livre.
Quand je m'endorms, il tombe de mes genoux et une page est un peu cornée maintenant. Je la lisse en réfléchissant. Le temps a jamais été aussi long. Merde, il sera pas là une semaine après. Comment je vais gérer ça ?
Je lis encore un peu ; j'aime beaucoup l'histoire qui parle d'un jeune prince qui s'est enfui de sa famille à une époque lointaine. Ça me téléporterait presque dans leur monde, le temps de quelques minutes. J'ai toujours aimé ce genre d'histoire, celles du passé, qui t'immergent complètement.
Finalement je relève les yeux sur l'horloge, il est vingt-deux heures. Je reste assis par terre devant elle en serrant mon dessin, regardant les minutes qui s'égrènent. Et elles passent, encore et encore. J'ai l'impression que ça dure une éternité. Pourtant, que six tours sont passés depuis que j'ai relevé le regard. Alors je me plais à l'imaginer. Je le vois arriver, passer les grandes portes. Dire bonjour à ses collègues - saleté de Julien c'est sûrement à cause de lui qu'il vient pas vite me voir. Puis il enfile son par-dessus noir de la prison, il s'informe sur ce qu'il s'est passé dans la journée. Il entendra rien sur moi aujourd'hui. Je suis resté sage.
Je tapote mes cuisses et puis je me relève, j'époussette mon bureau, je remets mon crayon bien droit. Il doit être en train de discuter encore. Je fais mon lit, je range mon livre, je déplisse encore mon dessin qui est tout froissé parce que j'ai dormi dessus, et son petit mot que je garde bien comme il faut. je suis à toi. N. je relis encore ces mots, passant les doigts dessus. Il est peut-être avec Walter ?
Après encore quelques cinq minutes, je me demande ce qu'il fait. Il en met un temps !
Et là de mes réflexions, un papier blanc glisse sous ma porte, face cachée. Je le ramasse.
Je suis (presque) là. N.
Je souris comme un idiot. Il est venu me prévenir. Je sais qu'il est là. Juste de l'autre côté de ma porte verrouillée...
Un deuxième mot file dans l'interstice. Je le ramasse en me précipitant et me colle presque à la porte. Je ris quand je le lis.
Je vais voir Clinton et Foster. À tout à l'heure. N.
Encore un moment. D'un côté je suis jaloux qu'il les fasse passer avant moi. Surtout ce con de Clinton qui mérite pas qu'un mec comme Narcis s'intéresse à lui. En même temps je sais qu'il est comme ça avec tout le monde et que moi non plus, j'le mérite pas... Je me mords la langue. Arrête tes conneries Dan. T'es pas spécial. Mais une partie de moi peut pas s'empêcher de se dire qu'il voit tout le monde avant pour avoir plus de temps pour moi ensuite...
Et c'est sur cette pensée rassurante que je retourne à mon bureau, prends un crayon en faisant attention de rien déranger de plus, puis commence un nouveau mandala. J'y mets surtout du vert et du marron. Un peu de bleu. Couleur forêt.
J'aime la forêt.
Je rajoute ensuite des petites arabesques noires qui partent du centre pour la périphérie. Je regarde l'heure. Il a laissé le dernier message y a une demi-heure. Je serre les poings.
Je souffle lentement pour me calmer, puis je reprends mon crayon avec fermeté pour rajouter des détails. J'ai peur de le briser ; il m'en reste presque plus. Il vient pas. Je commence à me tenir la tête. Il a peut-être changé d'avis. Ou je passe vraiment en dernier. Il a pas envie de me voir. Il m'évite. J'en peux plus de cette attente. Je vais aller dans mon lit. J'hésite. Si je dors, le temps passera plus vite ? Je m'installe. Je regarde l'heure. Encore. Vingt-trois heures trente. Une heure et demi qu'il est là et je l'ai toujours pas vu. Je ferme les yeux. Et c'est impossible de m'endormir maintenant.
Je me retourne plusieurs fois dans mon lit jusqu'à me rasseoir. Je me relève. Je refais mes draps. Je me mets en tailleurs et décide de m'exercer à la méditation ; comme me l'a appris mon psy. Je pose mes mains sur mes cuisses et ferme les yeux. Dos bien droit, j'essaye d'évacuer tout ce qu'il y a dans mon esprit. Ce qui se résume assez bien à Narcis. Sauf que j'ai pas envie de l'en chasser.
Je repense à ça. Pourquoi j'ai pas envie ? Pourquoi je veux le garder à l'esprit ? Pourquoi il est si attentionné et pourquoi j'aime son attention ? Des psys j'en ai eu pleins ; je le connais lui depuis quelques semaines et pourtant ouais, c'est pas comme un psy. Il me traite pas comme un psy. Il m'écoute comme... Quelqu'un qui s'intéresse à moi... Pour ce que je suis ? Pourquoi il ferait ça ? Qu'est-ce qu'il a à y gagner ? Ma tête va finir par me faire mal, tant je réfléchis.
Je me laisse tomber sur le dos par terre, attendant toujours. Bientôt minuit. Bientôt minuit, et des petits tapotements sur ma porte. Tout faibles, juste comme ceux d'une autre nuit.
Je rouvre les yeux en regardant la porte, tête à l'envers. Je me redresse d'un coup et ouvre ma partie pour aller plus vite ; je sais qu'il a déverrouillé de l'extérieur.
Et le battant s'ouvre, laissant voir la tête du policier, son visage souriant, puis son corps en uniforme. Je me recule dans la cellule, faisant un pas en arrière. Je peux pas m'empêcher de bouder. Son sourcil se lève, il perd son sourire et ses bras se croisent. Je me réavance d'un coup et ferme la porte et je lui tiens tête, mon visage à quelques centimètres du sien, mes sourcils froncés, même si je suis plus petit que lui.
- Pourquoi t'as fait si long ? je siffle.
- J'ai du travail.
- Je fais partie de ton travail, je réponds en le poussant un peu.
Il fait un pas en arrière pour se rattraper.
- Et je suis là maintenant. Mais y'a pas que toi.
- Ouais j'ai remarqué.
Je me détourne et j'arpente ma chambre.
Lui il bouge pas, presque acculé à la porte, il me regarde seulement les bras croisés. Je reviens à la charge, toujours énervé. Je me rapproche jusqu'à le toucher.
- Occupe-toi de moi maintenant.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Je sais pas.
Je baisse les yeux, gêné. Je comprends pas pourquoi je suis gêné.
- Fais comme hier, je demande timidement.
- Comme hier ?
- Tu m'as... Tu m'as touché, tu sais. C'était bien.
Je piétine sur place. J'entends plus que je ne vois ses bras se décroiser, puis sa main atterrit en douceur sur le bas de mes reins, et la deuxième sur ma hanche.
Je ressens de la chaleur dans mon ventre, ça me rappelle des trucs que j'ai déjà ressentis dans une autre vie.
- Tu fais ça aussi pour les autres, chef ? je murmure, regardant au sol ; je suis trop gêné pour le regarder.
- Non, il souffle, et ses mains remontent jusqu'en haut de mon dos pour ne plus en bouger.
Je m'approche encore jusqu'à reposer contre lui. C'est tellement rassurant. Mon cœur se serre. J'entends seulement le bruit de sa respiration contre mon oreille ; rien d'autre. Elle est un peu plus rapide que d'habitude.
- Alors, ta journée ? il finit par dire.
- Calme. J'ai été sage aujourd'hui, je réponds contre son uniforme.
- C'est bien. Tant mieux. Boï a toujours sa tête alors ?
- Ouais, je grommelle.
- Ok. Bien.
Quand il hoche la tête, son menton vient taper légèrement contre mon crâne.
- Et toi ?
- Je me suis reposé.
- Chez toi… je souffle.
J'aimerais savoir comment c'est chez lui. Ça arrivera jamais.
- Ouais. Dans mon canapé devant des dessins animés. J'ai pensé à toi. On dort vachement mieux sur un canapé qu'en loge des gardiens sur le fauteuil. Même si ça vaut pas un lit, il réfléchit à voix haute.
- T'as pensé à moi, je répète avec un sourire niais qu'il peut pas voir ; il le sent peut-être dans ma voix.
Il a pensé à moi.
- Tu m'as dit que t'aimais les dessins animés.
- Ouais. J'aime bien.
Je souris contre son cou. Il a la peau douce et il sent l'après-rasage. Après un moment à juste apprécier le silence, il reprend.
- Alors… T'as besoin de câlins ?
- Je sais pas. J'en ai pas vraiment eu depuis dix ans.
- Ok.
Son pouce se remet à bouger sur mes omoplates, et je soulève un peu les épaules par réflexe.
- C'est agréable. Mieux que le sexe, je ris un peu, et je rougis quand je me rends compte de ce que je viens de dire.
Quel con.
- Tant mieux.
Son deuxième pouce vient rejoindre le premier dans la danse, et je frissonne. Je relève les yeux sur lui pour l'observer. Ses yeux brun-verts. Ses yeux forêt. Quand il voit que je le regarde, ils se closent et il appuie sa tête sur la porte, à l'arrière.
- Je suis masseur aussi, il souffle dans un sourire.
Comme il a les yeux fermés je me permets de mieux l'observer. Je lève mon doigt et je retrace son nez que je connais par cœur à force de le dessiner. Je descends sur ses lèvres - j'ai encore du mal à leur trouver une forme au crayon à elles. Faudra que je les observe de plus près. Mon doigt arrive à son menton et sa mâchoire. Il est harmonieux. Il a un beau visage. Et il commence à grogner sous mon toucher, les lèvres retroussées.
- Quoi ? je murmure avec un léger rire.
- Qu'est-ce que tu fais ? l'un de ses yeux s'ouvre pour se poser sur moi, interrogateur.
- Je te dessine dans ma tête.
Il hoche la sienne et referme les paupières. Ses mains retombent le long de son corps. Je fronce les sourcils.
- T'es beau. T'as un visage symétrique, je dis en refaisant un sourcil.
J'ai du mal avec eux aussi. Je trouve toujours pas la bonne expression.
- Merci.
Il fait exprès de changer les expressions de son visage et de contracter son front sous mes doigts.
- Arrête, je ris en essayant de retenir ses sourcils des deux mains.
Mais il les bouge trop rapidement, il les rapproche, les lève et les éloigne, et j'ai pas le temps de les tenir immobiles.
J'appuie dessus en les caressant, ça lui fait une de ces têtes. Je me marre en essayant encore, j'entoure son visage de mes mains pour qu'il arrête de bouger et mes pouces repassent encore dessus. À partir de ce moment, il se fige et contracte tout son visage. Ses lèvres sont rassemblées au milieu, son nez froncé, ses joues remontées et son front plissé.
- Ça y est, t'as perdu toute ta beauté, je lui murmure, taquin.
Il hoche sa tête dans un tout petit mouvement sans décontracter ses traits.
- Arrête ! Fais pas ça ! je ris en sautillant, essayant de déplisser son visage.
Il fait comme s'il me laissait rendre lisse un endroit, mais dès que je passe au suivant, il change son expression à nouveau.
- Narcis ! je siffle en me concentrant, appuyant sur ses joues.
Bien sûr, il les gonfle. Son visage s'est relâché mais il a les joues pleines d'air, et ça le fait ressembler à un rongeur. Je les tape d'un coup de mes deux mains, fasciné ; et je me reçois tout l'air dans la figure, ce qui me fait écarquiller les yeux. Lui il se marre bien.
- Idiot, je grogne en lui donnant un petit coup de poing.
- C'est toi qui m'as tout fait recracher ! il se défend.
- Je pensais pas que ça ferait ça.
Je tends la bouche dans une mine boudeuse.
- Et tu pensais que ça ferait quoi, idiot ?
Il me pousse doucement, un sourire au coin des lèvres.
- Je pensais que tu ravalerais ton air ? J'en sais rien, j'ai pas réfléchi, ça m'a donné envie...
Il lève les yeux au ciel et ça le fait marrer. Je le vois se déplacer dans ma cellule, ensuite. Je le suis des yeux, curieux.
- Tu veux que je te fasse visiter ? je m'appuie contre la porte.
- Si tu veux, ouais.
- Là, c'est mon bureau.
Je tends la main.
- Ici mon lit. Là mon armoire. Ici les toilettes.
Je montre la porte à côté.
- Voilà. Tu connais par cœur mon immense maison maintenant.
Il hoche la tête en observant tout autour de lui.
- Ça te plaît ? Tu veux emménager ? Je te préviens, j'ai pas beaucoup de place dans l'armoire. Ni dans le lit.
- J'ai qu'une tenue ici, il se marre en attrapant la chaise, et il s'assoit dessus, face au matelas et à la porte.
- Je devrais trouver la place pour une tenue.
Je m'assois en face de lui sur le matelas.
- Mais faudra dormir à poil.
Il rigole encore en m'observant. Je sais pas à quoi il pense. Je penche la tête de côté avec un petit sourire.
- Pourquoi tu me dévisages ? T'admires mon maquillage façon femme battue ?
- T'as mis de la crème, dessus ?
- Ouais, hier.
- C'est con, de t'être pris ces coups. Ton œil est tout bleu maintenant. Mais au moins il a dégonflé.
- J'ai presque une gueule normale, je souris, espiègle. Je parie que je tiens jusqu'à ton retour !
- Mh ? Que tu tiens quoi ?
- Sans avoir de nouveaux bleus sur la gueule.
Je m'allonge sur le dos, les jambes toujours au sol.
- Ok. Tu paries quoi ?
- Si je tiens tu viens me voir au moins une heure chaque jour de la semaine d'après.
- Et sinon ?
- C'est toi qui choisis le sinon.
Il secoue la tête.
- T'as eu l'idée du pari. Tu choisis.
- Ça marche pas comme ça, je croise les bras. Chacun propose un truc à son avantage dans un pari.
- Alors commence à chercher un truc à mon avantage, il fait avec effronterie.
- Qui te dit que ce sera pas aussi au mien ?
Il hausse les épaules et reporte à nouveau son regard sur les murs de la cellule.
- Si je perds et que je me fais casser la gueule entre temps, je t'offre ce que tu veux de moi, je hausse les épaules.
- J'ai dit que tu choisissais. T'essayes de m'embobiner en disant ce que tu veux.
- T'aimes les garçons ? (Il hausse un sourcil, le regard dans le mien). Quoi ? Ça je peux te donner.
- De quoi tu parles ?
- De sexe, je hausse les épaules. De toute façon je me ferai pas tabasser d'ici là.
Une seconde après, il est parti, et la porte de ma cellule a claqué.
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