Jordan Twist (20)
Lundi 7 mars, six heures et demi.
Il est six heures trente, je sais qu'on va venir me réveiller, même si je dors pas. Je me demande si ce sera lui ou pas. Je me suis promis de plus lui parler.
Pile quand je commence à être impatient, j'entends des coups sur la porte de Walter, puis sur la mienne, et c'est sa voix... J'entends qu'il déverrouille sa partie.
Je me redresse et mon coeur s'emballe. Je l'ai pas vu depuis une semaine. J'ai envie de le voir... Je sais qu'il va entrer - il est obligé le matin. Et effectivement, son visage passe par l'entrebâillement de la porte, puis son corps, et il referme avec un beau sourire. Je baisse aussitôt les yeux. Si je le regarde, je vais craquer.
- Comment tu vas ? il me demande avec gentillesse en approchant jusqu'à mon lit.
Je secoue la tête et lui tourne le dos.
- Jordan ?
Sa voix a changé d'intonation, j'entends de l'appréhension maintenant.
- Il s'est passé quelque chose ?
Sa main se pose doucement sur mon épaule, et je tressaille. Me touche pas, je tiendrai jamais... Je secoue la tête. Je sais pas si je vais réussir à parler.
- Alors... t'es pas content que je revienne ? il hésite.
Je l'entends s'éloigner. Je dis rien et garde la tête baissée. Pars, pars vite.
- Jordan ? Je, je pensais que tu serais heureux de me revoir. Tu l'attendais, non ?
Je suis sûr qu'il plisse les sourcils. Sa voix a encore changé, il y a un mélange de déception et quelque chose qui ressemble à une intonation désemparée. Je serre fort mes lèvres. J'ai envie de me retourner et de l'embrasser et qu'il me caresse encore. C'est trop dangereux.
- Je comprends pas.
Cette fois, il est énervé.
- Tu sais quoi, je vais juste partir. Et quand tu seras décidé à me parler à nouveau, t'as qu'à le faire savoir.
Ouais. C'est mieux. Je vais craquer. J'ai besoin de ses bras. Je peux pas. J'ai tellement envie de le regarder. Je veux pas voir son air déçu. Je sais plus quoi faire, je me prostre sur moi-même. Le regarde pas, le regarde pas... Je lâche un sanglot étouffé. Idiot. La poignée de la porte s'abaisse brusquement, mais rien d'autre. Il soupire.
- M'oblige pas à partir. J'en ai pas envie. Regarde-moi... il implore, et je sens dans sa voix que c'est son dernier essai.
Je peux pas. Je peux pas mais je peux pas non plus le laisser. Pas sans explication. Je suis faible. Je relève les yeux sur lui. J'ai jamais vu cette expression chez lui. Aussitôt ça enclenche mes larmes. C'était pas prévu…
Il relâche la porte presque en même temps que ma première larme tombe sur le matelas. Son torse se presse dans mon dos, il dit rien, la tête posée sur mon épaule, assis derrière moi. Je me laisse aller contre lui et je commence à pleurer non stop, j'arrive plus à m'arrêter.
- Dis-moi... il me répète sans cesse en essuyant mes larmes à chaque nouvelle vague.
- C'est Boï… je hoquette.
Je devrais pas lui en parler.
- Oui ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Il se relève en parlant, se met face à moi et pose ses mains sur mes épaules. Lentement, il me fait me coucher sur le matelas, et son corps arrive à côté du mien, sur le flanc, la jambe contre la mienne. Je secoue la tête, j'y arriverai pas. Je me réfugie entre ses bras, c'est tellement bon d'y être.
- Je suis désolé…
- Tu lui as fait mal ? il chuchote à mon oreille en câlinant mon dos.
- Non.
Je l'entoure aussi de mes bras. J'ai besoin de le sentir contre moi.
- Je t'ai dit qu'il manipule les gens…
- Dis-moi ce qu'il t'a fait, il me chuchote en vrillant lentement pour s'allonger sur le dos.
- Rien. Je veux dire…
Je renifle.
- Je t'ai dit que si... que tu devais pas avoir de faiblesse. J'ai pas pensé que... t'es ma faiblesse. Je suis désolé. C'est ma faute...
Ses caresses se font plus tendres encore.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Il a remarqué. Surtout depuis que je l'ai frappé quand il t'a insulté.
- Et alors ? Il te fait du chantage ?
- Ouais.
Narcis se tend un peu.
- Quoi ? Tu as dit oui ? il demande en câlinant mes reins.
- J'ai pas le choix. Il a dit qu'il avait des contacts. Il a dit qu'il te pourrirait la vie. Je lui ai dit que je m'en fichais et qu'il s'imaginait des choses…
- Mais il t'a pas cru. Et alors ? Qu'est-ce que tu dois faire pour lui ?
Je hausse les épaules.
- Ce qu'il veut. Mais j'ai pas encore accepté. Je veux qu'il pense que ça a rien à voir avec toi, ou même que je te déteste.
Il hoche la tête.
- C'est pour ça que tu agis comme un con avec moi ?
- J'ai pensé que si tu croyais que je te détestais ce serait plus facile.
- Idiot, il soupire en plantant son doigt dans mes reins. Mieux vaut que je sois au courant.
- J'avais peur que tu regardes Boï d'une façon qui lui ferait comprendre que je t'ai parlé...
Il grogne seulement contre moi, la main sur ma hanche. Il dit plus rien, la tête qui repose sur mon matelas.
- Je suis désolé Narcis. C'est ma faute.
- T'as rien fait. J'en parlerai à Julien. Y a rien de grave pour l'instant, il murmure en bougeant seulement ses lèvres.
- Non ! je m'écrie. Parles-en à personne ! S'il te plaît ! Il a des contacts, c'est pas des menaces en l'air, il connait des gens dehors !
- Et moi je faisais partie de la police, il ricane en braquant ses yeux sur moi. J'en parlerai à Julien pour savoir quoi faire dans ce genre de situations.
- Tu lui diras quoi ? Tu lui diras pour nous ?
Je rougis d'un coup. C'est pas les bons mots. On est rien nous.
- Je, je veux dire, je commence à bégayer, tu leur diras qu'on est devenus, proches ?
Un sourire se plaque sur ses lèvres, ses mains viennent se poser sur mon crâne et ma joue, puis il embrasse doucement la seconde.
- T'inquiète pas pour ça.
- Je m'inquiète. Il sait tout. Y a des agents corrompus Narcis.
- Peut-être que j'en suis un... il murmure à mon oreille avant de laisser une petite traînée de baisers sur ma mâchoire.
Je gémis et passe la main sur ma bouche, surpris.
- Narcis… je murmure en me penchant.
Je veux ses lèvres.
- Mh…
Il sourit contre mon oreille. Je cherche sa bouche, embrassant ses joues.
- Qu'est-ce que tu fais ? Tu m'embrasses ? il rit en tournant totalement la tête de l'autre côté. Je croyais que t'avais pas le droit ?
- S'il te plaît… je gémis à son oreille.
Ses pouces câlinent lentement mes hanches, avec douceur et tendresse.
- Quoi ? il rigole encore, et je me cambre à son contact.
- Embrasse-moi, je couine.
Il dépose un baiser sur mon épaule, sourit de toutes ses dents puis tourne à nouveau la tête pour se mettre hors de portée.
- Pour de vrai ! S'il te plaît…
J'embrasse son cou lentement.
Il prend une grande inspiration et je le vois sourire. J'ai l'impression qu'il tend un peu plus le cou. Je me souviens de l'effet que ça lui a fait quand j'ai tiré sur le lobe de son oreille alors je l'embrasse longuement jusque là, sans recevoir de protestation ou d'interdit. Je passe mes dents ici, puis très doucement je la tire à moi. Ses doigts se referment tout de suite sur mes hanches et il souffle lentement.
J'admire comme il change aussitôt d'attitude, et je continue, passant ma langue dessus. Un léger grondement monte dans sa gorge. Ses doigts se fraient un passage sur ma taille lentement, ça fait se relever mon tee-shirt.
Je me cambre contre lui, je trace des baisers le long de sa mâchoire. Son souffle s'accélère juste un peu, son torse me soulève légèrement. Ses doigts se sont accrochés à ma peau, aussi. Juste à la limite de mon pantalon.
J'ondule du bassin en l'embrassant jusqu'au menton et je remonte par de petits baisers. Finalement, sa main vient attraper mes cheveux et il tire ma tête en arrière pour lui permettre de retourner son visage vers le mien. Je regarde ses deux yeux, ses yeux forêt, je les sonde, essayant de m'approcher.
- Pourquoi tu as envie de m'embrasser, Jordan ? Parce que tu m'aimes bien ? il me murmure sans relâcher sa prise sur mes cheveux.
Sa main remonte mon dos, sous mon habit. Je me cambre encore, mon torse contre le sien.
- Parce que c'est... c'est comme ça, j'en ai besoin... Je dois…
Je tire un peu sur sa prise, sans y arriver. Il soupire et ses doigts continuent de me caresser, en descendant jusqu'à passer sa première phalange sous mon pantalon - qui remonte assez haut.
- Est-ce que c'est parce que c'est moi ou parce que je te porte de l'attention ? il murmure en me regardant intensément.
- C'est parce que c'est toi... Je hais tous les autres Narcis. Que toi...
Il soupire encore, puis, lentement, il lâche mes cheveux, les yeux fermés, sans plus bouger. Alors je l'observe un instant, puis je m'avance lentement, hésitant, jusqu'à poser mes lèvres sur les siennes. D'abord, il bouge pas contre moi. Son pouce caresse seulement mes reins.
Je ressens la chaleur dans tout mon corps, ça me dévore, ça fait des mois que j'ai pas ressenti ça. Le désir. Je bouge mes lèvres contre les siennes, et je laisse ma langue franchir le barrage, j'hésite, je le caresse doucement. C'est encore plus doux que dans mes rêves.
Narcis se montre alors tout de suite docile. Il continue de me rassurer en me câlinant, la bouche ouverte pour me laisser le champ libre.
Je gémis, pris par le plaisir et l'envie. Depuis le temps que je le voulais... C'est tellement mieux que tout ce que j'imaginais... Ses lèvres prennent la mienne lentement, il la suçote. Je donne des coups de bassin, j'en voudrais plus, tellement plus... Je l'embrasse encore, plus fort maintenant que je sais qu'il m'accepte, je prends ses lèvres avec passion, mes mains sur ses épaules, son cou, dans ses cheveux...
Soudain, ses mains se bloquent sur mes hanches pour m'interdire de bouger.
- Fais pas ça, il grogne en embrassant la peau sous mon oreille.
- Quoi ? Pourquoi ?
Je lèche ses lèvres et ça le fait gémir, il reprend ma bouche avec envie.
Je passe ma main sous son uniforme quand quelqu'un frappe à la porte avec insistance.
- Twist, petit-dej !
C'est Guillaume. Narcis rit sous moi et me fait basculer avec force sur le matelas pour se retrouver à califourchon sur mon bassin.
- Je suis avec lui, il arrive ! il dit fort avant de venir embrasser ma mâchoire sensuellement.
Je retiens un nouveau son, mes mains sur ses hanches. Je regrette que ce soit presque fini. On entend un soupir de l'autre côté et les pas s'éloignent.
- Alors... excité, hein ? susurre mon policier à mon oreille, la main dans mes cheveux.
- Oui, je réponds, les lèvres entrouvertes, frottant ma tête contre sa main.
Son rire glisse dans la pièce.
- On fera d'autres trucs un jour ? je demande. Je, j'y connais rien en homme à part sucer et le sexe mais ça c'est trop douloureux et je veux pas de toute façon mais... le reste...
Il me regarde attentivement avec des grands yeux et un petit sourire.
- Ouais ? Tu voudrais quoi, au juste ?
- Que tu me montres... ce que c'est. Ce que c'est pour de vrai parce que je crois pas que mes expériences...
Il me coupe en hochant la tête.
- Tes expériences sont nulles, il me confie.
- Ouais. J'aurais jamais cru que ça me donnerait envie de réessayer…
Je remonte les mains sur ses hanches sous son uniforme. Sa peau est chaude et ferme sous mes doigts. Il rit, les yeux dans les miens. Je remonte le long de son corps, j'aimerais voir comment il est, nu. J'aimerais savoir. Ce que je sens me plait déjà beaucoup.
- Il faut que t'ailles déjeuner, me murmure mon policier.
- C'est toi mon déjeuner...
Il secoue vivement la tête avec un sourire coquin, puis se redresse en position assise.
- Reviens pas me voir aujourd'hui, je dis plus sérieusement. Je... Je veux pas qu'il sache…
- T'inquiète pas pour ça. Je saurai quoi faire.
- Fais rien qui puisse empirer les choses, d'accord ?
- J'ai pas le droit de t'embrasser au repas ? il rigole.
Je me redresse aussi sous lui.
- Et lui adresse pas la parole. Lui laisse pas croire une seconde que t'es au courant.
J'embrasse encore sa mâchoire.
- Ok, il me souffle en essayant de se relever.
J'attrape son cou et reprends ses lèvres, ma langue cherchant aussitôt la sienne. Ses mains prennent mon visage en coupe à son tour et il m'embrasse de la même manière, souriant.
Mes mains descendent sur ses cuisses et les serrent fort. Je suis tellement heureux d'avoir le droit à un peu de bonheur au dernier moment...
- Exigeant, il sourit contre ma bouche sans s'éloigner.
- On dirait, je réponds en léchant encore ses lèvres.
Si douces.
- Alors, jamais de mec, mh ?
- Jamais de mon plein gré.
Il se redresse à nouveau, les mains sur mon torse.
- Mais qui t'ont plu ?
- Jamais.
- Et je te plais, hein ? il a l'air de douter d'un coup.
- Je t'aurais pas... J'aurais pas fait ça sinon, je fronce les sourcils. Je t'ai dit que c'était juste toi. (Il hoche la tête en se détendant). Et tu me plais vraiment beaucoup. Même si... je comprends pas. Pourquoi.
- Ouais. Ouais, ok.
- Faut que j'aille... manger...
Il hoche la tête en comprenant et se relève.
- Est-ce que... qu'est ce qu'on est, pour toi ? il demande en déplissant ses habits.
- Tout ce que tu veux, je réponds aussitôt avant de me rendre compte que c'est peut-être trop extrême. Je veux dire... si tu veux... Si tu veux juste de moi comme d'un coup d'un soir... Ça m'ira aussi. Mais c'est pas ce que j'ai envie.
Il secoue la tête en vérifiant son téléphone.
- Nan. Nan, tu peux pas être un coup d'un soir. D'un matin, à la limite, il rigole.
- Ouais… (Je baisse les yeux. Je vois qu'il écrit un SMS). D'un matin...
Il lève un sourcil en m'entendant.
- Tu peux pas être d'un matin non plus, Jordan. T'es pas ce genre de gars, il me sourit.
- Je suis quel genre de gars alors ? je souffle en le regardant dans les yeux.
- Mon gars ? il essaye.
- Ouais ?
J'espère.
- Ouais, il répète en se dirigeant à la porte.
- D'accord.
Je le regarde l'ouvrir et je lui souris. Son gars. Je veux ça.
- Tu viens ? il me dit avec son air de gardien.
- Oh. Ouais. Oui, chef.
Je me reprends en me tenant droit, remettant mes vêtements correctement. Je le suis jusqu'à la salle et je m'installe. Boï a les yeux vrillés sur nous. Merde.
Narcis fait exprès de parler un peu fort en disant que j'ai mis du temps, il râle pendant qu'il le dit en s'adressant à Guillaume, et je me sens rassuré. Guillaume m'observe en plissant les yeux lui aussi. Walter entame une conversation alors que j'ai le nez dans mes tartines.
Il parle de son psy qui le saoule, je crois. Foster répond avec force. À ma gauche, Casta est aussi silencieux que moi. Je lui donne un coup de coude.
- Ça va ?
Il secoue la tête sans me regarder. Je prends une tartine et repousse le reste.
- Viens. On va dans ma chambre.
Ses yeux s'ouvrent en grand, il a l'air horrifié.
- Pour parler, je rajoute en fronçant les sourcils.
Là, il acquiesce lentement. Je pense qu'il me fait plutôt confiance. Je me dirige chez moi après avoir aussi attrapé une pomme dans la corbeille.
- Qu'est-ce que tu veux ? il ronchonne en restant proche de la porte.
Il a peut-être pas si confiance en fait.
- T'as quoi ?
Je m'assois nonchalamment à mon bureau.
- Devine, il siffle.
- Qu'est-ce qui a changé ?
- Rien. J'en ai marre. Ça fait mal. C'est pas fait pour ça, il couine.
- C'est fait pour quoi ? Tu veux dire quoi ?
Je me relève pour aller vers lui.
- Ça fait du bien. C'est fait pour ça. C'est pas fait pour nous torturer, il dit bas en baissant les yeux.
- Tu dis que ça peut faire du bien ? je hausse un sourcil. Je vois pas comment.
Je frissonne de dégoût. Je lui tends la pomme. Il la prend et croque tout de suite.
- Bien sûr que ça fait du bien.
- J'y crois pas du tout, je secoue la tête à l'idée. Il vient tous les jours ?
- Tu devrais y croire. C'est super agréable quand c'est bien fait. Tous les jours. Ou tous les deux jours. Ça dépend, il ajoute en haussant les épaules.
- Il doit beaucoup t'aimer, il me fout la paix ces temps.
- T'en as de la chance, il lance avec ironie en léchant le jus de pomme qui coule.
- Je l'ai subi pendant six mois. Les premières fois je pouvais plus m'asseoir. Ensuite je gérais, il était vraiment violent qu'une ou deux fois par mois, je hausse les épaules. Il finira par trouver quelqu'un d'autre...
Il roule des yeux sans répondre et continue seulement sa pomme. Il a pas l'air convaincu.
- Je suis désolé. Je comprends ce que tu ressens mais je vais pas lui proposer de me violer encore pour t'épargner…
- Ouais. Je sais.
Il soupire.
- Pour la douleur…
J'hésite. Et je vais finalement chercher la crème.
- Tiens. Ça aide, après.
- Où t'as eu ça ? il demande suspicieusement sans l'attraper.
- Un agent a eu pitié de moi, je hausse les épaules.
- Je le garde si t'en veux pas.
Je fais mine de la ranger.
- Nan. C'est bon. Ça marche bien ?
- Ouais. Ça apaise la brûlure. (Il sourit et me le chipe des mains). Et si tu veux... discuter. Je suis là. Tu sais. Dans ma cellule. En général, j'ajoute maladroitement.
Cette fois, il affiche un beau sourire.
- Vrai ? il demande en se jetant dans mes bras.
- Ouais, je réponds, d'abord tendu.
J'ai pas l'habitude d'enlacer quelqu'un d'autre que Narcis. Finalement je pose les mains dans son dos et le tapote. Il se recule rapidement en riant.
- Ok pas de câlin avec toi. Ça me va. Merci Dan, il me lance en s'échappant en vitesse.
Je hoche la tête tout seul dans ma chambre avant de finalement sortir. Je prends une douche rapide - ça m'arrive jamais de le faire après le petit-dej, on a moins de temps. Je croise Narcis qu'au détour d'un couloir, rapidement. Il a le regard lointain.
Je me permets de l'observer, tant que personne d'autre est là, et je file ensuite jusqu'à ma cellule. Je me prépare et ressors pour aller en agri.
Encore une fois, c'est lui qui nous y amène. Je crois que rien a changé dans sa façon d'agir, il fait pas tant attention à moi, comme avant. Il nous mène et va discuter avec le garde d'agri quelques secondes, comme tous les matins où il a été de service.
Je l'observe à la dérobée avant d'aller voir ma vache préférée. Wilson me rejoint.
- Mec, je te recommande pas de t'amouracher d'un agent, il me signale.
- Je vois pas de quoi tu parles. Je le regarde parce que je le déteste, je grogne.
- Tu mens aussi bien que Walter. Autant dire, très mal.
- N'importe quoi, je réponds en fronçant les sourcils.
- Bien sûr que si. On me la fait pas à moi, il souffle. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Avoue-le.
- Qu'est-ce que ça ferait ? je grince.
- Ça ferait que c'est mal. Tu sais pas dans quoi tu t'embarques.
- Tu le sais toi peut-être ? je m'énerve, fourche en main.
- Je préfère pas le savoir, moi, il me dit avec un air hautain. Te fais pas cramer, il me conseille juste, puis il s'en va.
Je commence à débarrasser la paille avec énergie, ça apaise ma colère. Il a pas à être au courant. Je mens pas si mal. Je peux pas mentir si mal. Parce que si c'est le cas… je le mets en danger. Je lui lance encore un regard, il est pas reparti. En l'auscultant une énième fois, je remarque une petite trace sombre dans son cou, que je vois à peine tant elle a déjà disparu. Je fronce les sourcils. Je sais que je l'ai pas taquiné à ce point. Je regarderai mieux après.
Il part ensuite et ce que j'ai vu me fout en rogne. Je pelte la paille avec brusquerie, je rumine seul dans mon coin.
J'ai envie d'être à la pause d'après-midi pour voir ça. C'est bientôt. Je fais rapidement mon travail et passe un moment avec Dragibus. J'hésite à lui raconter, puis je le fais pas. C'est récent, je veux le garder pour nous. Je lui dirai une prochaine fois. En plus, il peut toujours y avoir des oreilles indiscrètes.
On m'appelle bientôt pour le repas de midi - nouvelle frayeur du chef d'agri, tant mieux, il a pas encore trouvé ma cachette - et on va manger. Poulet et pommes de terre du coin, aujourd'hui. J'aime bien. Ça vaut pas un poisson, mais la volaille c'est bon.
Je mange rapidement et file dans ma chambre. J'attends qu'il me rejoigne. Ça fait déjà plusieurs minutes quand je prends peur. C'est moi qui lui ai dit de plus passer, quelques heures plus tôt. J'attends quand même. On se reverra pas avant demain matin s'il passe pas. Alors peut-être qu'il va venir quand même. Je m'allonge sur mon lit en fermant les yeux. J'essaie de visualiser l'endroit où il a mis le portrait que j'ai fait de lui. Je l'imagine au dessus d'un beau bureau bien rangé, encadré et sous une épaisseur de verre. Il est bien là. Je suis sûr qu'il est dans un endroit comme ça. Parce qu'il tient à moi. Je compte pour lui. Je souris sur mon lit.
Ça toque finalement à ma porte. Il est l'heure de reprendre le boulot... C'est la voix de Narcis, mais accompagné de Julien. Ils attendent que je réponde pour passer à la prochaine cellule. Je me lève pour aller les voir, et là, tout près, ça me permet de détailler Narcis. C'est bien un suçon qu'il a dans le cou. Et c'est pas de moi. J'encaisse et referme directement, leur claquant la porte au nez. Je veux plus le voir.
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