Narcis Parker (21)

20 minutes de lecture

Mardi 8 mars, six heures et demi.

Je marche avec un sourire dans les couloirs, il est six heures trente-deux. Je me suis dépêché, ce matin. Pile à l'heure et même un peu avant. Je me demande comment il va réagir, ce matin. Si il va être aussi fougueux qu'hier sur son lit. Et si je vais le réveiller. J'aimerais bien le réveiller.

Du coup je toque un peu doucement aux premières cabines, je les réveille sans que Jordan entende. Une fois chez lui, j'ouvre lentement la porte. Le matin, on a le contrôle sur l'ouverture des cellules. Le sourire aux lèvres encore une fois, je me glisse à l'intérieur. C'est plutôt sombre. Personne m'a vu entrer, j'espère qu'il a passé une bonne soirée. Ou au moins une pas trop mauvaise. Il est allongé sur son lit, et cette fois il dort à poings fermés, couché sur le dos.

J'espère qu'il va rapidement me reconnaître, sans prendre peur. J'escalade le matelas, me mets à quatre pattes au dessus de son corps sans le toucher et lui souffle que c'est l'heure, au creux de l'oreille. Il ouvre les yeux d'un coup sans bouger et me regarde, d'abord indifférent, avant de sourire doucement quand il me reconnaît.

  • Coucou… je murmure juste avant d'embrasser sa joue, puis je m'assois sur lui. Bien dormi ?
  • Ouais…

Il relève les yeux vers moi et se redresse pour attraper mes lèvres. Je lui offre, rapidement. Je veux pas qu'il s'habitue trop vite. Je veux pas qu'il se lasse.

  • Tu joues bien la comédie, je murmure en me couchant sur son torse, la tête du côté de la porte.

Il semble se réveiller un peu plus d'un coup, ses sourcils se froncent et il se redresse. Il a presque failli me faire tomber, dans la manœuvre.

  • Pourquoi t'as un suçon dans le cou ?

Mon nez se plisse.

  • Quoi ? Tu m'as fait un suçon ?
  • Non. Alors pourquoi t'en as un ?

Les éléments s'imbriquent lentement dans ma tête et je comprends qu'il parle de celui de Jess, mardi soir. Je l'ai revue, une fois que Lucie a été partie. La marque avait presque totalement disparu, d'ailleurs.

  • Une fille me l'a fait, dans la semaine, je réponds sincèrement.

Il détourne les yeux, il a l'air en colère.

  • Donc, tu t'envoyais en l'air... Quand moi j'étais ici à t'attendre, il murmure.
  • Quoi ? Mais c'est pas comparable ! Tu rigoles j'espère ?
  • Tu vas continuer à coucher avec des gens dehors ? il me demande en refixant ses prunelles dans les miennes.

Je me relève sur mes jambes, le visage tout froncé. Il commence à m'agacer.

  • Je croyais qu'on était ensemble maintenant, je siffle en piétinant sur place.

C'était pas ce à quoi je m'étais attendu en me dépêchant de venir le voir incognito.

  • Je m'attendais pas à voir les marques de quelqu'un d'autre sur ton corps, il répond en me regardant tristement.

Je comprends même pas sa réaction. Alors je dis rien, je me contente d'attendre, là au milieu de sa cellule. Il se redresse aussi et me fait face.

  • Je passe mon temps à penser à toi. J'ai pensé que ce serait pareil de ton côté. Même avant qu'on soit ensemble, il me dit la gorge nouée. Mais tu peux pas penser à moi en couchant avec quelqu'un d'autre… il murmure en posant la main sur mon torse.
  • Quoi ? Mais !

Je sais même pas quoi dire. Si tu savais comment je pense à toi, Jordan.

J'ai de moins en moins envie de lui parler, maintenant. Parce que je sais pas quoi dire. C'est juste la déception, la déception qui envahit tout. J'ai absolument rien fait de mal avec Jess. Penser à lui m'empêche pas d'avoir ma vie en dehors.

Quand je pense que je suis venu le réveiller sans bruit, avec des baisers et avec toute la tendresse que je pouvais lui offrir. Ça me noue la gorge, et ça me ferait presque mal au coeur. Je comprends pas. Est-ce qu'il pense que je me fous de lui ?

  • C'était qui cette fille ? il demande doucement en s'asseyant sur son lit.
  • Rencontrée en boîte, je grogne.

Je suis remonté, j'ai plus envie d'être gentil.

  • Tu l'as vue plusieurs fois ?

Il lève les yeux sur moi.

  • Deux.
  • Tu comptes pas la revoir, il hoche la tête.
  • Je croyais qu'on était ensemble, je répète.
  • Oui. C'est juste... que j'avais le sentiment qu'on était ensemble dimanche déjà. Mais on se l'est pas dit alors... Tu pouvais bien faire ce que tu veux.

Il hoche encore la tête. Comme s'il voulait se convaincre lui-même.

Moi aussi, j'acquiesce. Je savais pas qu'il pouvait penser ça. J'y avais même pas réfléchi de cette façon, pour être honnête. Il baisse de nouveau le nez sur ses mains.

  • Bon. J'y vais, je finis par dire.

Il a pas l'air de vouloir que je reste et j'ai pas envie de faire plus d'efforts.

  • Je suis désolé, il murmure. Embrasse-moi, s'il te plait...

Je soupire. J'en ai plus envie. Il peut pas juste douter de tout et me demander de l'embrasser une seconde après. C'est déjà assez dur ce qu'on fait là sans qu'il remette tout en question dans ma tête. J'avais juste envie de le réveiller avec tendresse, et lui il me jette presque à terre pour me parler d'un suçon vieux de presque une semaine.
Du coup je m'approche rapidement, pose un baiser sur ses lèvres et retourne à la porte en disant que je dois aller travailler. Ce qui est totalement vrai, pendant la journée, c'est pas comme la nuit. Je peux pas rester deux heures avec lui.

Je le vois pincer les lèvres sans relever les yeux sur moi. Je secoue encore la tête et en sortant, je répète que c'est l'heure de se lever avant de refermer la porte.

Je pars ensuite m'occuper des douches, surveillant les détenus. C'est calme, comme toujours. Ou plutôt comme les matins. Je préfère ça. Personne se mélange, ils parlent seulement.

Casta arrive - il a pas mal de bleus, il doit morfler - suivi de Jordan, qui relève pas les yeux du sol.

J'aimerais bien le soigner, ce petit. Nicolas Casta, incarcéré pour meurtre ou non assistance à personne en danger. Quand il se tourne, désormais complètement nu, je l'observe. Je vois toutes ces traces, sur ses hanches, son dos et ses fesses.

Il discute à voix basse avec Jordan. Lui relève les yeux sur le petit et lui fait un léger sourire, il frotte son dos doucement. Je suis content qu'il prenne soin de lui. Je sais pas ce qu'il s'est passé dans la semaine, mais j'espère qu'il a suivi mon conseil en étant avec lui.

Ils repartent tous les deux alors que d'autres détenus arrivent. Je sais que Casta bosse à la blanchisserie ; ils se croisent pas la journée. Je me demande si quelqu'un le protège là bas. Sûrement pas. On protège pas quelqu'un sans intérêt. Je jette vite fait un regard à ma montre et vois que l'heure est bientôt passée, alors je le dis aux mecs et ils s'activent.

Je passe en cuisine ; c'est eux que je dois surveiller aujourd'hui. Les prisonniers sont soumis à un test de connaissance, en première partie, puis à de la pratique pour préparer le déjeuner, ensuite, m'explique le chef en garde.

Je hoche la tête et les observe. La plupart ont l'air angoissés et concentrés, certains s'en foutent. Mais pour ceux pour qui c'est important, je me dis que c'est bien, ces formations. Ça leur donne un but et l'espoir de se réinsérer plus tard. C'est super, ça. Ça me fait sourire.

Ils passent ensuite à la pratique, préparant un super repas pour ce midi. Certains s'essaient aux profiteroles, d'autres coupent les ananas en tranches. Je les observe ; c'est un peu effrayant des fois de voir ces prisonniers avec des armes qu'ils pourraient retourner contre nous... Mais je sais que c'est pas des types dangereux. Je sais que... Jordan pourrait jamais bosser dans la cuisine.

Déjà pour les ramassages de fruits, les gars m'ont dit qu'ils lui donnaient pas d'objets tranchants. Ça se comprend, le mec a quand même tué six personnes.

Et je me suis mis avec.

Quand je pense à son passé, j'imagine une tout autre personne. C'est difficile, de faire le lien entre les deux. D'un côté, le mec qui a besoin d'être réconforté et câliné, qui m'écoute, que j'ai appris à apprécier -rapidement - et de l'autre, le tueur sans scrupule, qui pense avoir eu le devoir de faire ce qu'il a fait.

Il est midi et je le vois justement arriver. Je peux pas imaginer un tueur quand je le vois les yeux baissés. Et puis d'un coup je le vois assassiner Randall du regard et je sais de quoi il est capable. Je sais la sensation qu'il m'a refilé la première fois que je l'ai vu, je sais dans quelle catégorie je l'ai classé.

Mais maintenant je vais dans sa chambre pour l'embrasser, je lui dis qu'on est ensemble et j'ai envie d'y croire. Parfois, je sais même plus ce que je fais de ma vie. Je relève les yeux sur lui, dans l'espoir qu'il m'envoie un signe pour me rassurer.

Mais il a les yeux fixés sur Randall et je suis certain à ce moment que s'il passait une minute avec lui seul à seul il le tuerait. Alors je vais faire en sorte que ça arrive pas. Et pour lui, et pour moi.

Parfois, je repense aussi à sa mort. Sa mort qu'il a prévu, dont il m'a déjà plus ou moins informé. Et de la façon dont il m'avait dit que je le trouverai peut-être, un matin. À ces moments, mon coeur se serre et je me dis que c'était qu'un rêve. Alors je balaye vite l'idée.

Je regarde rapidement ma montre pour m'apercevoir que j'ai déjà bientôt fini le travail. Plus que deux petites heures. Et à cet instant, je me dis que j'ai été con de réagir comme ça ce matin. J'ai l'impression que tout se bouscule dans ma tête en ce moment. Mais j'ai envie d'être dans notre bulle avec lui, dans sa cellule à se câliner. J'ai envie qu'on s'échange cette affection qu'on a l'un pour l'autre, j'ai envie que son envie de se tuer recule. Je me demande si je pourrai le voir, ensuite. Du coup je prévois déjà de faire un petit mot, au cas où.

Je le vois se lever d'un coup et je reste attentif, j'ai peur qu'il fasse une connerie, un truc irréfléchi. Pourtant il range son assiette et part aussitôt dans sa cellule. Je trépigne déjà à l'idée de le rejoindre. Mais je sais qu'il a peur pour moi, alors j'attends. Je fais mon job, je montre pas mon impatience. Dans certains moments, je cache super bien mes émotions. Boï me remarque même pas, il me lance juste un regard au début mais arrête de s'en soucier ensuite. Je prends toutes mes précautions, j'ai l'impression d'être en planque, puis une fois tout le monde dans sa cellule ou dans le gymnase, je me faufile jusqu'à celle de Jordan.

J'espère qu'il est seul. Ou avec Casta, à la rigueur. Je frappe même pas avant d'entrer, j'ouvre seulement puis je referme derrière moi.

Il relève ses yeux sombres sur moi, il a l'air submergé par un tas d'émotions, il est assis sur son lit, se balançant d'avant en arrière comme pour se convaincre de pas faire de connerie. Je reste adossé à la porte, j'essaye de pas montrer mon sourire qui veut pointer à l'idée de le revoir. Surtout si lui, il va pas si bien.

  • Tu viens pas m'embrasser ? j'essaye en chuchotant, sans dévier mon regard.

Il se relève d'un coup et vient aussitôt m'entourer de ses bras. Il me serre fort. Mes mains se lient dans son dos et je le ferais presque décoller tant je le colle contre moi. Je lui demande si ça va, tout bas à son oreille. Il avait pas l'air dans un super état, depuis ce matin.

  • C'est dur, il souffle.
  • De quoi ?

Ma tête s'est calée dans son cou, mes genoux un peu fléchis pour être à sa hauteur, et mes mains sont passées dans son dos sous son tee-shirt.

  • De rien faire. D'attendre. D'être sage.

J'ai envie de le porter jusqu'à son lit et de me coucher avec lui, mais j'en fais rien.

  • Il faut que tu sois sage, Jordan, je murmure à son oreille en câlinant son dos, pour mieux faire passer l'information que j'aimerais qu'il comprenne.
  • Ouais.

Il relève la tête et m'embrasse doucement et je sens à quel point il a l'air désespéré dans son baiser.

Alors je prends sa taille pour l'éloigner un peu, jusqu'à ce que nos lèvres ne soient plus en contact. On se regarde, j'attrape son menton de mes doigts et je l'embrasse à nouveau, comme pour un nouveau départ. C'est doux et affectueux, comme un baiser avec lui doit l'être. Pas désespéré ou frustré de devoir être sage.

Il passe ses bras autour de mon cou et se colle à moi. Il a les yeux fermés, enfin, alors je les clos aussi. Je l'embrasse lentement, juste nos lèvres qui bougent avec délicatesse.
Il s'accroche à moi comme à une bouée de sauvetage, il m'embrasse avec plus de force, il en demande plus, je le sens. Alors je le repousse. Je veux pas qu'on s'embrasse pour ces raisons.

Il me regarde et sa main arrive doucement sur ma joue. Il me caresse lentement, comme la fois où il retraçait mon visage. Maintenant je souris.

  • Je suis content que tu sois venu. J'avais peur que tu refuses de me voir à cause de ce matin.
  • Tu m'attendais ? je minaude, juste pour mon égo.
  • Ouais.
  • Ouais... beaucoup ?

Je joue avec les cheveux de sa nuque.

  • J'attendais que toi. Comme tout le temps. Toute la journée. Pourquoi je vivrais sinon ?

Je hoche la tête. Je sais pas si il se rend compte d'à quel point ça me fait quelque chose, quand il dit ça.

  • Va sur ton lit, je lui commande.

Il me lâche et part s'y asseoir aussitôt. Je me rends compte de l'influence que j'ai sur lui. Il m'écoute. Ça me fait quelque chose, encore une fois.

  • Couché, je rajoute en avançant très lentement.

Il me regarde toujours et s'allonge sur le dos, patient.

  • Nu.

Je le dis avec sérieux et indifférence, pour voir jusqu'où il ira, mais j'en demande pas tant.

  • Nu ? il répète, avalant sa salive.

Il enlève déjà son haut, qui découvre les restes de la correction de Boï. Il déboutonne son bas. Je le regarde faire, à côté du matelas, debout.

Il retire finalement le tout, et hésite qu'une seconde avec son boxer, avant de l'enlever aussi. Il se recouche. Du coup, je décide autre chose, pour tester combien il a été affecté par la prison. Parce qu'il faut que je sache. Tout ça, ça me dépasse, et j'ai besoin de savoir dans quoi je m'embarque exactement. Je sais pas si il comprendra pourquoi je le fais, mais j'en ai besoin, pour moi. Pour savoir.

  • Sur le ventre.

Il se tend et se retourne. Ma main vient effleurer son dos.

  • Comment tu te sens ? je demande tout bas.
  • Je... je me sens utilisé. (J'ai pas le temps de parler qu'il enchaîne). Pas toi. Juste... la position.
  • Mh ? Quelles autres positions, comme ça ? je demande en câlinant son cou de ma main. Dis-moi ou… ou montre-moi, je chuchote.
  • Toutes.

Il cache sa tête entre ses bras. Je lui intime de se déplacer sur le côté et je m'allonge à mon tour. J'attrape son corps avec facilité et je le fais grimper sur moi sans un mot. Il est nu et je suis habillé, la tête sur le coussin.

  • Même là ?
  • Non. Là ça va…
  • Pas toutes, alors, je lui souris en caressant sa joue.
  • Ouais. On me laisse pas me mettre comme ça. Je pourrais tu sais... Fuir. Et j'imagine qu'ils ont l'impression de perdre le contrôle.

Je fronce les sourcils.

  • Ils ? Au pluriel ?
  • T'as cru qu'il y avait que Beckett ?

Je grogne. Beckett. Ça m'étonne pas, c'est vers lui qu'allaient mes soupçons.

  • D'autres pendant les mêmes moments ?

Mes doigts caressent ses hanches nues.

  • Tu veux dire en même temps ? Jamais. Ils seraient incapables de partager.

Je sais même pas quoi en penser. Je caresse seulement son corps, comme si je voulais lui faire oublier. Ses hanches, sa taille, ses côtes. Il est nu sur moi ; ça semble pas le gêner particulièrement. Lui caresse tendrement mon cou, il a toujours ce regard scrutateur, presque pensif.

  • Tu préfèrerais te rhabiller ? je demande tout bas en passant mes doigts du côté de ses fesses, les paumes sur ses hanches.
  • Non. Ça va comme ça. J'ai l'habitude. On perd notre pudeur en prison tu sais.

Je hoche la tête.

  • Quand même. C'est pas parce que ça te dérange pas que t'es obligé de rester comme ça. Je te voulais pas vraiment nu.

J'approche son corps sur moi à l'aide de ma prise sur ses hanches.

  • Pourquoi tu m'as demandé de faire ça alors ?

Il me regarde d'un air perdu.

  • Pour voir si tu le ferais. Voir si, si tu étais à l'aise comme ça, et avec moi.
  • Je suis à l'aise avec toi, il répond comme si c'était une évidence. Me teste pas. On le fait tout le temps ici.
  • Tu serais à l'aise de coucher avec moi ? Comme ils le font avec toi ? je hausse un sourcil septique. Je suis obligé de te tester. Après tout ça. C'est pas parce que tu dis quelque chose, ou même que tu le crois, que c'est vrai en pratique. Tu comprends ?
  • Je pourrais pas coucher avec toi. C'est trop douloureux.
  • Ok. C'est pas grave.
  • Tu pourras vivre sans ça ?

Il a l'air paniqué d'un coup.

  • Sans pénétration ?

Il hoche la tête.

  • Je sais pas. Sûrement pas. J'appellerai Jess, la fille de la boîte, je dis malicieusement avec un grand sourire.

Il pince les lèvres.

  • Je veux pas en savoir plus sur elle. C'est dur de te laisser sortir de ces murs et de pas savoir ce que tu fais chez toi. Comment c'est. De pas pouvoir te dire que je passerai demain...

Je roule des yeux. Il me fait rire ce petit.

  • Si on en arrive à coucher ensemble un jour, tu sais, aussi loin que ça, je me satisferai pleinement d'être pénétré, je lui souris en lui envoyant un baiser dans l'air.

Mes mains remontent sur son dos pour le faire plier un peu vers moi. Il rougit en enfonçant sa tête dans mon cou.

  • Je veux pas t'imposer ça…
  • Ça ? Quoi ? je souris en caressant ses cheveux.

J'aime bien quand il est comme ça.

  • Cette douleur. Je la souhaite à personne. Je te l'infligerai pas, il souffle.
  • J'ai pas eu l'impression qu'elle était si grosse.

Ma main descend de son dos jusqu'à ses reins. J'adore le toucher ici. Il grogne, encore gêné.

  • Désolé…
  • Quoi ? De quoi t'es désolé ?

Mes doigts glissent sur ses cuisses et finissent aux creux de ses genoux, puis je les remonte jusqu'à la pointe de ses fesses, et je redescends.

  • De pas avoir une taille qui te correspond ?

Il me regarde, interrogateur. Ça me fait rire encore un peu plus.

  • Ta taille m'ira très bien.
  • Ouais…

Il embrasse mon cou lentement, alors je le tire pour lui laisser de la place, ma main sur l'arrière de son crâne.

  • Je t'assure, je murmure.

Il me goûte, sa langue sur ma peau. Il a l'air de me découvrir, j'aime ça.

  • J'aime bien ton after shave, il sourit.
  • Je sais.
  • Je peux encore t'embrasser ?
  • Bien sûr. Pourquoi pas ?

Mes doigts tirent doucement ses cheveux pour qu'il me regarde, ce qu'il fait avec un sourire timide.

  • Super, il murmure en venant poser ses lèvres sur les miennes.

Il les lèche à nouveau et ça me fait sourire dans le baiser.

Je m'éloigne rapidement pour aller embrasser sa mâchoire et lui parler sans être interrompu par ses lèvres.

  • Tu fais tout le temps ça. C'est pour m'allumer ? je glisse à son oreille en caressant sa cuisse avec une certaine sensualité.
  • T'allumer ? il rougit. Je suis désolé…
  • Ouais. Tu lèches tout le temps ma bouche, je susurre en pointant ma langue sur son lobe, la main remontée sur sa fesse.
  • Ah… Il gémit. Ce-c'est... Je suis désolé...?
  • Sois pas désolé de m'allumer... je souffle en poussant sur sa fesse pour le remonter encore un peu sur moi, ma bouche partie à la découverte de la peau fine sous son oreille, à grand renfort de petits coups de dents.

Il pousse de petits couinements, les yeux fermés.

  • C'est vrai ? T'aimes ?
  • Être allumé ? je murmure en embrassant son cou lentement, les lèvres mouillées et la langue qui donne des petits coups.

Ma main a migré sur sa deuxième fesse, aussi. Je l'adore.

  • Ou... Oui… il couine encore, haletant.
  • Bien sûr que j'aime ça.

Ma langue vient lécher sa lèvre rapidement, j'en profite tant qu'il a les yeux fermés, puis je repars à l'assaut de son cou.

  • C'est très excitant ce que tu fais…
  • Mh, 'fait exprès.

Je peux pas empêcher mon corps de se cambrer et ma main d'appuyer sur son cul. Il est nu sur moi, quand même. Il frissonne et lâche un son étranglé.

  • Est-ce qu'on a... du temps... ?
  • Pour quoi ? je ris en le relâchant lentement.
  • Je sais pas… il rougit. Pour... essayer un truc ?
  • Essayer quoi ?
  • Montre-moi quelque chose... qui fait pas mal.

Je lui souris d'abord, puis je finis par rire. Même si c'est pas vraiment drôle, en soi. Je secoue la tête vivement.

  • Je te montrerai rien aujourd'hui.
  • Pourquoi ? J'ai fait quelque chose ? C'est à cause de ce matin ?

Je penche un peu la tête de côté et ma main revient sur son dos.

  • À cause de ce matin ?
  • Parce que je t'ai questionné ?

Mon sourcil se lève. Je suis pas sûr de voir le rapport.

  • Et alors... ? je l'encourage à poursuivre.
  • Alors tu ne veux pas... qu'on s'occupe l'un de l'autre ?
  • À cause de ce matin ? Je comprends pas. Pourquoi tu crois qu'il y a un rapport avec ce matin ?

Je relève mon buste - et lui avec - et je vais plaquer mon dos au mur, les mains sur les hanches de Jordan assis à califourchon sur mes cuisses. Il se penche un peu, et hausse les épaules.

  • Peut-être que tu m'en veux encore…
  • Non. Non, je t'en veux pas. J'ai tort de t'en avoir voulu, je souris en retournant embrasser son cou.
  • Non- oh…

Il caresse mes épaules et mes bras, attrape mes biceps, les serre un peu.

  • Tu testes la marchandise ? je susurre avant d'attraper la peau de creux de sa clavicule entre mes dents pour la tirer.
  • C'est, ah… Il gémit encore. Une très belle… marchandise…

Il fait bouger ses hanches sur moi jusqu'à ce que je les attrape pour le stopper. Puis je me ravise et je le laisse faire, la tête appuyée contre le mur.

Il ondule sur moi, je sens son excitation contre mon ventre. Ça me fait plaisir, ça gonfle mon égo et ça m'excite. Parfait cocktail.

  • Coquin Jordan… je souffle en faisant dériver mes mains sur ses reins à nouveau.

Il cille et gémit, la tête contre mon cou où elle a trouvé sa place. Il attrape le lobe de mon oreille entre ses dents ; il a compris que c'était mon péché mignon…

Mes paupières se ferment à demi pendant que mes doigts s'enfoncent dans sa peau ; et inévitablement un long râle passe entre mes lèvres. Dans l'opération, je rapproche son corps de moi pour emprisonner son sexe libre entre nous, les dents plantées dans son épaule. Il couine et ses ongles griffent mes bras. Il bouge encore sur moi.

  • Apprends-moi...

J'essaye de me reprendre. C'est difficile, quand un mec comme ça se frotte contre moi.

  • Y'a rien à apprendre... je grogne en serrant ses fesses sous mes doigts.
  • Mais je sais pas... comment... me calmer… il souffle en me donnant encore un coup de bassin.
  • Je pense, je pense que tu devrais le faire seul. Je vais te dire au revoir, y aller, rentrer chez moi, et toi tu vas te masturber. Ok ? C'est bien. Pour un début, je dis, et je prends sur moi parce qu'à le voir se tortiller comme ça en pressant son érection sur moi, j'ai pas vraiment envie de partir.
  • Ok…

Il murmure contre ma gorge et je sens bien qu'il est déçu. Il se recule jusqu'à s'asseoir en tailleurs à côté de moi. Il ressent pas de pudeur face à son érection. Ça me plaît. Même si j'adore quand il rougit.

  • Hé.

Je m'approche quand même, au cas où.

  • J'ai envie de toi, je murmure à son oreille en caressant ses cheveux. Ok ?
  • Ok…

Il baisse la tête.

  • T'es pas convaincu ?
  • Si... C'est l'heure, pas vrai ?

Je hoche la tête et me relève.

  • Mh. Ouais. Bientôt.
  • Attends.

Il se redresse et enfile son pantalon.

  • J'aimerais te dire un truc... Mais tu dois me jurer de jamais en parler à personne. Je l'ai dit à personne.

J'hésite. Il est intense, Jordan. Il pourrait tout aussi bien me balancer qu'il a enfermé quelqu'un vivant dans une pièce avant son incarcération mais que je dois en parler à personne et pas m'en mêler. Ou alors il va me dire quelque chose qui lui permettra d'avancer. Et c'est ce qui fait pencher la balance.

  • Dis-moi, je chuchote en lui tendant son tee-shirt.
  • Jordan. C'était mon frère, il dit en attrapant son vêtement qu'il commence à tripoter nerveusement.
  • Quoi ? Ton frère ? C'est pas, comment ça ?

Mon visage doit être barré de pliures tant je réfléchis.

  • Mon frère jumeau.
  • Et... alors ? T'es pas lui, et t'es là, sans identité, t'es pas Jordan. Je comprends pas.
  • Je m'appelle Daniel.

Il ose plus croiser mon regard.

  • J'avais envie... d'être moi-même avec toi.

Je comprends rien. Est-ce que c'est normal ? Je veux dire, non, ça l'est pas.

  • Mais... Tu t'appelles Daniel. Alors pourquoi on t'appelle Jordan ?

Pourquoi je t'appelle Jordan... Est-ce qu'il aurait pas commis ces crimes ? Si, il l'a fait. Rien qu'à voir comment il en parle et comment il regarde Randall.

  • J'ai pris son identité quand il est mort.
  • Mais pourquoi ?

Je recule d'un pas sans faire exprès, juste pour le voir entièrement. Comme si je le redécouvrais, tout à coup. Il se recule aussi ; il a dû mal interpréter mon geste.

  • Ils croyaient que c'était moi. Ça devait être moi à sa place, il répond, et ses yeux sont dans le vague ; il est peut-être plongé dans ses souvenirs.
  • Ça devait être toi ? À sa place ? je répète, totalement perdu.
  • Je suis pas... Je peux pas parler de ça.

Il serre les poings.

Pourquoi il m'en parle si c'est pour dire qu'il peut pas. Qu'est-ce qui est en train de se passer ? Je secoue la tête et tends mes deux bras pour le faire approcher.

  • On en parle demain.
  • Tu veux quand même de moi ? il hésite.
  • Est-ce que... Daniel est totalement différent de Jordan ? Il m'apprécie, au moins ? je tente avec un petit sourire, sans bouger ma position.
  • Vraiment beaucoup.

Mes doigts se plient pour lui faire signe d'avancer, et il vient à moi timidement.

  • Est-ce que Jordan est coquin et Daniel est réservé ? j'essaye pour le dérider en passant mes mains dans son dos, il est encerclé dans mes bras.
  • Daniel est tout ce que je suis, il murmure en accrochant ses doigts fins à mon uniforme.
  • Je peux continuer à t'appeler Jordan ? Je veux dire, je dois le faire. Ouais.

Je le serre plus fort et le fais reculer jusqu'au lit.

  • Appelle-moi Dan. Tout le monde le fait, il me dit en se laissant faire.

Je le fais s'asseoir sur le matelas et reste debout, entre ses jambes.

  • J'aime pas faire comme tout le monde, je murmure, son visage en coupe, avant de l'embrasser.

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