Daniel Twist (22)
Mercredi 9 mars, six heures passées.
Hier soir il est revenu. Mais je m'en fous. Parce que ce matin je vois Narcis, et qu'il y a que lui qui compte. Alors je me suis quand même endormi le sourire aux lèvres. Il gâchera pas ça.
Quand je me réveille, mes lèvres sont encore courbées dans un sourire : je sens sa bouche sur la mienne. J'ouvre les yeux lentement pour l'apercevoir et passe mes bras autour de son cou. J'adore ses surprises du matin… Il est encore à quatre pattes au-dessus de moi, sa main dans mes cheveux.
- Coucou… je murmure d'une voix rauque et ensommeillée en caressant son cou.
Il me répond la même chose et se décale pour se coucher sur le flanc sur le matelas.
- Je veux être réveillé comme ça toute ma vie.
Je me tourne pour lui faire face.
- Tu m'étonnes, il rit. Bien dormi ?
- J'ai rêvé de toi, je souris. Dis, tu pourras... un jour, me montrer des photos de comment c'est chez toi ? je rougis. J'aime pas t'imaginer... Dans un lieu que je connais pas…
- Mh, il embrasse ma joue avec douceur. Peut-être. Si tu es sage, il sourit en caressant ma taille.
- Je serai sage, je murmure doucement.
J'ai tellement envie de lui faire plaisir. Il hoche la tête et la repose sur le matelas, les yeux fixés sur mon visage. Je pars me réfugier contre son cou. C'est l'endroit au monde où je me sens le plus en sécurité.
Sa main va caresser mes reins, j'ai remarqué qu'il le faisait beaucoup, aussi.
- Alors, tu t'entends bien avec Casta ? il me murmure.
- Ouais. Je parle avec lui. Je pense que ça l'aide un peu.
Il acquiesce. Je m'étire entre ses bras.
- Qu'est-ce que tu fais quand t'es pas au travail ?
- Je dors, il commence en riant. Je parle avec des potes, je sors avec Lucie, ma meilleure amie, quand elle est là. Je fais du sport, je cours. Je revois des anciens collègues aussi, parfois. Ou je suis juste dans mon canapé.
Il embrasse ma tempe.
- Pourquoi t'as quitté la police ? À cause du type que t'as tué ?
Il secoue la tête.
- J'ai eu des problèmes, et ça m'a forcé à partir, il commence, puis il continue quand il voit que j'attends une autre explication. Avec mon boss. C'était plus possible. Il a voulu me virer, je suis parti.
- Pourquoi ?
Je caresse aussi son flanc sous son vêtement. Sa peau est toujours chaude et ferme.
- Officiellement ? Des problèmes d'alcool, des discordes avec les collègues et des problèmes de motivation.
- Tu étais alcoolique ?
Il secoue encore la tête.
- Du tout. Enfin, je bois mais pas, pas comme ça. C'est pas une drogue.
Il se rapproche un peu.
- Le truc, c'est que j'étais super pote avec mon boss. Et quand on est trop proche, c'est mauvais.
- J'aime bien notre proximité... T'es un peu mon boss…
- Ouais ? J'suis ton patron ? il roucoule en appuyant sur mes fesses pour me faire venir un peu plus à lui. Enfin bref, à la police c'est un peu la logique du panier de crabes, et j'avais trop de succès pour qu'il le supporte. Alors quand sa copine a commencé à se rapprocher de moi, tout a dégringolé.
- Mais... t'as fait des trucs avec elle ? je demande, sourcils froncés.
- Des trucs ?
- Je sais pas... Est-ce que t'es devenu proche d'elle d'une façon... Qui l'aurait poussé à avoir raison de te détester ?
Il secoue la tête.
- Ça allait pas entre eux et elle s'est tournée vers moi. Ça a été la goutte d'eau.
- Mais... Tu t'es tourné vers elle aussi.
J'essaie de comprendre. Il hausse les épaules.
- J'étais pote avec son mec. On était amis aussi.
- Mais t'as eu une relation avec elle ? Couché avec elle ?
- Mhh... il hésite. Non
- T'as fait un truc sexuel qui implique pas de pénétration ? je plisse les yeux.
Il penche la tête à droite à gauche, comme s'il cherchait à peser ses mots.
- Non, il dit finalement, avant de vite rajouter: Mais elle était vraiment pas contre ! Enfin, j'ai rien pu faire sur le coup, tu vois ? J'ai pas fait de truc sexuel, il grogne.
- Je comprends pas. Tu as fait quelque chose de plus qu'amical avec elle ou pas ? Si oui, est-ce que c'est pas... normal que son petit-ami ait été en colère ?
- Non, c'était juste un soir, elle est venue, elle s'est jetée sur moi, j'ai repris mes esprits et je l'ai renvoyée chez elle, il grogne en enfouissant sa tête dans mon cou, la main possessive sur mes fesses.
- D'accord. J'ai la sensation que tout le monde se jette sur toi…
Je l'enlace plus fort. Il secoue la tête en riant.
- Tu t'es jamais jamais jeté, toi, il fanfaronne en me hissant sur son corps.
- Je l'ai fait une fois et tu m'as détesté…
Je grogne à ce souvenir.
- Je t'avais dit d'arrêter.
- Je me suis jeté sur toi... Je pouvais pas m'en empêcher. J'imagine que tu fais cet effet aux gens...
Il s'éloigne pour se caler dos au mur et roule des yeux.
- Tu me rejetteras plus maintenant. Hein ?
- Je sais pas…
- Pourquoi tu le ferais ?
Je vais me coller de nouveau à lui, mon dos contre son torse, et j'attrape sa main pour l'enrouler sur ma taille. Il me serre encore un peu plus.
- Je le ferai sûrement pas.
- Tu le feras pas du tout.
Il hoche la tête contre ma nuque pendant que sa jambe passe par dessus les miennes. Je suis sûr qu'il ressemble à un koala.
- T'es allé chercher qui je suis ? je demande après un silence.
Il fait un grognement d'ours pour toute réponse, puis je sens sa langue lécher l'arrière de mon cou.
- J'imagine que non, je souffle.
Quelque part ça me rassure. Il respecte mon intimité. Il attend peut-être que je lui en parle de moi-même. Plus que quelques semaines pour en parler... Je me demande toujours si c'est une bonne idée.
Après sa langue, ses dents. Elles pincent ma nuque rapidement en de petites picorées avant d'être remplacées par ses lèvres douces, puis ses dents reviennent. Sa jambe s'est resserrée aussi, et son bassin est encastré à mes reins. Je me recule encore contre lui, je gémis un peu, et je passe ma main devant ma bouche. J'arrive pas à m'en empêcher avec lui. Tout ce qu'il me fait m'électrise.
En réponse, ses hanches bougent lentement sur les miennes, puis il s'arrête. Seule sa bouche me torture, et sa main est posée sur mon ventre.
- Narcis… je murmure en tournant la tête pour chercher ses lèvres.
Ses doigts viennent à empoigner mes cheveux et il plaque sa bouche à la mienne en me retenant, et je le laisse faire, complètement subjugué par sa façon de me montrer à quel point nos corps se répondent l'un à l'autre.
Sa main finit par me relâcher et je le sens respirer un peu plus vite contre mes lèvres. Je me retourne complètement pour l'embrasser mieux que ça, et je finis par monter sur lui, pris par le désir.
Ses mains agrippent aussitôt mes hanches et il gémit entre mes lèvres, le bassin qui pousse vers le haut, et ça me fait un effet complètement fou. Je lève son uniforme, jusqu'à voir apparaître sa peau pour la première fois. Mes lèvres se détachent des siennes et je pars découvrir son ventre.
Sa main s'est glissée sur mon crâne dès que je me suis penché ; il me laisse faire. Je remonte sur son torse ; il est encore plus musclé que je le pensais. Ce type est magnifique. J'ai hâte de le voir... Non, j'espère le voir un jour nu. Ce serait dangereux... Je lèche ses abdominaux qui se tendent sous ma langue, remonte jusqu'à son sternum, et je laisse une traînée de baisers, embrassant ensuite doucement son téton. Je l'ai jamais fait avec un homme. Je sais pas s'il y est sensible.
Dès que mes lèvres et mes dents le frôlent, il se tend et compresse encore un peu plus mes hanches. Il a lâché le même couinement que pour son oreille. Curieux, je m'attelle à m'en occuper. Chaque fois que j'y passe les dents, je le sens se contracter contre moi. Un râle s'échappe encore de sa bouche quand je me rassieds sur lui. Je l'entends murmurer quelque chose qui ressemble à mon prénom. J'aime beaucoup l'entendre dire ça…
Je remonte à son cou, mords le lobe de son oreille alors que mes doigts taquinent encore son téton, le faisant rouler lentement entre eux. Son bassin pousse encore un peu plus. Sa tête est tendue en arrière, la main sur mes reins. J'aime la pression qu'il exerce sur moi, la tension que je sens dans tous ses muscles. Ça fait si longtemps que j'ai pas donné de plaisir à quelqu'un de façon consentante...
- Tu vois, il halète. Tu m'allumes à chaque fois.
- Mais cette fois je le fais exprès, je susurre contre son oreille.
Je sens qu'il sourit, puis ses doigts se relâchent tout à coup, et ses hanches redescendent pour se poser sur le matelas. Je le regarde dans les yeux, sans comprendre. Il bouge son menton pour me demander ce que j'ai.
- Tu bouges plus. Bouge, je quémande. (Il secoue la tête). Pourquoi…
Je grogne contre son cou, caressant lentement son torse. Sa voix sort comme un murmure.
- Pourquoi tu voudrais que je bouge ?
- Parce que c'est agréable...
Narcis me sourit. Il m'observe sans rien dire, il me sourit seulement. Et sa main câline lentement le bas de mon dos.
- Je suis content que tu trouves ça agréable.
- Ça l'est. Je te mentirais pas, je dis encore en l'embrassant. Tu sais je pense que je peux tout trouver agréable... Tant que c'est pas… Tu sais.
Il acquiesce en bichonnant ma cuisse.
- T'inquiète pas avec ça, je t'ai dit. Si ça doit arriver, ce sera moi.
- Ouais. On verra, je souffle.
J'ai pas envie de faire ça. C'est violent et horrible, le sexe entre hommes.
- On verra ? Tu... tu veux pas ? il hésite avec les yeux pleins d'incompréhension et peut-être même une pointe de tristesse, ou je sais pas trop quoi.
- C'est trop douloureux. Je veux pas t'infliger ça.
Il fronce les sourcils et ça me donne presque l'impression qu'ils vont se toucher.
- Non. Ça va. C'est pas ma première fois, et, enfin, tu l'as déjà fait, tu sais comment faire… il dit prudemment.
- Je l'ai jamais fait dans ce sens et je sais à quel point ça fait mal. Quand on fait l'amour entre homme, y en a un qui doit se sacrifier pour le plaisir de l'autre. C'est injuste.
Il hausse les épaules.
- Pas toujours. Je veux dire, y en a pour qui ça sera jamais leur truc, mais, ouais, moi ça va. Tu sais comment faire. C'est comme pour une fille. Presque. Mais je pourrai m'occuper de cette partie là, il dit pensivement. Si tu me prends, je me sentirai pas être sacrifié. Ça donne du plaisir aussi, comme ça. Genre, beaucoup, quand c'est bien fait. J'ai déjà joui pour moins que ça, il m'explique en caressant mes reins.
- Je comprends pas…
Je le regarde, comme pour jauger s'il est sérieux ou pas. Jouir ? Plaisir ? Je peux pas associer ça.
- Il y a pleeein de sortes de plaisir, commence Narcis avec un ton professoral. Le plaisir comme tu le connais, comme avec les femmes ; l'orgasme prostatique…
Il hoche vivement la tête.
- Plaisir anal, buccal, tout ça. Les mecs homo recommencent bien entre eux. C'est parce que c'est, c'est incroyable en fait. Totalement différent de tout le reste. Après, t'aimes ou t'aimes pas.
Il a un air évasif, comme s'il se replongeait dans ses souvenirs.
- Une fois, un mec, tu l'aurais vu, rien qu'avec ses doigts. C'était incroyable. J'ai cru qu'il me libérerait jamais, il rigole.
- Mais c'est atroce. Les femmes... Les femmes c'est fait pour à cet endroit. Les hommes non. Et j'ai jamais trouvé le moindre plaisir là-dedans…
Je frissonne de dégoût rien qu'en repensant à hier soir. Il sait pas, pour ma soirée.
- Ouais. Je peux le comprendre. Forcément. Mais moi oui. Alors te fais pas de soucis.
- Ouais… je souffle. Ça me fait un peu peur. Je sais pas comment je vais réagir.
- C'est à dire... ?
Des pas résonnent dans le couloir et Narcis s'agite un peu sous moi. Ça doit faire un moment qu'il est là, avec moi, au lieu de s'occuper des autres.
- Je sais pas... On verra. Juste... Ça me fiche la trouille.
- Tu m'en parleras, ok ? il demande en poussant ma hanche de côté pour pouvoir me déplacer et se relever.
- Oui. Est-ce que je te vois à midi ? Non. Non, c'est trop risqué j'imagine…
- Je verrai selon la situation. Tu te lèves ?
- Pas le choix si je veux qu'il reste du pain et de l'eau chaude… je soupire.
- Mh, le pain, je peux t'en avoir si il en manque. Pas l'eau, il rit de sa voix claire.
Je sens ses abdos se contracter sous mes doigts et il s'est redressé pour poser ses lèvres sur ma joue, les mains toujours sur moi.
- Ça donne envie de rester encore un peu… je murmure. Mais je dois quand même me lever pour prendre ma douche. Bientôt y'aura plus personne pour surveiller, et ça devient dangereux à ces heures-là.
- J'aurais bien aimé te surveiller personnellement mais tu sais, c'est pas vraiment possible, il glisse à mon oreille en frôlant mes reins nus du bout des doigts.
- Ça m'aurait beaucoup plu…
- Allez, debout ! On a une longue journée qui nous attend !
- On se voit demain matin au plus tard ?
Je me pousse et il se relève sur ses pieds.
- Exact. Je trouverai le moyen de te contacter, au cas où. Tu penses à ce dont on doit parler, mh ?
- Ce dont on doit parler ?
Je me crispe un peu.
- Ouais.
Je le regarde déplisser ses habits.
- Ton identité, le sexe, tout ça. Et tout ce dont t'as envie de me faire part. Ok ?
- Okay. On en parlera... La prochaine fois que t'es de soir ou de nuit ? C'est plus simple pour toi. On a plus d'une heure comme ça...
J'entends un petit soupir, il est de dos. Il acquiesce puis se dirige vers la porte.
- Hé, Narcis ! Tu fais quoi comme horaire lundi ?
Je viens vers lui en essayant de pas boiter et passe mes bras autour de son cou. J'aime qu'il soit plus grand que moi. Je me sens protégé.
Ses mains passent sous mes fesses pour me soulever un peu à lui. Il me sourit en répondant que la semaine prochaine, il est d'après-midi. Je hoche la tête et la cache dans son cou. Ça fait mal...
- On pourra mieux parler alors. Je te dirai tout lundi.
Son visage bouge de haut en bas sans qu'il ne me lâche.
- Travaille bien Narcis, je chuchote.
- Passe une bonne journée, il fait dans mon oreille avant de l'embrasser.
Je me débats un peu pour retrouver le sol, et souris doucement. Je goûte ses lèvres une dernière fois et le laisse m'échapper.
- Encore une fois, il demande sans avoir ouvert les yeux.
Je ris un peu. C'est un enfant, mon Narcis. Je l'embrasse encore. Il fait pas un geste pourtant, il sourit juste quand je me retire.
- Je... Je suis content que tu sois là. Tu changes ma vie.
Ses lèvres s'agrandissent un peu plus dans son expression. Il hoche la tête et apporte sa main à ma joue. On se dit au revoir une dernière fois et quelques secondes plus tard, je suis de nouveau seul dans ma cellule.
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