Daniel Twist (45)

7 minutes de lecture

Mardi 12 avril, 5h50.

Je suis réveillé par des caresses sur mon ventre nu, un corps collé derrière le mien. Ses courbes suivent les miennes, en chien de fusil, ses cuisses derrière les miennes, son torse contre mon dos, ses pieds enlacés aux miens. Je souris doucement ; je sais que c'est Narcis. Je reconnais son corps.

Sa main continue de naviguer gentiment sur mon ventre, il parle pas. Je sens son souffle qui tombe parfois jusqu'à ma nuque, chaud. Mes doigts rejoignent les siens pour lui signifier que je dors plus.
Sa bouche souriante se pose alors sur ma peau. Ça me fait frissonner. J'aime ses lèvres. Je hais les miennes.

  • Bien dormi ? il murmure en m'entourant de sa cuisse par dessus les miennes.

Son bras se resserre sur mon torse aussi. Je suis totalement en sa possession, lui qui sourit derrière moi.

  • Je suis bien mieux maintenant…
  • J'en suis ravi.

Il embrasse mon cou cette fois, une petite fois toute douce. Je frissonne encore.

  • Nicolas ? je demande.
  • Je suis allé le voir. Il est bien amoché. Il vous verra une autre fois. Peut-être demain.

Son nez frotte contre mon épaule.

  • Il veut toujours pas ?

Mon coeur se serre. Il devrait pas être tout seul pour vivre ça.

  • Pourquoi il veut pas me voir ?
  • Tu avais envie de voir quelqu'un d'autre toi, quand t'étais prostré à terre, la première fois ? Il veut pas que vous voyiez son état. J'irai le voir le soir. Il dormait encore quand j'y suis allé il y a une heure.
  • Dans quel état il est ?
  • Mal.
  • Ouais. Je m'en doute…
  • Dis, est-ce que tu crois que Wilson pourrait faire quelque chose ? Apparemment il s'est pas mal acharné pour voir Nicolas... Je lui ai laissé un mot. À Wilson, je veux dire.

Il doit se rendre compte qu'il est pas très clair parce qu'il reprend.

  • Tu crois que Wilson pourrait faire quelque chose à Beckett ?
  • À Beckett... Je sais pas. Il est puissant ici Narcis. C'est dangereux.
  • Non, je veux dire, je veux pas. Je lui ai dit de pas le faire.

Son visage repose encore contre ma nuque, son pouce a repris sa danse sage.

  • D'accord, je soupire. Narcis, je suis amoureux de toi. Vraiment. Tu es ma priorité.
  • C'est pareil de mon côté, il murmure contre ma peau avant de l'attraper de ses lèvres tout légèrement.

Je retiens mon souffle une seconde et je reprends une respiration normale. Sa jambe se recale au-dessus des miennes pour me serrer un peu plus fort, puis il recommence.

  • C'était horrible samedi tu sais, je chuchote.
  • Oui. Tu veux m'en parler ?

Sa main s'arrête et ses baisers aussi, mais je sens sa présence chaude et enveloppante.

  • Je sais pas... J'ai, les images qui reviennent... Il était en colère. Il m'a fait faire qu'une fellation mais... C'était encore plus violent que d'habitude.
  • Tu es passé à l'infirmerie ?

Sa main remonte sur mon torse pour caresser ma mâchoire.

  • Non, je tique. J'ai eu mal ici.

Je pose ma main sur la sienne.

  • À la gorge, aussi ?
  • Oui.
  • Tu aurais pu prendre un anti douleur à l'infirmerie, il chuchote avant d'embrasser une troisième fois ma nuque.
  • Ici aussi.

Je passe la main là où il pose ses baisers.

  • J'ai vu.

Il y respire fort puis en ajoute un quatrième.

Il m'a serré la nuque si violemment que ça a laissé des marques. Ça me fait mal quand je bouge, quand je dors. Mais les baisers de Narcis eux me font du bien. Comme s'ils nettoyaient.

  • Je t'aime Danny, il susurre, si bas que je suis d'abord pas certain de ce qu'il a dit.

Et puis finalement j'ai pas besoin de l'entendre. Je sais. Je sens ses mots sur ma peau plus qu'autre chose. Ça fait du bien d'être aimé. Je ressens la chaleur dans tout mon corps.

  • Je suis content que tu parles ce matin, tu sais, il continue sur le même ton.
  • J'en ai besoin.

Il est si proche que je sens même ses cils bouger lorsqu'il ferme les yeux.

  • Ta bouche est si belle que ça aurait été un gâchis de plus l'utiliser à cause de ça, il murmure en redescendant sa main sur mes pectoraux.
  • Je me sens pas de l'utiliser pour quoi que ce soit d'autre, je souffle.
  • Il faut que tu manges.
  • Ça a été vraiment difficile de manger ces derniers jours.

Il se redresse et appuie tout doucement sur mon bras pour me coucher sur le dos.

  • Psychologiquement ou physiquement ?
  • Les deux.
  • Tu as envie de quoi ?
  • De plus jamais subir ça. (Son visage se referme légèrement, j'imagine qu'il essaye de pas le montrer). Je suis désolé. C'est pas ce que tu veux entendre. C'est évident.

Il acquiesce tout doucement puis se rallonge à mes côtés, sur le dos, bras en croix sur son buste.

  • J'ai peur, Narcis. J'ose plus rien faire.
  • Il faut que tu manges, il répète faiblement.
  • J'ai moins mal maintenant. C'est juste, faire passer quelque chose, ça m'y renvoie chaque fois.

Ses yeux se ferment, ses traits sont durs. Il avale lentement, je le vois sur son cou.

  • Et les liquides ? L'eau, les jus de fruits, le lait... ?

Je réprime un sanglot. C'est encore pire. Je secoue la tête.

  • Il faut y aller en toutes petites quantités, il dit un peu difficilement. Te force pas à manger beaucoup, mais mange quelque chose quand même, d'accord ?

Sa tête se tourne de mon côté, il a l'air abattu. Ses doigts se sont enroulés aux miens entre nous. Je hoche la tête.

  • Je vais pas me laisser mourir de faim de toute façon. Faudra bien.

Sois fort, il articule, sa voix passe même pas ses lèvres.

J'acquiesce encore de la tête. Même avaler ma salive est un putain de supplice. J'ai envie de tuer ce type. Et le comble c'est que j'ai promis à Narcis de plus jamais tuer personne.

  • C'est l'heure, me souffle ce dernier après un moment à s'être regardés dans les yeux. Je vais y aller. Je t'aime fort. On se revoit très bientôt.
  • On se revoit ce soir, je souffle.

Il acquiesce et va embrasser mon front en passant par dessus mon corps. Je soupire et me laisse aller à ses caresses. J'embrasse doucement sa peau et m'éloigne. Il sourit et touche sa joue, là où mes lèvres l'ont effleuré.

  • Tu me promets de manger quelques céréales ?
  • Ouais. Je mangerai un peu.

Il me fait un dernier signe avant de partir, puis la porte se referme derrière son visage rassurant.

J'ai envie de l'embrasser. J'en meurs d'envie. Mais je peux pas. Je peux plus. Je peux pas m'empêcher de remarquer que lui n'a même pas essayé de le faire pour me laisser de l'espace. J'y pense un long moment avant qu'un nouveau garde vienne me réveiller à la va-vite.

Je signale que je suis vivant et je me prépare. Une nouvelle journée difficile m'attend...

Je me prépare et sors prendre ma douche rapidement, encore plus que les autres jours pour croiser personne. Je me dirige ensuite dans la grande salle pour le petit déjeuner. Là, j'ai quelques aliments devant moi. J'attrape avec difficulté le paquet de céréales, sans y ajouter de lait.

C'est trop dur rien que d'y penser. J'attrape quelques pétales et les apporte à ma bouche. Je mâche lentement, mais je mâche bien. Ça me fait oublier le reste. Casta est pas là. Wilson non plus. Y a pas grand monde, d'ailleurs.

Je me concentre sur ma bouffe et sur les mots de Narcis ce matin. Sur son inquiétude, sur sa demande. Je mange pour lui. Pour aller mieux. Pour passer au-dessus de ça. Étonnamment, ça marche plutôt bien. J'ai mangé qu'une poignée de Kelloggs mais c'est déjà beaucoup plus qu'hier.

Quand j'ai fini, je file ranger mon plat et je retourne en cellule terminer de me préparer. Quand c'est l'heure de partir au boulot, j'essaye de me remotiver un peu. Ça va me changer les idées, alors j'ai envie d'aller à la ferme. Pourtant, alors qu'on se met en rang pour partir, le garde s'arrête à mon niveau et me prend à part.

  • Jour de repos pour toi Twist. Ordre du chef, il m'annonce. À part si tu veux aller bosser. Mais l'occasion est pas reportable.

Je pince les lèvres et hoche la tête. Tant pis pour la ferme. Je raterai pas l'occasion de rester tranquille.

  • Tu restes là, un collègue va passer te chercher, il me dit avant de retourner finir de compter les autres.

Je m'appuie contre le mur et je patiente. C'est quand même bizarre. Ils ont pas l'habitude de ce genre de faveurs. Après cinq minutes, un autre gars vient me prendre. Je l'aime pas bien, celui-là. Il est indifférent. Il me ramène jusqu'à ma cage sans rien dire, me boucle puis s'en va. Je m'assois sur mon lit, et finalement je m'allonge.

Je dors encore deux heures avant de me lever pour fignoler et terminer le dessin que j'ai pas offert à Narcis la dernière fois. En moins de soixante minutes c'est bouclé, et je suis plutôt content du résultat. Même si la peinture me rend sacrément nostalgique. On s'embrassait, en ce temps-là...

Ça me donnerait presque envie de pleurer. Putain... Je touche le dessin. J'aimerais refaire ça... Quand je pense qu'on faisait même l'amour, que je m'agenouillais à ses pieds... Maintenant j'ai l'impression que c'est une épreuve insurmontable. Il m'est même presque impossible d'éteindre ma lampe de chevet tant je sais ce que la tablette en dessous renferme.

Je m'assois par terre au pied de mon lit, dos contre le mur. Je serre le dessin contre moi. Narcis... J'ai l'impression que je pourrai plus jamais lui faire ce bien. Pourtant il m'a déjà forcé à le sucer Beckett, il m'a même déjà fait pire, ailleurs... Mais là... C'était vraiment trop. Je me sens si sale. Si indigne de Narcis. Comment je pourrais le satisfaire, si je peux même pas avaler trois grains de riz au dîner, comme hier soir ?

Les dents serrées, je signe mon dessin, et puis je le regarde jusqu'à ce que j'en puisse plus. Et naturellement, je finis par avoir mal aux yeux, alors je les ferme, puis je m'endors.

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