Chapitre 3

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Ils n’avaient pas lutté longtemps, ni l’un ni l’autre. Loki s’était approchée du duo, entamant la conversation avec ces deux hommes sans pour autant lâcher son blondinet du regard. Si bien qu’à la première ouverture, elle n’a pas hésité à s’engouffrer dans la faille. Elle ignorait tout de lui, il ignorait tout d’elle, jusqu’à son nom.

Et c’était très bien ainsi, c’était toujours comme ça. Pour chaque conquête qui passait dans son lit pour lui faire oublier Odin ou Baldr avant lui. Juste le plaisir. Les escaliers de l’immeuble ne sont même pas un obstacle jusqu’au deuxième étage quand Loki rejoint la porte de l’un des nombreux appartements que possède la rébellion. Devant la porte, le souffle court, elle jette un coup d’œil vers son amant qui n’hésite pas à venir la plaquer contre la porte pour s’emparer encore de ses lèvres. Elle n’hésite pas non plus à laisser ses lippes s’ouvrir pour qu’il s’en empare plus profondémen. L’étrange chaleur qui s’élance dans son corps est différente de d’habitude mais l’alcool qu’ils ont bu brouille assurément leurs ressentis. Loki se concentre avant tout à ce que sa Cendre ne déborde pas ; il serait dommage de se faire prendre juste pour avoir trop bu, après tout. Elle finit de déverrouiller l’appartement - un petit studio sans prétention - et entraîne son aventure d’un soir à sa suite. La porte refermée, elle s’empresse de récupérer les lèvres du grand blond.

De toute évidence, il est aussi impatient qu’elle ; ses larges mains viennent sur sa taille, l’attire contre lui et semblent enflammer sa peau à chaque respiration. Le bruit assourdissant des battements de leurs cœurs force Loki à réduire son ouïe, se couper des sons pour mieux ressentir les doigts de l’homme venant marquer sa peau nue d’une traînée incandescente. Rarement un homme lui avait fait cet effet là, si bien qu’elle ne s’éternise pas avant de le débarrasser de son t-shirt, dévoilant un torse musclé, aux lignes dessinées avec soin. Elle remarque une cicatrice remontant le long de ses abdominaux, malgré l’obscurité ambiante et les lumières de la ville qui se projettent sur ce corps sublime devant elle. A son tour, la brune retire son débardeur qui laissait déjà voir son ventre et ses épaules..

— Magnifique, souffle-t-il, traînant son regard azur sur le corps de la belle.

— Tu t’es pas regardé.

Un sourire barre le visage du blond, amusé, sans doute. Elle ne complexe pas sur son corps, la Kenaz, même si elle conserve - comme lui, apparemment - quelques stigmates dans une ère où les effacer relève d’une facilité enfantine. Une cicatrice trône dans le creux de sa hanche, vestige qu’elle ne parvient pas à effacer même de son esprit ; également dans son dos se devine une longue strie suivant sa colonne vertébrale. Le regard bleu traîne pourtant sur son ventre, où de fins abdos se devinent, force d’entraînement, tandis que d’un doigt il vient effleurer la peau lésée avant que sa paume ne revienne contre sa hanche, son pouce effleurant la cicatrice.

D’une poussée pour se mettre sur la pointe des pieds, Loki revient l’embrasser, son bel inconnu, avant de le forcer à reculer jusqu’à ce que ses mollets viennent taper contre le lit où elle le fait basculer, venant sur lui, féline. Le sourire du blond se ressent sur ses lippes, ses mains viennent courir le long du dos de la jeune femme, qu’il ramène sur ses hanches puis ses fesses. A cheval sur lui, Loki laisse courir ses mains sur ce corps sublime, offert à elle, détachant un instant ses lèvres de celles de l’inconnu désormais dans son lit. Une large main du blond remonte sur sa nuque, vient caresser sa joue en chassant en même temps les cheveux tombant devant son visage. Leurs bassins se cherchent, Loki sent déjà l’excitation du mec à travers son pantalon qu’elle envisage de défaire d’une main tandis que l’autre la stabilise au-dessus de son amant.

La première vibration à son poignet ne l’arrête pas dans sa découverte de l’Apollon sous elle. Son bracelet de communication se manifeste pourtant une nouvelle fois. Et cette fois-ci, elle râle :

Blyad’ !

Juron russe s’échappe tandis que l’action se coupe court et les laisse tous les deux essoufflés. Les yeux bleus jettent un coup d’œil mutin à Loki :

— T’es russe, toi ?

— Pas tout à fait, argue la jeune femme avec un sourire en se redressant.

Les langues étrangères s’étaient raréfiées au cours du dernier siècle. Depuis bien des années, il était particulièrement rare d’entendre du russe, surtout dans la République. C’était pour ainsi dire très mal vu. Bien installée sur les hanches du blond, qui n’a pas l’air d’être offensé en gardant ses mains sur elle, Loki lit le message qu’elle a reçu.

“02:08 — ODIN

——

Maggie a des infos pour toi.”

Un battement de cœur loupé aurait sans doute le même effet. Elle se fige, alertant l’homme en dessous d’elle.

— Tout va bien ?

Elle a l’impression d’avoir du sable dans la bouche tant ce message d’Odin était inespéré. Elle ne prend même pas la conscience du moment, de l’heure, de l’endroit. Rien ne compte plus que ce message et sa valeur.

— O-oui, faut… faut que j’y aille.

Elle se lève, précipitamment cette fois. Elle récupère son débardeur au sol avec précipitation, les idées agités, l’air presque hagard.

— Je te revois quand ? demande l’homme avec elle.

Elle pince les lèvres, elle a le cœur qui bombarde dans sa cage thoracique et elle est incapable de réfléchir correctement.

— Je… attends.

Elle s’empresse d’attraper sur le bureau un vieux feutre digital pour venir griffonner son numéro de communication, ne voyant aucun bracelet du même genre que le sien sur le blond. Un sourire étire les lèvres du mec, qui s’est redressé sur son coude ; il observe l’écriture bâclée de la belle, en léger relief numérique sur sa peau.

— J’ai pas mieux. Je file prendre une douche, et t’as intérêt à avoir disparu, ok ? lui lance-t-elle en s’éloignant, son t-shirt à la main, avec un sourire.

Un rire lui répond tandis qu’elle va vers la salle d’eau de l’appartement. Le blond lui lance pourtant encore une question :

— J’peux savoir ton nom au moins ?

— Alors que tu sais que je parle russe ? Laisse moi rire ! Je suis pas dingue à c’point là !

Il sourit d’autant plus tandis qu’elle se retourne vers lui et s’appuie contre le cadre de la porte du couloir, le dévisageant alors qu’il tente un argument, inclinant la tête.

— J’en ferais rien, promis.

Le sourire de Loki disparaît peu à peu, se remplaçant par du sérieux alors qu’elle détaille les traits du blond de son œil cendré. L’analyse des micro expressions - une capacité propre aux Kenaz - est une de ses spécialités, ce n’est pas par hasard qu’elle gère le trafic d’informations pour Odin. Ce dernier sera furieux si elle cède, elle le sait. Donner son surnom à ce gars n’engage pourtant rien de plus, si ? Il partira plus vite et elle aussi pour rejoindre Odin et Maggie. Elle analyse mais elle est formelle ; ce type est sérieux, dans sa remarque.

— Rien ?

— Rien de rien. J’ai pas franchement envie de te partager ou de plus pouvoir te revoir juste parce que je t’aurais balancé. C’est pas mon genre.

Encore de la sincérité. Sans parler de cette voix grave qui lui arrache un frisson. Il n’exprime rien d’autre que de la sincérité. Alors l’Ash se jette à l’eau, sans penser davantage à ce qu’Odin en dirait. Qu’avait-il le droit de dire, après tout ? A l’écouter, elle n’aurait pas le droit d’être là avec ce mec qu’elle ne connaissait pas, qui se trouvait à moitié à poil dans ce lit, qu’elle allait se taper il y a encore quelques minutes. Et sans doute qu'anticiper ce que penserait le meneur la pousse davantage à s’ouvrir par esprit de contradiction.

— Toi ? demande-t-elle avec curiosité, lui laissant la priorité.

— Darshan.

En franchissant les portes d’Asgard au pas de course, Loki est surprise de constater que tous dorment encore. Ou du moins, l’ancienne caserne est silencieuse, vide de toute âme. Elle avise l’heure, bien trop tardive, et peste de ne pas s’en être préoccupée avant.

En rejoignant le dortoir, elle sent la présence d’Odin dans la chambre de ce dernier, seul à ne pas dormir, à quelques portes de celle de la jeune femme. Sans surprise, puisqu’il lui a envoyé un message… Elle se faufile jusqu’à sa propre chambre, se figeant quand la porte du brun s’ouvre alors qu’elle passe devant.

— C’était bien votre soirée ?

Elle fronce le nez avant de lui faire face, hochant la tête. Et il reste là, à quelques mètres d’elle, appuyé dans le cadre de sa porte. Elle a un frisson Loki, sans doute à cause de la frustration d’avoir laissé Darshan filé - parce qu’il avait effectivement disparu quand elle avait pris sa douche - mais elle ne bouge pas, restant loin. Et sans doute que s’il était plus près, elle ne résisterait pas à l’envie de le toucher, de le serrer contre elle. Elle se force à taire son cœur qui s’accélère, parce qu’il le sent, elle en a conscience ; c’est ça, son truc à lui. Les Ansuz comme Odin ressentent et peuvent contrôler les battements cardiaques. Soufflant avec nonchalance sur la mèche qui dansait constamment devant ses yeux, la russe croise les bras pour se sortir de cette position figée et mal à l’aise qu’elle avait devant lui :

— Maggie a des infos, alors ?

— On ira la voir demain, confirme-t-il avec un vague hochement de tête.

Loki ne masque pas vraiment sa déception ; un soupir sifflé s’échappe d’entre ses lèvres, tandis que son regard se détourne. Bien sûr, elle aurait dû s’y attendre. Maggie ne la recevrait pas en pleine nuit… et le « on » d’Odin laisse entendre qu’elle n’ira pas seule. Ses épaules retombent pour la première fois depuis le début de cet échange feutré, à voix basse.

— On pourrait parler..? tente l’homme depuis sa chambre, croisant les bras.

Les yeux argentés remontent vers lui puis vers ses onyx. Qu’est-ce qu’ils auraient à dire, après tout ? Elle ne s’imagine pas revenir sur la mort de son père, ou même encore plus tôt, sur celle de Baldr ; ce sont leurs sujets préférés. Et en même temps, elle peste contre cette complicité aujourd’hui disparue. Depuis quand le tient-elle à distance, de peur de souffrir de leur histoire ? Depuis quand se plaît-elle à s’oublier auprès d’autres, à vagabonder de lit en lit ? Depuis quand se perd-elle dans d’autres draps et d’autres bras que les siens ?

— On a rien à se dire, sérieux… tente-t-elle, sans être convaincue elle-même.

Comme un réflexe pour s’occuper les mains, elle vient jouer avec le pistolet qui pend à sa ceinture, contre sa cuisse. Darshan n’a même pas relevé sa présence, trop habitué sans doute ; tout le monde se trainait armé, dans le ghetto. Odin hoche doucement la tête, fuyant son regard. Comme toujours. Loki souffle et transmet ainsi son agacement face à cette situation.

— Ok, bonne nuit alors, glisse Odin avant de se détourner vers sa chambre.

— Rex… commence la brune, attirant de nouveau le regard du géant.

La voilà prise au piège de son impulsion. Elle soupire, Loki, passe une main dans ses cheveux bruns pour les ramener vers l’arrière en se laissant quelques secondes.

— J’aime pas cette situation entre nous.

— Moi non plus, qu’est-ce que tu crois ?

Elle l’entend dans sa voix, elle se voit sur ses traits. Il en chie, qu’elle le malmène comme ça. A souffler le chaud et le froid, à venir vers lui pour mieux le repousser. Et pourtant, elle n’arrive pas à effacer de sa mémoire tous les moments qu’ils ont partagés, tant les défaites que les victoires. Elle n’arrive pas à oublier que, quand elle a failli mourir il y a cinq ans, il était là. Et que sans lui, elle ne serait plus. Il n’y a que lui pour la regarder ainsi, elle le sait. Alors pourquoi elle ne parvient pas à oublier ?

— Écoute… commence-t-elle avant de se figer, peu à l’aise dans les relations sociales.

Elle fait tourner son pistolet sur son doigt et le laisse retomber à son accroche au niveau de sa cuisse. Odin la prend pourtant de vitesse :

— J’ai pas envie de t’enchaîner ou de t’empêcher de vivre. Mais j’ai déjà pris sur moi pour être clair avec toi sur mes sentiment. J’ai besoin de savoir ce que t’as dans la tête Loki.

Elle ouvre la bouche et la referme, incapable de sortir un son. Odin la regarde, puis finit par hocher la tête, déçu sans aucun doute, et rentre dans sa chambre. La brune se flagelle mentalement, blâmant son incapacité à dire franchement à Odin qu’elle l’aime autant que lui ne l’aime, au moins. Mal, elle rejoint sa propre chambre, se laissant tomber sur le dos sur son lit, toute habillée. Le plafond l’obsède un moment avant qu’elle ne se rassoit, nerveuse, et dans un sursaut de colère incontrôlée, elle envoie son oreiller contre la porte.

La mèche sombre danse devant ses yeux, face à son geste. Elle ne peut pas être distraite par Odin, c’est impossible. Se hissant sur ses jambes, elle vient ramasser l’oreiller et pose ses armes sur son bureau.

En se rallongeant sur son lit, elle laisse ses pensées aller aux informations que Maggie doit lui transmettre le lendemain, espérant au fond que ce sera une résolution, une fin marquée à ce chapitre malheureux qui la hante depuis un an. Depuis la mort de Nikola.

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