Chapitre 4

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Le sommeil semble avoir eut raison d'elle quand elle se réveille en sursaut, le soleil déjà levé. Pestant, elle saute de son lit et se rue à la douche. Odin ne lui a donné aucun horaire, mais elle sait Maggie particulièrement occupée. Il s'agit de l'une des plus puissantes femmes d'affaires de la République de l'Ouest et - rien que ça - de la marraine d'Odin. Une femme fortunée au regard acéré qui fait frémir plus d'un, mais également l'un des grands soutiens à la cause des Ashes. Son filleul déshérité par son paternel, elle n'a pas hésité un instant avant de venir en aide sur le plan financier à toute la bande. Loki a suffisamment eut affaire à cette femme, elle sait que Maggie l'apprécie... ou du moins l'appréciait. Très protectrice d'Odin, elle devait aujourd'hui l'accuser de leur relation laborieuse. Fait chier... Elle enfile une tenue suffisamment élégante pour ne pas faire tâche auprès de la femme d'affaire, tout en restant un minimum discrète dans son habit.

Tandis qu'elle finit de se préparer, Hel entre dans sa chambre, talonné par Thor qui, Loki s'en doute, l'attendait depuis un bon moment.

— Alors ? Avec le beau gosse ? demande ce dernier avec un sourire moqueur en se vautrant sur le lit de la belle.

— Rien, répond Loki en accrochant la dernière de ses trois boucles d'oreille au niveau de l'hélix.

— Comment ça rien ?

— Même moi je suis déçu là, glisse Hel en s'adossant à la porte.

Loki marque un temps, passe une main derrière son oreille pour rabattre des mèches lisses qui venaient dans sa vision périphérique.

— Odin m'a appelé. Enfin non, il m'a envoyé un message mais... bref, il s'est rien passé. Elle marque un temps avant d'ajouter : mais je pense qu'on va se revoir.

Thor se redresse sur le lit, visiblement partagé entre son côté commère et son sentiment désinvolte quant au fait que Loki ait lâché l'affaire pour Odin. Pourtant, la brune n'ajoute rien, ce qui fait relever un sourcil à Hel.

— Attends, t'as planté un plan cul ultra canon, et je te cite, vieux, glisse-t-il vers Thor, pour Odin ?

Loki hausse les épaules, les laissant dans le doute tous les deux, un léger sourire flottant sur ses lippes. Hel s'appuie contre la porte avec nonchalance, témoignant de sa lassitude face aux potins qu'il n'aura pas.

— Et ça valait le coup, avec Odin ?

Loki se tourne vers lui, l'air outré. Ce n'est que lorsqu'un sourire moqueur se dessine sur les lippes du médecin de la bande qu'elle comprend qu'il bluffe pour la provoquer. Lèvres pincées, elle finit de se préparer avant de lâcher, en passant devant les garçons pour sortir de la pièce :

— On va voir Maggie.

Hel se décale de la porte tandis que Thor les suit précipitamment, décidé à avoir des explications. Il est cependant interrompu dans son élan par Odin, venant justement dans leur direction. Le regard du meneur ne se pose cependant que sur Loki, la mine aussi sombre que ses yeux de jais.

— Tu es prête ? On peut y aller ?

En se félicitant d'avoir eut un bon sens du timing, la brune salue Hel et Thor, emboîtant le pas d'Odin qui se contente de leur adresser un vague signe. Ils descendent, rejoignant la rue et le grand brun attrape dans le vestibule deux casques de moto, tendant le sien à la belle qui le suit jusqu'à sa moto. Un modèle rétro pourtant amélioré avec le meilleur de la technologie moderne par Thor. La belle Indian est bien loin du modèle plus sport que conduit habituellement Loki mais elle se plaisait toujours de la sensation grisante de cette bécane vintage. Elle monte derrière Odin, son corps collé au sien, et enfile son casque tandis qu'il met le contact.

Filant jusqu'aux quartiers à l'ouest de San Vegas, Loki observe les rues qui se transforment peu à peu au fur et à mesure qu'ils avancent. Des rues étroites, sales et délaissées du ghetto devenu leur territoire, ils foncent vers les rues agréables et spacieuses de l'ouest. La richesse du quartier privilégié l'a toujours rebutée, Loki, dont Odin est pourtant originaire. Elle, à l'inverse, a toujours grandi dans le ghetto, à survivre au jour le jour, d'autant plus depuis que les Ashes étaient traqués.

Odin réduit l'allure quand ils gagnent enfin les quartiers riches - ici les gens roulent calmement - et vient finalement se garer au pied d'un immeuble qu'ils connaissent bien tous les deux. Loki souffle, retire son casque et remet un peu d'ordre dans ses cheveux balayés par le vent, levant les yeux le long de la façade vitrée. Son estomac est totalement noué, la nausée au bord de ses lèvres, elle n'est pas certaine d'être prête. Mais au diable ses doutes ; elle guette sa vengeance depuis trop longtemps. Alors, sur les talons du grand brun, elle entre dans l'immeuble et le suit dans l'ascenseur. Odin est une figure connue par l'accueil quand il se glisse ici, fréquent visiteur de Maggie. Dans l'ascenseur, la brune s'appuie contre la paroi, le regard rivé vers le plafond, tandis qu'il reste sagement droit, les mains dans les poches de son pantalon.

— Tu sais pour hier... commence-t-il.

— Pas maintenant, Rex.

Elle le soupçonne d'avoir envoyé ce message pour l'empêcher d'aller voir ailleurs, pour l'arrêter en l'appâtant par une information qu'elle désire. Son besoin de vengeance occulte la rancœur qu'elle devrait ressentir, bien qu'elle préfère ne pas en parler tout court. Odin tourne le visage vers elle, et la belle baisse les yeux du plafond pour croiser son regard. L'ascenseur finit par arriver, interrompant toute possibilité de discussion, et les portes s'ouvrent sur une belle femme, grande, les cheveux gris remontés en une coiffure élégante.

— Mes petits dieux chéris ! s'exclame Maggie alors qu'ils entrent dans l'appartement.

— J'ai eu des informations à propos de la mort de Nikola par Maître Armori, qui a de nombreux contacts, jusqu'au sein de l'armée.

Installés à la table de la salle à manger devant une tasse fumante de café - une boisson jamais passée de mode - Loki guette la suite du discours de Maggie. Son genou bat la mesure de son anxiété montante, ses doigts jouent nerveusement avec sa cuillère et son regard essaye de rester fixé devant elle. Quand la main d'Odin vient se glisser sur sa cuisse, elle se fige. Maggie perçoit ce mouvement de l'autre bout de la table, de toute évidence, puisqu'elle pose son regard perçant sur la jeune femme:

— L'homme que tu cherches est un lieutenant de la LANCE.

— On sait déjà que c'est la LANCE, rétorque Loki, amère et peu encline à attendre après un laïus interminable. C'était dans leurs locaux.

La tension d'Odin près d'elle sonne comme un avertissement mais elle ne prend même pas la peine de le regarder. Maggie, dont la patience est limitée, est magnanime ; ils le savent tous les deux. La haute dame la jauge du regard mais ne se dérobe pas, même devant les yeux perçant de la Kenaz.

— Les informations que j'ai sont maigres, Loki, poursuit Maggie en insistant sur le prénom de la brune, qui frémit à son écoute. Néanmoins j'ai un nom. Il s'agit du lieutenant Alderson. Il n'est pas dans la région depuis longtemps, environ 2 ans. C'est lui qui a mené l'attaque et qui a tiré sur ton père adoptif quand vous avez sorti Hel.

Loki ne la lâche pas du regard. Elle a un nom. C'est plus qu'elle n'espérait. Elle ne s'attarde même pas sur la pique subtile que glisse Maggie en rappelant que Nikola n'était que son père adoptif. Pour elle, il n'y a avait aucune différence. Abandonnée devant une caserne de pompiers à quelques semaines, c'est Nikola qui l'avait recueilli et élevé toute sa vie.

— Pour autant, conclut Maggie, même s'il a mené l'attaque, ce n'est pas forcément lui le responsable. Tu ne peux pas blâmer un homme quand c'est tout le système qu'il faudrait changer.

— Pourquoi vous ne changez pas ce système qui vous avantagera toute votre vie en laissant crever les Ashes du ghetto ? rétorque Loki, hargneuse qu'on vienne nuancer son envie de vengeance.

— Ne joue pas à ça Tasha.

Cette fois la voix de Maggie porte, en interpellant la jeune femme par son prénom, et la brune jurerait que son cœur s'est figé un instant. Ce n'est probablement pas son imagination quand elle voit la colère dans le regard du tatoué à ses côtés, lui qui restait posément silencieux. La veine de son cou pulse à nouveau. Ses muscles sont tendus, sous les jets d'encre qui parsèment son bras gauche dont il ferme et rouvre le poing. Elle s'oblige à reporter ses yeux vers Maggie, qui soupire :

— Nikola n'a jamais fait les choses à moitié. Je sais parfaitement que tu méprises les résidents de ce quartier, comme lui. Mais n'oublie pas que ce n'est pas seulement à moi de faire changer les choses, mais à vous. Et que j'use bien assez de mes moyens pour vous aider.

Loki n'insiste pas. Lippes serrées, elle se laisse tomber plus sagement dans le dossier de sa chaise, incapable de faire face à sa propre injustice. Elle a perdu son père, et il y a cinq ans, Maggie a perdu son neveu par sa faute. Il n'est pas dans son droit de blâmer la vieille femme pour une inactivité qu'elle invente ; depuis le début, la haute dame les soutient, leurs fournit des fonds et protège son filleul et les siens.

Quand ils quittent la bâtisse, plus tard dans la matinée, Loki n'a pas dit un mot. Elle s'est contentée de remercier Maggie pour ses informations. Au fond, elle était contente qu'avec Odin, ils ne soient pas revenus sur leur relation désastreuse. En rejoignant l'Indian, le grand brun soupire cependant :

— Je sais pas ce que t'as en ce moment, Tash', mais faut vraiment que tu te calmes. Ça va t'attirer des emmerdes avec Mags.

Elle relève les yeux vers les siens, ces iris d'argent si particuliers, uniques même ; elle a l'impression de revoir ce garçon, il y a cinq ans, qui a assisté à son premier combat illégal dans le ghetto avec son meilleur ami. Celui dont, elle le sait, elle a fini par tomber amoureuse. Rien à voir avec le caïd qu'il était aujourd'hui. Elle pince les lèvres et hoche doucement la tête :

— Ça va, c'est rien.

— Tu sais que tu peux m'en parler ?

Elle se mord la lèvre inférieure, hésitante. Comment lui dire que depuis un an, elle rumine de le penser responsable de la disparition de son père ? Émotion partagée, ils sont de part et d'autre de ce fossé entre eux, celui qu'ils ont commencé à creuser il y a cinq ans de ça. Ils l'ont alimenté par les conflits, par les disputes. Ils l'ont nourri par la mort de Baldr et l'accident, par la mort de Nikola qui les a probablement achevés. Odin s'appuie contre la moto, faisant face à la jeune femme ; glissant un doigt dans le passant de sa ceinture, il la rapproche de lui. Loki se laisse faire, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Un instant, elle laisse tomber ses défenses, cette colère qui gronde comme un volcan en elle, véritable orage.

— Je sais que c'est constamment le bordel dans ta tête, mais je suis là, même si c'est compliqué entre nous, glisse le brun, doux, avant de saisir son menton pour relever son regard gris vers lui : Je suis pas ton ennemi princesse, bien au contraire.

Elle acquiesce, le cœur un peu plus léger de l'entendre ainsi poser ses mots. Elle connaît les deux facettes de l'homme devant elle, elle sait aussi qu'il ne lui fera jamais de mal.

— Tu sais que Thor m'appelle comme ça aussi ?

— J'étais le premier à le faire, rétorque-t-il d'un sourire amusé. Ça te dit qu'on prenne un peu de temps pour déjeuner ?

Loki hausse un sourcil, surprise. Lui qui d'habitude est à la poursuite de sa rébellion, à redoubler de prudence pour leur sécurité, elle s'étonne qu'il propose une sortie comme si tout allait pour le mieux et que leur peuple ne se faisait pas attaquer de toutes parts.

— Et Asgard ?

— Freya gère, on a peu de chance qu'il se passe quoi que ce soit à Asgard en quelques petites heures, et puis on a besoin de se retrouver un peu, tous les deux si t'es d'accord.

Les coins de la bouche de Loki se rehaussent et elle acquiesce. Une pause, c'est ce dont elle a cruellement besoin, la brune. Odin dépose un baiser sur son front, et elle a le sentiment de respirer, tout à coup. Comme si leur guerre pour la protection de leur peuple prenait une pause. Le tatoué se détache et remet son casque ; elle l'imite avant d'enfourcher la moto à sa suite, les bras passés autour de sa stature. Odin démarre, s'élançant vers la frontière.

Ils sont en route depuis moins de dix minutes, à presque trois kilomètres de l'orée du ghetto, quand l'ouïe de Loki capte un son qu'elle reconnaît. Elle vient presser la cuisse d'Odin qui, sentant sans aucun doute son stress, s'immobilise sur le bas-côté. La brune enlève son casque, concentre sa Cendre vers les sons, à la recherche de ce qu'elle a entendu. L'homme devant elle lui jette un regard par-dessus son épaule, silencieux, jusqu'à ce qu'elle tourne la tête vers la droite. Aucun doute possible.

— Il faut qu'on y aille ! lance-t-elle en remettant son casque. J'entends des cris là bas, prends à droite tout de suite !

Odin s'élance, redémarre la moto et rapidement, ils sont arrêtés par un barrage de flics. Ils sont loin mais Loki discerne la scène de sa position ; des soldats armés sont en train de forcer l'évacuation d'une spacieuse maison, à coup de bombes incendiaires. Et l'uniforme ne les trompe pas : la LANCE est en pleine intervention de nettoyage d'un camp clandestin de Ashes.

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