Conscience
Samedi 3 Juillet 2021
7H00
Et s'il suffisait uniquement de le vouloir pour le vivre? S'il suffisait seulement d'y penser fort, d'y penser très fort, jusqu'à ce que l'on obtienne ce que l'on désire? Ce serait trop facile, vous me direz.
Le monde ne serait que chaos et destruction. Vous imaginez si en un claquement de doigts, tout apparaissait? Le bazard le plus total non? Et là... Détrompez-vous si vous pensez que c'est impossible. Contredisez ceux qui vous affirment le contraire du possible. Ceux qui vous imposent des barrières, des limites; ceux qui vous accrochent des sceaux au cou, ceux qui réduisent vos champs des possibles.
Car rien n'est impossible, à moins que vous ne l'ayiez souhaité ainsi.
Mais excusez-moi, je m'égare. Je suis juste... Marquée par ce livre sur lequel je suis tombée, par le plus grand des hasards. La Loi de l'Attraction. Ca tape, pas vrai?
Je marchais, perdue dans mes pensées, et lorsque j'ai vu une de ces nombreuses mini bibliothèques, la couverture m'a attirée. La boîte elle-même, m'a attirée, voyez-vous? J'ai du en dépasser une bonne demi-douzaine, et à cet instant, quelque chose, quelqu'un, un changement de température, de force du vent, le chant d'un oiseau... Tout, me poussait à ouvrir cette boîte précisemment. C'est ce que j'ai fait d'ailleurs.
J'ai donc ouvert cette boîte, ouvert ce livre, et ouvert mon esprit.
Il est actuellement sept heures trente, et je vous déclare qu'aujourd'hui est le premier jour de ma vie. Le premier jour de ma nouvelle vie. Le premier des derniers jours qu'il me reste à vivre.
J'ai décidé, ce matin, pendant que ce train m'éloigne de Lui, que je vivrai ma vie pleinement et jusqu'au bout, car personne ne sait de quoi demain est fait. Personne ne sait comment seront nos lendemains.
Ce train qui m'emmène au fin fond d'un petit village au pied des Pyrénées. Je suis censée y rencontrer une vieille femme, à qui je tiendrai compagnie pendant deux petites semaines.
J'ai vu des photos de sa maison sur le site d'aide aux personnes âgées, et je vous avoue que c'est vraiment pas mal.
Plutôt retirée, au milieu de fleurs rouges jaunes et violettes, avec des petits ruisseaux qui coulent de partout, c'est une sorte de petite chaumière assez calme et à l'air appaisant.
Mais pourquoi tous ces changements? Pourquoi le récit que je vous fait de mon histoire, change-t'il aussi brutalement? Pourquoi tout cela devient-il aussi bizarre? Aussi lent, aussi calme?
Alors je vous expliquerai pourquoi. Je vous expliquerai ce qui a changé ma façon de penser en une fraction de seconde. Ce qui a changé ma vie, mon destin, mes pensées, et mes sentiments.
En quoi, et surtout pourquoi - c'est la question que je me pose - ce livre m'est apparu à moi, à ce moment là.
Pourquoi cette boîte précisemment? Pourquoi la couverture m'a-t-elle attirée comme j'aurais été attirée par une source de chaleur en hiver? Pourquoi m'est-il apparu après l'avoir rencontré? Après m'être donné, offerte à lui? Après m'être perdue dans ses yeux bleus, malgré toutes les barrières et les chaînes que je me suis moi-même imposées?
Laissez-moi commander un chocolat chaud et je vous raconte tout ça en détail.
C'était il y a deux jours. Ou trois, je ne m'en souviens pas. A vrai dire, je n'ai pas vraiment la notion du temps, et puis... Il s'est passé tant de choses en si peu de temps!
Premièrement, j'ai découvert que marcher la tête plongée dans un livre, est une très mauvaise idée. Vous avez l'impression d'avoir lu uniquement trois petits mots, mais en réalité, vous vous retrouvez des kilomètres plus loin, en ayant avalé un tiers de votre bouquin.
Deuxièmement, l'adrénaline pousse à des choses incroyables! J'ai sauté une grande rembarde avec mon sac et mon manteau dans une main, une bouteille de voka dans l'autre. Je la portais comme un bébé d'ailleurs.
Comme un véritable poupon.
Ensuite, une des dernières choses les plus importantes, avec lesquelles j'avais beaucoup de mal : les Inconnus.
Pourquoi les inconnus? Que m'est-il arrivé de bien avec les inconnus? Voyons voir...
Tous ceux que j'ai rencontré, à part ces lourdeaux forceurs; étaient tous très sympatiques. J'ai quand même conservé mon côté sauvage et aux aguets, mais je vous avouerai que j'ai énormément abaissé mes barrières, mes remparts, et donné retraite à mes fortifications.
Cet homme aussi... Comment s'appelait-il? Etham? Non... Noham? Mohan? Othan? Argh... Je ne sais pas... Je sais, enfin je crois que cela sonne un peu de cette manière. Il avait un prénom assez particulier, avec un phonétique originale, contrairement à l'ordinaire.
Pour tout vous dire, cet homme arrivait en marchant sur la plage, pile en face de moi, et il m'a abordé. Chose étonnante, je l'avoue, je ne l'ai même pas envoyé balader, et j'ai même discuté avec sympathie, avec ce jeune homme. Son âge? Je n'en n'avais pas la moindre idée.
Je mangeais mes financiers, et je me souviens de son rire lorsque je lui ai dit que j'en avais déjà mangé deux, et qu'il m'en restait encore deux dans mon sachet en papier, plus un cookie, que je n'ai, d'ailleurs, jamais mangé.
Son regard incrédule aussi, lorsque je lui ai dit d'où je venais, et pourquoi une énorme balaffre barrait mon mollet dans la diagonale, sur presque toute sa longueur.
Je ne me souviens pas de tout, je ne me souviens même pas de son prénom; mais je me souviens de cette phrase. Et je pense que cet homme n'était pas sur ma route par hasard. Nous n'avons pas marché ensemble par hasard non plus. Avec le recul et surtout depuis que j'ai ouvert ce livre, je me rends compte qu'il fallait que je tombe sur cet homme; il fallait que je le rencontre. Il m'est apparu, puis il a disparu.
Je crois en mes intuitions, en mes pressentiments, mais maintenant, je me rends compte que c'est un signe bien visible que l'Univers a déposé sur Terre en mon intention.
"Tous ces gens que tu as recontrés, ce sont des amis de passages, en fait... C'est comme toi et moi; à l'instant même, nous nous parlons côte-à-côte, mais si cela se trouve, dans cinq minutes, nous serons déjà chacun de notre coté; nous nous oublierons au bout de quelques jours."
J'ignore la raison, mais cette phrase tourne en boucle dans ma tête depuis quelques heures. Elle tourne, tourne et tourbillone, sans avoir l'air de vouloir s'arrêter.
"Passage"...
Tout ne serait qu'éphémère?
...
"Mademoiselle, désirez-vous autre chose?
_ Pardon?"
Une voix me tire de mes pensées, et je lève la tête vers la dame en uniforme.
"Oh, excusez-moi, j'étais... Ailleurs.
_ Il n'y a pas de mal, souhaitez-vous un autre chocolat?
_ Volontiers..."
16H45
L'air est si pur ici... Je m'endormirais sur le sol, allongée dans l'herbe, avec un bon livre sur une romance entre un jardinier et une fille de comte ou alors une duchesse anglaise... Les histoires d'amour impossibles sont si belles... Et je mets tant de pause entre mes phrases... Je suis vraiment au ralenti, ce n'est pas croyable. Si je reste là à rêvasser, ma vieille dame aura le temps de mourir de faim quatre ou cinq fois avant que je n'atteigne sa jolie petite demeure.
"Excusez-moi?"
Un grand homme roux à la moustache plutôt imposante du style "Mon Colonnel", se retourne vers moi, une grande choppe de bière -je suppose- à la main.
"Que voulez-vous ma p'tite dame?
_ Je voulais savoir comment accéder à la maison de madame..."
Je sors ma carte de ma poche, et tente de déchiffrer mon écriture.
"Madame Odette Jones.
_ Oh! Tu es la nouvelle fille de Odette!
_ Je suppose, oui; ça s'est fait à la dernière minute, alors je n'ai pas eu le temps de m'organiser comme je voulais."
Il me prend par l'épaule et m'entraîne sur une place à l'avant du village.
"Alors ma p'tite, tu traverses le petit pont en pierre qui est là, ensuite tu grimpes le sentier tout le long là, et tu arriveras à la station du téléphérique. Le gardien est toujours entrain de pioncer, alors si il n'est pas là, il suffit juste que tu rentres dans la cabine, tu actionnes la manivelle, il y a quelques boutons à enclencher, mais c'est bien indiqué, et ensuite tu grimpes dans la boîte et hop! Dix minutes en l'air, et t'atterrira de l'autre côté du lac.
_ Ok, et ensuite, où dois-je aller?
_ On ne la voit pas d'ici, mais il y a une grande vallée avec plusieurs ponts en pierre. Tu verras la maison en arrivant du ciel, et il suffira juste de marcher quelques mètres, et tu entreras dans son jardin, si on peut appeler ça comme ça. Après tout, quasimment toute la vallée lui appartient, à la vieille Odette. Tu t'y plairas là-bas, ma p'tite. En plus t'as pas l'air comme les autres, je peux te dire que tu passeras des heures et des heures assise sur une chaise à bascule face à la grande étendue d'eau et la montagne.
_ Je vous remercie vraiment.
_ Oh, il n'y a pas de quoi. Portez vous bien ma p'tite demoiselle. Revenez nous voir pour acheter le pain demain matin, elle l'adore lorsqu'il est bien chaud et croustillant! N'allez surtout pas dans la boulangerie du vieux grincheux en bas, il vous la fera le double du prix.
_ Merci alors! A demain!"
Je m'éloigne alors avec mon énorme sac sous le bras, contente d'avoir remplacé ma valise par cet énorme morceau de tissu.
Pour un premier aller, il est vrai que je suis assez chargée, mais il est hors de question que je laisse mon panier dormir dehors.
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