Au commencement...

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Mon histoire commence dans une lumineuse forêt. Une jeune fille - quinze ans peut-être - galopait sur une jument sombre comme la nuit. Un peu plus loin, un éclair fauve bondissait de ci de là. La jeune chasseresse tendit une main vers le carquoi de son dos : cette biche serait sa proie. Elle banda son arc. Visa. Lâcha la corde. La flèche atteignit sa cible en plein coeur. L'animal trébucha et s'effondra au pied d'un chêne. La jeune fille sauta au sol pour surplomber sa proie mourante. Immobile, elle ne la lâchait pas des yeux afin de ne pas rater cet instant exaltant où la biche passerait du monde des vivants à celui des morts. Son visage pâle, encadré par une longue chevelure de feu, faisait ressortir encore plus les deux iris aussi noirs que de l'obsidienne. Il y brillait une lueur farouche, une lueur de victoire. Ses lèvres rosées formaient un fin sourire qui prenait des airs de défi.

La chasseresse s'agenouilla et, posant sa main sur le front de sa proie, pria silencieusement le dieu Cernunnos, la divinité protectrice de la nature et le gardien des portes de l'autre monde, le remerciant de cette prise et lui demandant de bien vouloir accepter l'âme de cette biche.

Alors seulement elle se releva et attacha la bête à la croupe de son cheval. Elle ne se pressa pas, sachant pertinemment ce qui l'attendait à l'arrivée.

Et en effet, elle ne fut pas déçue, son accueil fut à la hauteur de ses attentes : la comtesse sa mère était postée bien en vue devant les portes de sa demeure. Ses bras croisés et son visage fermé ne laissaient rien présager de bon.

"Maïwen Astrid as Bánfíáin Bláth ! Puis-je savoir ce que vous faites avec le cadavre d'une biche sur votre jument ? NE serait-elle pas plus heureuse dans son écurie ?

- Euh... Je...

- Un peu de diction, je vous prie !

- Je voulais juste...

- Vous vouliez ? répéta la comtesse, pour qui cela semblait être le comble de l'indécence. Et que vouliez-vous au juste ?

- Abnoba n'était pas sortie depuis si longtemps, essaya de plaider Maïwen.

- Laissez votre jument hors de toute cette histoire. Je doute fort que l'idée de chasser lui soit venue seule.

- Non...

- Bien. A présent, veuillez la confier à un palefrenier et suivez moi sans plus un mot."

La jeune fille obéit en silence à sa mère. Elles parcoururent la demeure et arrivèrent enfin à un délicat jardin cloturé par un haut mur où grimpaient rosiers et glycines. Le paysage était enchanteur, certes, mais Maïwen était insensible à ses charmes : elle trouvait plus de beauté dans la nature sauvage que dans celle-ci, bien trop artificielle à son goût. La comtesse guida sa fille jusqu'à un banc auprès duquel une harpe avait été posée. Maïwen ravala un grognement : elle avait détruit le précédent instrument mais il fallait croire qu'il avait vite été remplacé. La jeune fille s'approcha de sa place, tentant de retenir sa frustration. Dieu, qu'elle détestait la musique ! C'était pour elle une activité bien trop futile. En plus, elle chantait faux.

Puis, subitement, Maïwen pensa que, si elle obéissait à sa mère, peut-être qu'elle serait ensuite plus clémente. Elle s'assit alors sur le banc et tenta de sortir quelques notes discordieuses de la harpe. La comtesse se réjouit de cette soudaine résignation, croyant, bien qu'à tort, qu'elle venait de leur prise de tête survenue plus tôt. La comtesse avait une autre fille, Eleona, pour qui l'éducation avait été plus simple que pour Maïwen, aussi était-elle bien surprise par la combativité de sa cadette, par ailleurs absente chez son fils Tudor. Elle secoua la tête. Les dieux celtes avaient dû se tromper entre sa cadette et son benjamin : voilà que sa fille voulait devenir chevalier et son fils poète !

A partir de cette matinée, les jours se suivirent, identiques en tout point. Aucune dispuste ne troubla le calme silence de la demeure.

Un jour d'hiver, plusieurs mois après sa dernière altercation avec sa mère, Maïwen décida de passer à l'action. Elle lui demanda l'autorisation de rejoindre son père à Camelot où il était chevalier. La comtesse accepta, pensant que sa fille lui reviendrait vite, cette dernière n'aimant guère les villes, leur préférant de loin les forêts. De plus, elle ne voulait pas mettre à l'épreuve la nouvelle docilité de sa fille.

Trois jours passèrent. Maïwen partit avec deux compagnes qui, bien que fidèles, lui parraissaient bien trop couardes. Mais, puisque c'était une condition sine qua non, Maïwen accepta.

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