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Ruines
Des abominations flottaient aux abords des ruines d’une bâtisse, là où Manuella aurait caché son butin, comme Robert le mentionnait dans son journal. Leurs bouches dégeulasses s’ouvraient en grand, lâchaient de profonds râles et leurs dents noircies, des morceaux de chair s’y trouvaient. Les corps se mouvaient avec aisance, suivant instincts et l’odeur alléchante de deux personnages essayant de s’approcher au maximum des ruines.
— Si j’y vais, elles vont me sauter dessus, souffla Clark, concentrée sur les bêtes qui gardaient le trésor. Pourquoi ne peut-il pas le prendre lui-même ?
— Il pourrait, chaton. Mais c’est à toi de réparer les conneries des fondateurs de ton clan.
Clark soupira. Elle observa longuement les immondices qui peuplaient l’eau. Elle se pencha, attrapant quelques morceaux terrifiants de cadavre avec ses mains et se les tartina sur le corps sous le regard amusé de Torm.
Par la suite, la jeune femme vint se jeter à la flotte, se mpelant aux bêtes. Torm esquissa un sourire narquois, son regard se posant sur une silhouette à l’allure inquiète à demi-cachée par un peuplier. Clark apparut aux abords des ruines. Elle se hissa à la surface prenant gaffe à ne pas toucher une seule des abominations.
Le dessin de l’artefact en mémoire, elle se mit à fouiller dans la chapelle. Les abominations, néanmoins, se rendirent de la supercherie et se hâtèrent à sa rencontre. Elles s’élevaient hors de l’eau agitant leurs appendices tout en poussant des cris stridents. Elles bloquèrent toutes les sorties. Clark tentait de ne pas céder à la panique alors qu’elle déversait des étagères, offrait des coffres et feuilletait chaque livre.
Puis, quand les créatures vinrent se coller à elle comme des sangsues, son regard s’illumina en apercevant l’artefact. C’était une lyre poussiéreuse dont l’une des cordes était cassée. Les abominations ouvrirent leurs grandes gueules et les refermèrent sur ses bras, son cou et ses jambes. De leurs dents déroutantes, un venin s’écoula. Clark se jeta sur la lyre, effleurant une mélodie stridente, et tenta tant bien que mal de se dégager.
La jeune femme se fraya un chemin jusqu’à la sortie. Elle sauta dans l’eau et rejoignit Torm qui l’attendait avec un homme qu’elle reconnut immédiatement.
— Enfin… souffla Apollo, claquant des dents. Louisiane-sous-Bois est de nouveau protégé par mes créatures, qui ne tueront plus personne. Par contre, quelques-unes des abominations resteront.
— C.. Comment ça ? bégaya Clark, confuse.
N’avait-elle pas réussi à ramener la paix ?
Apollo ne lui répondit pas, se contentant de disparaître. Torm esquissa un rictus amusé, se penchant vers la jeune femme dégoulinante de merde et de chair.
— Le père de ton ancêtre, Robert, a offensé le Lightbringer, lui-même, jetant une malédiction sur ton clan.
— Le Lightbringer ? bredouilla Clark, penaud.
— Lucifer.
L’humain eut un mouvement de recul. Ses yeux s’écarquillèrent, d’abord, de surprise puis vint l’horreur. Toutes les pièces du puzzle se mettaient en place.
— Le rachat de dette, c’est mon truc. Sa Majesté n’a guère intérêt à s’occuper d’une si petite affaire, alors je l’ai racheté.
— C’est encore moi qui paye les pots cassés ! râla Clark, saisissant les rames.
Torm eut un petit rire.
— En effet, ta grand-mère est décédée quand ton père n’avait que onze ans. Et comme tu le sais, celui-ci est mort, donc c’est à toi que cette tâche revient.
— Que dois-je ?
— Être ma partenaire de jeu.
Clark ne comprit pas l’allusion de sa colocataire tout de suite. Puis, elle piqua un phare tout en commençant à ramer.
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