Investigations
Syreene avait réussi à demander à une autre équipe de venir leur porter main forte dans les sous-sols de la ville. Le commandeur était toujours introuvable malgré l’ampleur des recherches.
Des échantillons de la substance étalée sur le sol avaient été prélevée et une étude sur les appareils retrouvés était en cours. Plus l’enquête avançait et plus des questions se soulevaient pour les Rangers.
Le capitaine était dans le fond de la pièce, cherchant la moindre sortie ou ouverture. Un agent vint la voir :
— Capitaine, nous avons terminé les recherches. Il n’y a aucune possibilité de sortie à part là où nous sommes entrés. Même dans les couloirs aux alentours, il n’y a aucun autre passage.
— Non, c’est impossible ! répliqua-t-elle. Il y avait des sans-lumières de niveau supérieur quand nous sommes arrivés. Et le commandeur Rayzen n’a pu aller ailleurs. Demandez à Buster et Gilz. Et au Ranger Drey qui était avec lui.
— Pourtant nous n’avons rien trouvé… Même nos appareils n’ont rien trouvé… les rayons X non plus.
— Bon sang ! C’est à n’y rien comprendre…
— Rien ne nous permet de savoir si le commandeur Rayzen était bien là, s’il a été capturé… Tout ce que nous avons, c’est ce liquide étrange et ces machines hors d’usage.
Syreene soupira. Même si elle en parlait au général, les ordres seraient de sceller l’endroit et de rentrer en QG. Elle n’avait pas le tempérament de son supérieur pour tenir tête au général et imposer ses actes.
— Très bien, finit-elle par dire. Envoyez les échantillons au laboratoire et condamnez l’endroit. Faites-moi un rapport détaillé dans les plus brefs délais.
— Bien capitaine !
Syreene regarda en l’air, espérant trouver la moindre faille dans le mur sombre. Il n’y avait absolument rien…
— Pardonne-moi, Rayzen…
Les équipes s’en allèrent et posèrent un scellé sur l’entrée.
Un peu plus tard, le capitaine Sanders se rendit à son bureau, attendant de voir si des nouvelles lui parvenait. Il n’y avait rien. Seulement des messages de Trekker sur le déroulement du stage des scouts qu’elle n’avait toujours pas lu.
Peu lui importait, elle avait confiance. Ce qui l‘inquiétait le plus c’était la disparition de Rayzen. Elle ne savait malheureusement pas quoi faire pour cela. Il n’y avait aucun indice lui permettant de faire des recherches.
Elle avait malgré tout lancé un état d’alerte, espérant que cela puisse aboutir à quelque chose.
Ce n’est qu'après quelques heures qu’un appel lui redonna espoir. Quelqu’un aurait aperçu un homme correspondant à la description du commandeur errer dans la périphérie de la ville.
Sans perdre un instant, elle prit deux Rangers avec elle et se rendit immédiatement sur place. Ils cherchèrent dans toutes les rues du quartier et ils finirent par tomber sur…
— Rayzen ! s’écria Syreene en se précipitant vers lui.
Il était allongé par terre. Apparemment, il s’était trainé sur quelques mètres avant de s’écrouler d’épuisement. Sa respiration était lente et son teint blafard… Syreene reconnu tout de suite les symptômes.
— Qu’on appelle d’urgence les secours du QG ! ordonna-t-elle. Le commandeur est en baisse de lumen !
Elle posa ensuite ses mains et tenta de lui transférer un peu de sa propre lumière pour le maintenir en vie en attendant les secours.
Galata et Jane étaient sortie de la grotte avec toute la prudence nécessaire pour ne pas être suivit par l'affreuse créature qui était venue les interrompre dans leur bain. Celle-ci farfouillait dans les différents bassins à la recherche de la vase contenue dans le fond. Elle avait l'air tout à fait inoffensive mais les deux jeunes filles ne cherchèrent pas à le savoir.
Ayant chacune deux balises en poche, leur objectif était à porter de main, à condition de pouvoir récupérer ce qui leur manquait. Analyser le radar n'était pas chose facile car la précision avait une marge d'un rayon de quatre ou cinq mètres. De plus, la zone visible sur l'écran ne représentait qu'une petite partie du lieu d'exercice, bien qu'elle représentât un périmètre assez long à parcourir.
Sans parler de la fatigue et de la faim qui les affaiblissait de minutes en minutes.
— Il nous faut à manger, décréta Jane en se tenant le ventre.
— Entièrement d'accord, admit Galata. Si seulement on avait été plus prudente sur nos rations…
— Ce n'était pas nourrissant leurs rations ! Et puis, c'était dégueu…
— Il nous faut de l'eau aussi… s'il y a des sources chaudes, il y a peut-être une source d'eau potable dans le coin.
— Mais la question est : que mange-t-on ? Du végétal ou bien… ?
— Hors de question que je tue un animal ! s'exclama Galata avec effarement ! J'en suis incapable, bien que je sois friande d'une bonne viande… grillée à point… dans du jus frémissant… avec des frites… Gaaaaaaah…
— Galy ! Arrête ! J'ai faiiiiiiiiiiiiim !
— Je veux un resto ! Un méga big tacos triple dose de viande et sauce ! Je veux un plat de sushis avec de l'aigre-douce ! Je veux un barbecue ! Je veux… AÏE !
Jane venait de lui mordre le bras.
— Mais tu es folle ?
— Faim… j'ai faim… tu ressembles… à un sushi… appétissant…
— Je ne suis pas un sushi ! Reprends-toi ou… !
Voyant la folie dans le regard de son amie, elle ne put s'empêcher de lui donner une gifle pour lui remettre les idées en place.
Jane ne dit rien mais elle baissa le regard.
— Ça va mieux ? lui demanda Galata.
— Oui… mais c'est de ta faute ! Tu parles de nourriture alors qu'on n'a pas mangé depuis hier et…
Un bruit de craquement suivit d'un bruissement de feuilles venant de la végétation proche alertèrent leurs sens. Immédiatement, elles se mirent en position de défense.
Quelque chose approchait dans leur direction. Impossible que ce soit la créature de tout à l'heure, cela semblait bien moins massif. Peut-être encore un jaggopard… non, pas assez discret.
— Qu'est-ce c'est ? marmonna Jane.
— Je ne sais pas…, souffla Galata. Tiens-toi prête…
— Mais je n'ai plus beaucoup de force…
— Moi non plus…
Un jeune garçon émergea subitement de derrière les fourrés.
— Doug ! s'exclamèrent les filles d'une seule voix.
C’était l’un de leurs camarades. Le jeune homme était un peu enrobé mais très endurant. Il avait ses joues rosies par l’effort et transpirait dans la chaleur humide. Ses cheveux blonds étaient plaqués sur sa tête et il s’appuyait sur une branche qu’il avait trouvé.
— Oh ! Les filles ! Ah que je suis content de vous voir !
— Tu nous a fait peur ! gronda Jane. Mais je suis soulagé que ce n’est que toi…
— Merci ça fait plaisir, souffla Doug, déçu.
— Oh, Doug… est-ce que tu as de la nourriture ? supplia Galata. On est affamée…
— Oui je suis allé à la cueillette hier, j’ai encore des provisions…
— La cueillette ? Mais comment sais-tu si c’est comestible ?
Doug afficha un sourire de fierté. Il s’avança vers les filles et posa son sac avant de l’ouvrir pour en sortir différentes choses.
— J’ai vécu en pleine nature sur Korey toute mon enfance, dit-il en ouvrant un petit paquet fait de feuilles pliées. Mon père possédait une bioserre immense avec la majorité des plantes qui poussent ici. La raison est simple : mon père a participé à la terraformation d’Alkor. Et comme je venais souvent l’aider, j’ai beaucoup appris sur les plantes. Tenez, mangez ça…
Il leur tendit une grappe de petits fruits rouges collés les uns aux autres.
— C’est une chance de t’avoir trouvé ! soupira Galata de soulagement.
Elle goûta un morceau… et fit une horrible grimace.
— C’est acide ! s’exclama-t-elle. C’est immangeable !
— Je sais mais c’est plein de vitamine et de protéines végétales qui vous aideront à supporter l’effort. Et c’est très nourrissant.
Galata se força à manger mais l’acidité du fruit lui fit grincer des dents. Jane était dans le même état. Elles finirent de les manger malgré tout tant la faim les tenaillaient.
— Je vais vous préparer un petit repas chaud, dit Doug en sortant une sorte de casserole faite en argile.
— Où as-tu dégoté ce truc ? demanda Jane.
— Je l’ai fabriqué… Il y avait de l’argile là où j’ai atterri. Pour moi, la survie importait en premier et comme j’aime cuisiner… J’ai fait trois bols et une cuillère. Et en plus, c’est comme ça que j’ai trouvé ma première balise.
Galata était impressionnée par son savoir-faire. Elle ne savait pas grand-chose de lui. Pendant les entrainements, il s’était montré bon garçon, réservé mais serviable, avec une légère maladresse. Il lui arrivait parfois d’être moqué par les autres ou réprimandé par le capitaine Sanders sans pour autant avoir le rôle du cancre.
Après avoir allumé un feu, Doug leur prépara une sorte de soupe au goût légèrement amer. Cependant, les filles se sentirent mieux après avoir mangé.
— Je nous ai fait un mixte des meilleures plantes que j’ai pu trouver, expliqua-t-il. Et j’ai même ajouté quelques aromates.
— Ce n’est pas mauvais, dit Jane en reposant son bol. Ça manque de viande mais…
— J’aurai pu chasser mais on nous a interdit de toucher à la faune locale. Mais question végétation comestible, il y a ce qu’il faut pour survivre.
— A condition de le savoir, soupira Galata. Je n’y connais rien question survie… Mon maître ne m’a jamais rien appris là-dessus…
— Ton maître ? s’interrogea Doug.
— Celui qui m’a appris les arts martiaux. C’est un Space Ranger lui aussi. Je sais plus quel grade il a mais c’est quelqu’un d’important… Je crois…
— Ah oui ? Comment il s’appelle ?
— Rayzen.
Doug failli s’étrangler en avalant sa soupe.
— Tu as dit Rayzen ?
— Oui…
— Le Rayzen ?
— Je crois qu’il n’y en a qu’un…
— Le grand Rayzen ?
— Il n’est pas petit mais…
— Est-ce que tu te rends compte de QUI il est ?
— Heuuuuuuu…
— C’est le commandeur Rayzen ! Un grand héros de la galaxie ! Un homme qui n’a peur de rien !
— C’est lui qui a tendance à faire peur aux autres…
— Quelle chance tu as ! s’exclama Doug, les yeux pétillants. Tu t’es entrainé avec le grand commandeur Rayzen…
— Si ça peut calmer tes ardeurs, ça n’a pas été une partie de plaisir…
— Tu dois être drôlement forte ! Et tu crois qu’il me donnera un autographe si je lui demandais ?
— Heu… je ne parierai pas là-dessus mais si tu veux lui demander, ne te gêne pas.
— Mais pourquoi il est si… exceptionnel ? demanda Jane.
— Ne me dites pas que vous ne connaissez pas les hauts faits du commandeur Rayzen ?
— Bah si ! répliquèrent les filles.
— Mais enfin ! C’est lui qui a permit de faire évacuer la planète Terre lorsqu’elle est devenue inhabitable ! Qui a remporté la bataille de Kore-Aven ! Réussi à repousser les sans-lumières sur Golbak ! Et… et plein d’autres !
— Ça ne me dit absolument rien, dit Galata en réfléchissant. Il ne raconte rien sur sa vie…
— Mais c’est dans les livres d’histoire ! On ne vous a pas appris ça à l’école ? Vous êtes d’Energy City pourtant ?
— Oui mais… on a plutôt étudié les grands faits de l’histoire, pas des personnes en particulier.
— Mais quand même… Le commandeur Rayzen quoi !
Galata était très surprise d’apprendre que son maître était un héros de guerre. Comme ce dernier ne disait rien de sa vie. Mais elle ne comprenait pas pourquoi il était comme ça, aussi distant et froid. Il devait avoir vécu un événement traumatisant. Et sa réaction face au monument dédiés aux Space Rangers morts en faisant leur devoir…
— Combien de balise as-tu trouvé ? demanda Jane après un moment de silence.
— Oh, j’ai trouvé mes trois balises depuis deux jours.
— Hein ? s’étonna Galata. Mais qu’est-ce que tu fiches encore ici ?
—Eh bien… comme je me doutais que certains auraient du mal à survivre, je me suis mis en tête de les aider tout en progressant doucement vers le but final. J’ai croisé Glen, à moitié mort de faim lui aussi. Et aussi Benny, mais lui il s’en sortait mieux.
Galata eut un sentiment de contentement en sachant que Glen a eu lui aussi des difficultés.
Bien fait pour lui !
— Il me semble avoir vu une balise pas très loin d’ici à l’est, un kilomètre, pas plus. Et une autre vers le sud.
— Il nous en manque une chacune. Il va falloir nous séparer…
— Plus vite nous aurons nos balises et plus vite nous pourrons terminer le stage, déclara Galata.
— Tu as raison. Il ne nous reste plus beaucoup de temps.
— Mangez le reste de soupe, conseilla Doug. Prenez autant de forces que vous pouvez. Vous devriez rester ici pour dormir.
— Merci en tout cas pour ce repas, remercia Jane. Sans toi, nous serions mortes de faim.
— Pas de quoi les filles. Je vais me remettre en route avant que la nuit tombe. J’aimerais atteindre la zone du troisième objectif.
— Soit prudent alors, conseilla Galata. Et bonne chance à toi.
— Bon courage à toutes les deux. Je veux vous voir réussir le stage !
— Compte sur nous ! répondit Jane.
Doug réuni ses affaires et reparti d’un bon pas dans la jungle.
— Il est vraiment gentil, souffla Jane lorsqu’il fut éloigné. Je ne le savais pas comme ça…
— Tu as raison. Allez, on devrait dormir maintenant.
Elles s’étendirent dans la petite grotte où elles avaient trouvé la balise. Jane s’endormie rapidement tandis que Galata resta éveillée un moment. Elle profitait de l’instant pour relâcher son esprit. Ses pensées étaient dirigées vers Bergen. Ses sentiments étaient toujours là, même si elle avait pu les maîtriser jusque-là. Son cœur se mit à battre plus fort, elle l’imaginait débarquer au milieu de la nuit, traversant la jungle pour lui porter secours.
Elle se sentit un peu honteuse d’une telle pensée, elle qui n’avait jamais eu besoin de l’aide de qui que ce soit. Et pourtant, elle aurait donné n’importe quoi pour qu’il vienne lui porter secours.
Epuisée, elle finit par s’endormir, le visage de son bien-aimé dans la tête, comme s’il l’observait en secret dans les profondeurs obscures de la jungle.
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