Une invention chiadée. Carrément !
Raymond avait son idée. Un truc grandiose, quelque chose qui dépasserait les limites du concevable. Une invention autonome, bardée de capacités surprenantes.
Pour ça, il conçut un mini-univers, qu’il appela monde, puis qu’il baptisa Terre, pour plus de poésie. Ça lui était venu comme ça. Terre. Au départ, ce nom ne signifiait absolument rien mais, à force d’en parler, Raymond estima que ce nom en valait bien d’autres.
Et puis, il insuffla de l’animation sur ce monde tout neuf. Simplement, sans faire de bruit parce qu’il ne voulait pas attirer l’attention de Mister U qui ne manquait jamais une occasion de tout faire voler en éclats avec un de ces obus interplanétaires.
Ainsi, discret comme une blatte dans un placard plein de friandises, Raymond créa un environnement propice à l’épanouissement d’une chose minuscule mais… vivante.
Raymond venait d’inventer la Vie. Rien que ça.
Pas facile à décrire, mais on allait en parler pendant des millions d’années, assez pour occuper les longs après-midi ternes de Mister U qui n’en finissait pas de se rouler les rollmops.
Une sacrée invention : un peu de boue, un peu d’eau, quelques connections électriques dans de minuscules composants organiques, c’est ainsi qu’il les appela, et l’affaire roula toute seule.
Bien au départ.
Puis un peu sur la jante, faut bien admettre.
Raymond, d’abord déçu, resta cependant assez perplexe. Il lui fallut encore bien des millions d’années pour atteindre un résultat à peu près conforme à ses ambitions.
La Vie s’était installée un peu partout sous la surface des eaux de la planète. Au point qu’un jour, les habitants sous-marins en eurent assez d’une promiscuité qu’ils estimaient de plus en plus néfaste à leur bien-être. C’est pourquoi quelques aventuriers à branchies tentèrent avec prudence de s’extraire de leur milieu pour aller voir ce qu’il y avait à conquérir à l’étage du dessus…
Ce fut un sacré pataquès parce qu’ils n’étaient pas adaptés à vivre hors de l’eau. Voyant cela, Raymond se mit immédiatement au boulot et travailla sans relâche jusqu’à leur bidouiller un système respiratoire suffisant pour filtrer des particules d’oxygène en même temps qu’un nouveau cocktail de substances telles qu’azote et autres gaz rares. Puis il laissa grandir ses nouvelles créations, curieux de voir ce qu’elles deviendraient.
Encore quelques millions d’années supplémentaires, et tout ce bazar prospéra sous toutes les formes possibles et imaginables, allant de la plus petite à la plus grande. Il y en eut même pour conquérir le grenier de la planète, se soulageant du fardeau d’une pesanteur qu’ils ne supportaient plus pour la survoler sans trop d’efforts, autres que ceux de quelques coups d’ailes bien sentis.
Raymond-Prométhée se félicita longtemps de son œuvre, admiratif tout plein. Souvent, il intervenait discrètement pour faciliter quelques raccourcis et épargner à ses enfants, c’est ainsi qu’il les appela, bien des vicissitudes inutiles.
Mais, parce que toute expérience est toujours soumise à une myriade d’aléas et autres imprévus, il se trouva un jour que Mister U entendit quelques rumeurs à propos des travaux de son chargé d’affaires…
D’abord intrigué, il fut assez vite jaloux de constater que Raymond, un simple subalterne sans grande envergure, avait su créer ce que lui-même était incapable de concevoir.
Furieux, il décida sans prévenir de balancer sur cette planète toute bleue un des missiles qu’il gardait en stock.
Au cas où...
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