Chapitre 4 : Le Jeu des Ombres

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La Basse Ville était un monstre à deux têtes. Deux forces la modelaient, la maintenaient en équilibre précaire, prêtes à s’entre-déchirer à la moindre étincelle : les Vendus et les Cafards.

Les Vendus, menés par Brenn, étaient des passeurs, des contrebandiers, des survivants avant tout. Ils n’avaient pas de fierté, ou plutôt, leur fierté était d’avoir su plier l’échine au bon moment pour ne pas finir dans la boue. Ils faisaient transiter le X vers la Haute Ville, agissant comme des courroies de transmission entre la crasse et le luxe. Ils étaient méprisés par les habitants de la Basse Ville, mais intouchables, car leur influence garantissait la circulation de l’argent et des ressources.

Les Cafards, en revanche, étaient l’opposition incarnée. Un gang ancien, mythique, dont chaque membre portait un tatouage de cafard sur la peau. Ils étaient bien plus qu’une bande criminelle : ils étaient une idéologie. Ils rêvaient d’une révolte sanglante, d’un monde où le X ne quitterait plus la Basse Ville, où les habitants de la Haute Ville paieraient enfin pour leur arrogance. Ils s’organisaient en cellules, opérant dans l’ombre, préparant une guerre que tous redoutaient.

Leur chef, "Madame", était une femme dont la présence imposait un silence respectueux. Grande, aux traits anguleux, elle parlait peu mais ses mots résonnaient comme des ordres divins. Ses habits étaient masculins, ses manières abruptes, et il y avait chez elle une dualité étrange, comme si elle était à cheval entre deux mondes, entre deux natures. Son charisme faisait d’elle une figure presque mystique.

Ces deux factions avaient déjà ravagé la Basse Ville dans une guerre ancienne. Aujourd’hui, elles s’évitaient soigneusement, se jaugeaient de loin, mais personne n’était dupe : la paix n’était qu’un sursis.

Le QG des Vendus ne payait pas de mine de l’extérieur. Un bar miteux comme il y en avait des dizaines dans la Basse Ville, coincé entre deux immeubles lépreux aux façades suintantes d’humidité. Une enseigne brisée pendouillait au-dessus de l’entrée, grésillant de temps en temps comme si elle hésitait entre la vie et la mort. Mais à l’intérieur, l’endroit respirait une énergie brutale.

Là où l’on aurait pu s’attendre à une ambiance morne et pesante, on trouvait au contraire un repaire grouillant de monde. Des silhouettes avachies sur des banquettes râpées, d’autres qui riaient trop fort autour de verres aux couleurs suspectes, des joueurs de cartes qui se lançaient des regards lourds de menaces. Le plancher collait sous les bottes, et l’air sentait l’alcool bon marché et la sueur.

Rovan s’avança d’un pas assuré, et Altior le suivit en silence, le regard rivé sur l’objectif. Ils ne s’arrêtèrent pas au bar, ni à la salle principale. Non, les affaires sérieuses se traitaient ailleurs.

Ils passèrent une porte banale qui était juste derrière le bar, le serveur, étant surement habité à la scène, n’y prêta aucune attention. Un garde immense les laissa passer après un simple regard vers Rovan. Un couloir s’étira devant eux, faiblement éclairé par des ampoules poussiéreuses accrochées à des fils dénudés. Ils franchirent une deuxième porte après que Rovan eut tapé un code sur une veille porte en acier.

Derrière, encore une autre salle, un autre barrage. Cette fois, deux hommes armés leur barrèrent le passage. L’un d’eux pointa une arme sur Altior sans un mot.

— Il est avec moi, lâcha Rovan d’un ton ferme.

L’homme hésita, jaugea Altior, puis hocha la tête avant de les laisser passer.

Ils traversèrent ainsi plusieurs sas, plusieurs portes, plusieurs regards scrutateurs. À chaque étape, Altior sentait un peu plus le poids de la hiérarchie écrasante qui régnait ici. Il n’était personne. Juste un gamin perdu venu quémander une place.

Puis enfin, ils pénétrèrent dans la dernière salle.

Un salon tamisé, en contraste total avec le reste du QG. Les murs étaient couverts de tapisseries élimées, et une vieille horloge, arrêtée depuis longtemps, trônait sur une étagère poussiéreuse. Une grande table trônait au centre de la pièce, entourée de fauteuils râpés où plusieurs hommes discutaient à voix basse.

Au fond, assis sur un fauteuil de cuir noir, Brenn les attendait.

Il était plus âgé que ce qu’Altior avait imaginé, la quarantaine bien tassée, les traits burinés par les années et les trahisons. Son crâne rasé reflétait la lumière tamisée, et une cicatrice courait sur son front, comme si quelqu’un avait voulu savoir à quoi ressemblait son cerveau. Brenn avait les mains rugueuses et noircies, vestige d’une vie passée à survivre. Mais ce qui frappait le plus, c’étaient ses yeux. D’un gris métallique, froids comme une lame.

Il observait Altior comme on observe un rat tombé dans une cage.

— C’est lui ? demanda-t-il d’une voix rauque, en fixant Rovan.

— Ouais.

Brenn se pencha légèrement en avant.

— T’as un nom, gamin ?

Altior soutint son regard.

— Altior.

— Juste Altior ?

— Un ami m’a conseillé d’oublier mon nom.

Brenn jeta un regard vers Rovan qui n’a pas pu empêcher un léger rictus d’apparaitre.

— Ton ami t’a donné un bon conseil, laisse moi t’en donner un deuxième. Dégage d’ici avant que je te…

— Altior Vorn.

Rovan cria le nom avant même que Brenn ait pu finir sa phrase. Altior lui jeta un regard noir mais Rovan n’y prêta aucune attention.

Le silence tomba immédiatement.

Les hommes autour de la table cessèrent de parler. Certains échangèrent des regards surpris. Brenn, lui, resta impassible. Seul un léger rictus se dessina sur son visage.

— Vorn, hein ? Ça alors…

Son sourire s’élargit légèrement.

— T’étais pas censé crever dans un caniveau, toi ?

Altior ne répondit pas.

Brenn éclata de rire, un rire sincère mais teinté d’ironie.

— Et maintenant, le grand héritier des Vorn veut bosser pour moi ? Putain, si c’est pas beau…

Altior serra les dents.

— Rovan m’a sauvé la vie. Je lui dois quelque chose.

Brenn haussa un sourcil, amusé.

— C’est donc ça, ton grand projet ? Rejoindre une bande de criminels pour rembourser une dette d’honneur ?

Son ton dégoulinait de mépris.

— Bordel, t’es vraiment qu’un gosse.

Il s’adossa à son fauteuil et le fixa un instant, comme s’il jaugeait un objet abîmé dont il n’était pas sûr de l’utilité.

— J’ai pas besoin de gamins paumés dans mes rangs. Surtout pas des ex-riches qui pensent que la misère, c’est juste un passage avant de retrouver leur trône.

Il fit un geste vers la porte.

— Tire-toi.

Altior ne bougea pas.

— Je ne suis pas un gosse.

Brenn haussa un sourcil.

— Ah ouais ? Et alors, t’es quoi ?

— Un homme qui veut se venger.

Cette fois, Brenn ne rit pas.

Altior sentit tous les regards peser sur lui, mais il continua.

— Les Kale m’ont tout pris. Ils ont détruit ma famille, ma vie, et m’ont jeté ici comme un chien. Je n’ai plus rien à perdre.

Brenn le dévisagea, sans ciller. Puis, lentement, un sourire s’étira sur son visage.

— Ah… Voilà qui est intéressant.

Il se leva, s’approcha d’Altior et le fixa droit dans les yeux.

— Tu veux prouver que t’as des couilles ? Très bien.

Il claqua des doigts.

Un homme s’approcha, tenant une boîte métallique. Il l’ouvrit et en sortit un revolver au barillet vide. À côté, six balles.

Brenn s’assit sur le rebord de la table et fit tourner l’arme entre ses doigts.

— Le test est simple. Tu lances ce dé.

Un autre homme posa un dé à six faces sur la table.

— Le chiffre qui sort, c’est le nombre de balles que tu mets dans le barillet.

Il marqua une pause, laissant le poids de ses mots s’ancrer dans la pièce.

— Puis tu mets ça sur ta tempe et tu tires.

Altior sentit un frisson lui parcourir l’échine. Mais il ne broncha pas.

— Si tu crèves, pas de chance. Si tu vis… alors t’as peut-être ta place ici.

Brenn le regarda avec un sourire carnassier.

— Alors, petit prince ? T’as vraiment rien à perdre ?

Altior avança d’un pas et prit le dé. Il le fit rouler sur la table.

Le cube de plastique cogna le bois plusieurs fois avant de s’arrêter sur le chiffre trois.

Un murmure parcourut la salle.

Brenn ricana.

— Eh bah… ça aurait pu être pire.

Altior prit les trois balles et les chargea lentement dans le barillet, sous les yeux attentifs de toute l’assemblée. Puis, sans trembler, il leva l’arme contre sa tempe.

Altior sentait déjà depuis un moment qu’il n’était plus le même, et sa tranquillité effrayante face à cette situation si dangereuse le confirmait.

Il inspira profondément.

Un silence pesant s’installa.

Puis avec le calme d’un assassin, il pressa la détente.

Clic.

Rien.

Un léger sentiment de déception s’est fait ressentir dans la salle. Un sourire furtif passa sur ses lèvres. Il reposa l’arme, prêt à savourer son triomphe.

Mais Brenn le coupa net.

— Ah non. Pour les fils de bourges qui ont profité de la Basse Ville sans en avoir rien à foutre de nous… le test est à faire deux fois. Te rejette le dès et tu ajoutes le nombre de balle qu’il te sort.

Puis après quelques secondes d’hésitation d’Altior il lui chuchota à l’oreille.

— Abandonne et c’est moi qui t’explose le crâne.

Altior sentit son estomac se nouer.

Brenn lui tendit le dé avec un sourire.

— Lance.

Le cube roula à nouveau.

Un un.

La tension s’épaissit encore. Altior glissa une dernière balle dans le barillet et plaça à nouveau le revolver contre sa tête.

Avec 4 balle dans le barillet il avait, à ce moment la, 2 chance sur 6. 2 chances sur 6 de survivre et de continuer sa quête et son destin funèbre. Et en même temps 4 chance sur 6 de se libérer de cette malédiction…

Clic.

Toujours rien.

Un silence stupéfait s’abattit sur la pièce.

Puis Brenn éclata de rire.

— Bordel, t’as une chance de merde.

Il posa une main sur l’épaule d’Altior et le fixa un instant, son regard toujours insondable.

— Bienvenue chez les Vendus, gamin.

Les premiers jours sous l’aile de Brenn furent une leçon de douleur. On lui assigna des tâches ingrates : nettoyer les restes de deals ratés, transporter des colis dangereux, assister à des exécutions sans broncher. Il devait prouver qu’il appartenait à ce monde.

La morale, cette chose fragile qu’il avait encore essayé de préserver, se fissurait chaque jour un peu plus.

Un soir, Rovan le retrouva assis sur une marche, les mains tremblantes.

— Ça te plaît ici ? demanda-t-il en tendant un inhalateur de faux-X.

Altior l’attrapa et inhala une longue bouffée.

— Ce qui me plaît, c’est que les Kale souffriront à cause de moi.

Un rire rauque s’échappa de la gorge de Rovan.

— T’es un putain de sacré numéro mon gars.

C’était ça, la clé à la survie d’Altior. Peu importait les compromis, tant que la vengeance était servie. Il y croyait, jusqu’à ce qu’il découvre la vraie tragédie de son choix.

La nuit tombait sur la Basse Ville, une chape noire qui engloutissait les ruelles enchevêtrées et les venelles suintantes de crasse. L'air était lourd, saturé des odeurs d'humidité, de métal rouillé et de sueur rance. On disait que la Basse Ville ne dormait jamais, mais ce n'était pas tout à fait vrai. Il y avait des heures où le silence devenait plus pesant, plus menaçant. L’heure des charognards.

Altior et Rovan avançaient d’un pas assuré à travers le dédale de rues étroites, éclairées par des néons défaillants qui grésillaient comme des insectes mourants. Ils étaient en mission. Une mission simple, presque banale : récupérer une dette auprès d’un revendeur de X qui avait oublié à qui il devait de l’argent. Un avertissement. Un passage obligé dans la hiérarchie des Vendus.

— Il s’appelle Joren, expliqua Rovan en vérifiant son pistolet dans l’ombre d’une alcôve. Un petit connard qui pense pouvoir vendre sans payer sa part.

Altior hocha la tête, silencieux. Il n’aimait pas ce genre de tâches, pas parce qu’il trouvait ça moralement discutable — cette notion avait disparu de son esprit depuis longtemps — mais parce que c’était répétitif. Il n’y avait pas de gloire à tabasser un minable.

Ils arrivèrent devant un entrepôt en tôle ondulée, une bâtisse délabrée où Joren menait ses affaires. L’endroit était plongé dans une obscurité presque totale, seules quelques lumières diffuses filtraient à travers les fissures du bâtiment. Trop calme.

Rovan échangea un regard avec Altior.

— Ça pue.

Il poussa la porte lentement.

L’intérieur de l’entrepôt était un cauchemar figé. L’odeur métallique du sang domina immédiatement tout le reste. Les caisses de X étaient renversées, éventrées, le contenu dispersé sur le sol. Et au centre de la pièce, sous un pauvre halo de lumière, se trouvait le cadavre de Joren.

Il était affalé sur une chaise, la tête renversée en arrière, la gorge tranchée d’une oreille à l’autre. Ses yeux vitreux fixaient le plafond comme s’il avait cherché une réponse là-haut, une seconde avant de mourir.

— Merde.

Altior n’eut pas le temps de répondre.

Un bruit sec, un sanglot étouffé.

Il tourna légèrement la tête, et c’est là qu’il la vit.

Une gamine.

Petite, frêle, recroquevillée dans un coin de la pièce. Ses genoux ramenés contre sa poitrine, ses bras entourant son corps tremblant. Elle ne devait pas avoir plus de huit ou dix ans. Son visage était couvert de larmes et de crasse, ses grands yeux effarés cherchaient désespérément une issue.

— Putain… murmura Altior.

Il s’approcha lentement, les mains légèrement levées, comme on le ferait face à un animal blessé.

— Hé… calme-toi. T’as rien à craindre, d’accord ?

Elle ne répondit pas. Elle tremblait trop.

— On va pas te faire de mal, gamine, je te promets.

Il s’agenouilla devant elle, sentant son propre cœur ralentir sous l’intensité du moment. Une gosse, ici ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle foutait au milieu de ce carnage ?

— Comment tu t’appelles ? tenta-t-il d’une voix plus douce.

Elle leva enfin les yeux vers lui.

Un éclair d’émotion passa dans son regard. Quelque chose d’indéchiffrable.

Puis elle bougea.

Trop vite.

Altior n’eut pas le temps de comprendre.

Il sentit une brûlure fulgurante traverser son visage. Quelque chose de tranchant, de glacial, ouvrit sa chair comme du papier. Un éclair rouge passa devant ses yeux.

Puis une détonation.

La tête de la petite fille explosa sous l’impact de la balle.

Du sang, de la cervelle, des fragments d’os éclaboussèrent les murs, le sol… Altior lui-même. Il resta figé, à genoux, le souffle court, une main plaquée contre sa joue qui pissait le sang.

La gamine s’effondra sur le sol, le corps secoué d’un dernier spasme.

Rovan abaissa lentement son pistolet.

— C’était une embuscade, déclara-t-il simplement, comme s’il venait de tirer sur un chien enragé.

Altior ne répondit pas. Il ne pouvait pas.

Quelque chose venait de se briser en lui.

Un rire résonna dans l’entrepôt. Glacial.

Des silhouettes émergèrent des ombres. Une, deux… non, des dizaines. Des hommes et des femmes cagoulés, armés de lames, de battes et de vieux pistolets rouillés.

Les Cafards.

Et, parmi eux, une femme s’avança. Grande, vêtue de cuir sombre, une présence imposante malgré sa silhouette fine.

Madame.

Elle s’arrêta à quelques pas d’Altior, l’observant avec un sourire narquois.

— Alors, la Ghoule, on s’attache aux gamines, maintenant ?

Son ton était moqueur, cruel.

Altior ne bougea pas.

Il regardait toujours le corps de la petite fille. La mare de sang qui s’élargissait sous sa tête explosée.

— Vous êtes sur mon territoire, continua Madame en s’accroupissant devant lui, posant une main sous son menton pour le forcer à relever la tête. Et personne ne vient foutre la merde chez moi sans mon accord. Pas même vous.

Elle laissa planer un silence.

— T’as eu ton avertissement.

Elle se releva et fit un signe à ses hommes. Personne ne touche Altior ni Rovan.

— Dites à Brenn que s’il envoie encore ses chiens, je les tuerai.

Puis elle tourna les talons, et les Cafards disparurent dans la nuit.

Altior resta à genoux, incapable de bouger.

Il ne savait pas combien de temps passa avant que Rovan ne le tire en arrière, le forçant à se lever.

— Allez, on se casse.

Mais Altior n’était plus tout à fait là.

Il passa des nuits entières à revoir la scène.

Le regard de la petite fille avant qu’elle ne sorte sa lame.

L’instant où il avait compris trop tard.

Le coup de feu.

Et son corps sans vie.

La douleur de sa cicatrice était insignifiante comparée à ça.

Il voulait pleurer, mais à chaque fois qu’il fermait les yeux, il ne ressentait que du vide. Un gouffre sans fond.

Jusqu’à ce que Rovan, un soir, le trouve assis seul, à fixer le mur.

— Tu vas te rendre malade à force d’y penser.

Altior ne répondit pas.

— T’avais pas le choix.

Toujours rien.

Rovan soupira, s’accroupit à côté de lui, et posa une main sur son épaule.

— T’as survécu. C’est tout ce qui compte.

Quelque chose en Altior se brisa définitivement à cet instant.

Il leva les yeux vers Rovan, et pour la première fois, il comprit.

Il n’y avait pas de morale dans ce monde.

Seulement ceux qui vivaient et ceux qui crevaient. Ceux qui choisissaient la lumière et ceux qui choisissait la nuit.

Et lui, il avait décidé.

Il ne pleurerait plus jamais.

Les semaines devinrent des mois. Altior n'était qu’un pion, une ombre parmi les ombres. On ne lui confiait rien d’important, juste les tâches ingrates que personne ne voulait faire.

Il n’aimait pas ça. Mais il faisait ce qu’on lui disait.

Il apprit vite. À marcher la tête haute dans une ruelle où chaque regard pouvait être une menace. À ne jamais tourner le dos à quelqu’un. À ne jamais hésiter. Il cessa de parler comme un fils de bonne famille, adoptant le langage rugueux des bas-fonds, jusqu’à ce que même les plus anciens des Vendus oublient d’où il venait.

Son premier coup dur vint d’un homme qu’il pensait pouvoir appeler « ami ». Un autre membre du gang, jaloux de la confiance que Brenn commençait à lui accorder, l’attira dans un piège. Une ruelle sombre, un couteau dans l’ombre. Altior s’en tira, mais non sans mal. Son agresseur, lui, finit la gorge ouverte contre un mur, son propre poignard enfoncé jusqu’à la garde.

Ce soir-là, quelque chose changea.

La peur disparut.

Brenn vit cette transformation et commença à lui confier des missions plus risquées. Extorsions, menaces, intimidations… Altior s’exécuta sans poser de questions. Peu importait ce qu’on lui demandait. Chaque goutte de sang versée était une offrande à sa vengeance.

Puis vint le moment de non-retour.

Une nuit, il reçut l’ordre d’exécuter un informateur qui avait vendu des informations aux cafards. Juste un vieux rat, fatigué, qui tremblait en le suppliant de l’épargner. Avant, Altior aurait peut-être hésité. Mais ce soir-là, il pressa la détente sans frémir.

Le corps s’effondra.

Il regarda l’arme dans sa main. Son cœur battait à un rythme lent et régulier.

C’était fait.

La Basse Ville s’en souviendrait.

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