Point de vue : Morel

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Le lieutenant Morel se tenait dans l’ombre d’un coin de rue, ses jumelles à vision nocturne braquées sur l’entrepôt. Il observait les silhouettes en mouvement : les hommes du gang transportaient une caisse ; des armes, probablement russes. Une cargaison assez lourde pour alimenter le marché noir de toute la région. Tout était en place. Ce soir, le lieutenant Morel allait frapper un grand coup. Ce soir, il allait écraser cette vermine.

Devant l’entrepôt, Diego, le chef du gang, fumait tranquillement, comme s’il n’avait rien à craindre. Morel serra la mâchoire. Il détestait ce genre d’hommes : brutaux, sûrs d’eux, persuadés d’être intouchables. Un parasite qui s’accrochait à la ville et la gangrenait. Mais ce soir, c’était terminé. La justice l’emporterait. Et tout cela, grâce à Alex.

Sans l’infiltration d’Alex, ils n’auraient jamais pu obtenir autant d’informations. Morel abaissa un instant ses jumelles et jeta un coup d’œil à sa montre. Cinq minutes avant la transaction.

Il releva les yeux. Diego tourna les talons. Tranquille. Détendu, il se dirigea vers un angle mort, impossible à percevoir pour Morel. Il plissa les paupières derrière les jumelles, surpris : Diego ne quittait jamais une transaction avant qu’elle soit réglée.

— Tu crois qu’Alex est à l’intérieur ? demanda un agent, la voix tendue.
— Non, je lui ai dit de s’éloigner. Il ne doit pas se mettre en danger. Ces gars-là ne plaisantent pas.

Morel faisait confiance à Alex. Il devait lui faire confiance. Quatre ans d’infiltration, c’était long. Trop long. Il savait à quel point ce genre de mission pouvait ronger un homme. Mais Alex n’était pas n’importe qui. Il avait peut-être appris à parler comme eux, à vivre comme eux, mais il n’en faisait pas partie. Il restait l'un des plus grands flics de sa génération. Il restait Alex. Son Alex. Bientôt, ils allaient se retrouver. Il n’y aurait plus d’infiltration, plus de danger. Juste eux. Comme avant.

Cinq secondes avant la transaction. Le silence s’étira. Un silence anormal. Diego et ses hommes s’étaient éloignés depuis trop longtemps. Personne n’était revenu. Pas de voiture suspecte en approche.

Mauvais signe. Il activa son talkie-walkie.

— Alex ?

Aucune réponse.

— Alex, tu me reçois ?

Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale. Une sensation qu’il refusa d’identifier. Il ne pouvait pas se permettre de perdre cette chance. Il fit alors signe à ses hommes d’avancer. Le plan était millimétré. Entrée rapide, neutralisation des suspects, sécurisation de la marchandise. Rien ne pouvait mal tourner.

L’assaut fut donné.

Vide.

Une unique caisse trônait au centre du hangar, incongrue dans cette immensité silencieuse.

— C’est quoi ce bordel ? grogna un agent.

Quelque chose clochait. Ce n’était pas normal.

— Alex, le salaud, il nous a vendus ! répéta ce même agent.

— Non.

Ses mots claquèrent dans l'air comme un fouet. Il aurait pu tolérer n’importe quelle erreur, n’importe quelle défaillance. Mais pas ça. Pas Alex. Pas possible. Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais un bruit sourd lui coupa la parole. Un flash. Une onde de choc.

L’explosion le projeta violemment contre un mur. Le béton lui arracha un cri de douleur. La chaleur dévorante des flammes et la poussière lui brûlèrent la gorge. Tout était flou tandis que le goût métallique du sang envahissait sa bouche. Luttant contre l’engourdissement, il leva la tête.

Et il le vit.

À travers l’épaisse fumée, au loin, juste à la lisière du chaos, une silhouette. Une ombre familière, figée.

Alex.

Leurs regards se croisèrent. Morel sentit quelque chose se fissurer en lui. Un gouffre béant. Ce n’était pas possible. Alex n’aurait jamais fait ça. Il avait forcément une raison, une explication, une justification.

Mais le visage d’Alex parlait pour lui. Ses yeux étaient grands ouverts. Il ne bougeait pas. Il ne tenait même pas à s’expliquer. Et Diego s'insinua derrière lui, comme un serpent venimeux. Alex se détourna vers le serpent, indifférent, quand la réalité s'écrasa sur Morel et ses certitudes.

C’était un piège.
Une exécution préméditée.
Alex l’avait livré.

Il voulut crier son nom, mais sa voix se brisa dans un souffle. Un murmure noyé dans le vacarme des flammes.

— Pourquoi… ?

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