Chapitre 2

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Meerah se réveilla en sursaut. Un instant, elle eut même l’impression avoir poussé un cri. Néanmoins, personne ne semblait l’avoir entendu. Elle mit un temps qui lui sembla être une éternité avant de se rendre compte qu’elle était dans son lit, dans sa chambre, dans l’appartement qu’elle occupait avec son frère et Jude. Elle passa ses mains sur son visage quand elle entendit la porte de sa chambre s’ouvrir, elle crut avoir une hallucination quand elle reconnut la silhouette qui se présentait à elle. Raphaël. Elle le regarda sans comprendre.

- Ça va ? Je t’ai entendu crier, dit-il avec cette même voix douce qu’il prenait quand Meerah semblait perturber.

Elle ne comprenait plus rien. Où était la réalité dans tout ce qu’elle voyait ? Elle venait de faire ce même rêve, si c’était bien un rêve. Cette fois-ci, les détails semblaient plus clairs, elle voyait bien qui était cette personne gisant au sol, le corps lacéré par d’étranges marques. Elle était tellement perdue qu’elle ne répondit pas à Raphaël, qui fut rapidement rejoint par Rhamee et Jude.

- Tout va bien ici ? Dit Rhamee en regardant sa sœur.

- Oui. Ce n’était qu’un mauvais rêve. Ça ne vous arrive jamais ? dit-elle en se levant enfin.

Elle ne savait pas trop comment son corps pouvait répondre à cette commande, tant il lui faisait mal. C’était comme si chaque parcelle de son corps luttait contre cette réalité. Meerah n’arrivait plus à faire la différence entre ses rêves et la réalité. Tout lui semblait bien trop réel, ou plutôt trop irréel. Elle était persuadée qu’elle ne reverrait jamais Raphaël, et pourtant, il était là, devant elle, sans la moindre trace de griffe sur le corps. Si elle venait à parler de ce rêve qu’elle avait fait, elle passerait pour une folle. Puis, comment expliquer de façon rationnelle qu’elle avait vu son meilleur ami mourir sous ses yeux, attaqué par une étrange créature aux longues griffes ? Rien qu’à cette pensée, elle secoua la tête, oubliant presque la présence de son frère et de ses amis à la porte de sa chambre. Elle ne savait même plus quel jour on était. Pour elle, le bal était hier soir, mais était-ce réellement le cas ? Elle avait l’impression que tout était flou, comme si elle était perdue dans un épais brouillard et qu’elle n’arrivait plus à retrouver son chemin. Elle se dirigea vers l’entrée de sa chambre. C’est là qu’elle se rendit compte que les trois étaient toujours là à l’observer, essayant eux aussi, sans doute, de comprendre ce qui arrivait à Meerah.

- Je vais bien. Alors laissez-moi aller prendre une douche.

Elle aurait peut-être dû ajouter que cette douche devait être froide, voir glacée, dans l’espoir de remettre toutes ses idées en place. Ils finirent par la laisser passer, en se jetant des regards, comme s’ils attendaient que l’un deux prennent la parole pour poser la question qui leur brulait tous les lèvres : de quoi avait-elle rêver ?

Meerah resta un moment dans la salle de bain. Elle se repassait son rêve en boucle, mais tout était redevenu flou. Quand elle sorti enfin de la salle de bain, elle se rendit compte qu’elle y était peut-être restée plus longtemps qu’elle ne l’avait pensé. Jude était parti en cours, et Raphaël était rentré chez lui. Il avait visiblement dormi sur le canapé après être rentré tard du bal. Sans le savoir, Rhamee venait de clarifier un point dans le brouillard qui entourait la jeune femme. Le bal avait bien eu lieu la veille, ils étaient bien rentrés tous les trois ensemble à l’appartement. La seule différence avec son rêve était donc que Raphaël était toujours en vie.

Le temps d’une seconde, elle se rappela aussi que Raphaël et elle avait tenté de s’embrasser avant d’être interrompu par Jude, mais elle n’arrivait pas à savoir si cette tentative était la réalité ou le fruit de son imagination comme la mort du garçon…

- De quoi as-tu rêver cette nuit ?

Rhamee venait d’extirper sa sœur de ses pensées, alors qu’elle se préparait quelque chose à avaler, même si elle n’avait pas vraiment faim. Meerah le regarda. Habituellement, son frère la laissait vivre sa vie. Ils étaient proches, sans trop l’être. On aurait pu penser que l’absence de leurs parents les rapprocheraient, mais ce n’était pas le cas. Du moins, ils n’étaient pas du genre à se raconter tout de leur vie. Chacun avait ses petits secrets. La question de Rhamee décontenança donc la jeune femme. Elle n’avait pas vraiment prévu de parler de cette étrange scène qu’elle avait vécu.

- Ce n’était qu’un cauchemar Rhamee, je ne me rappelle même pas ce qu’il s’y passait.

- Ne me mens pas Meerah.

- Pourquoi je mentirais sur quelque chose d’aussi futile ?

- Parce que ce n’est pas futile. On est tous passé par là.

A cette phrase, Meerah arrêta ce qu’elle était en train de faire. Elle laissa en suspens sa cuillère remplie de céréales et regarda son frère. Elle fronça les sourcils et finit par reposer la cuillère dans son bol. Elle eut des dizaines de questions qui passèrent dans son esprit, mais elle ne su pas articuler une seule d’entre elles.

- Il est peut-être temps que tu saches…

Il ne semblait pas réellement convaincu en disant cela. Il se gratta la nuque. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle n’avait jamais vu son frère ne pas être sûr de lui. Elle n’arrivait toujours pas à prononcer un seul mot.

- Prépare toi… On sort.

Elle resta quelques secondes plantée en face de lui. Elle n’avait pas touché à son bol de céréales, mais le laissa trainer sur le plan de travail avant d’aller dans sa chambre pour prendre ses affaires. Elle ne savait pas trop où il l’emmenait, mais elle se contenta de le suivre. Sa tête n’était toujours pas sortie du brouillard dans lequel elle se trouvait. Même si Rhamee avait déjà éclairé ses pensées en mentionnant que le bal avait bien eu lieu hier soir. Mais ce n’était pas suffisant.

Rien n’était réellement suffisant à cet instant précis. C’est comme si tout n’était qu’illusion autour d’elle. Elle termina de s’apprêter dans un silence pesant. Elle avait l’impression que l’air qui l’entourait était lourd, comme si quelque chose allait se passer. Et c’était sans doute le cas. Elle n’arrivait pas à se souvenir de la dernière fois que Rhamee et elle étaient sortit tous les deux. Bien sûr, ils habitaient ensemble, mais il y avait aussi Jude et, très souvent, il y avait aussi Raphaël. C’était donc assez rare qu’ils se retrouvent plus de quelques minutes seuls. Elle se regarda dans le miroir. Il y avait quelque chose d’étrange dans son propre regard, mais elle était incapable de comprendre de quoi il s’agissait.

Rhamee avait été silencieux pendant tout le trajet en voiture. La jeune femme s’était contentée de regarder les rues défiler par la fenêtre. Meerah se redressa sur son siège lorsqu’ils se mirent à rouler sur une allée abritée par d’immenses arbres au feuillage quasi inexistant. Elle n’était jamais venue ici. Elle n’était même pas consciente qu’un tel endroit pouvait exister non loin des pavés de la ville. Elle jeta un œil à son frère qui ne laissait paraitre aucune émotion sur son visage. Il finit par arrêter la voiture devant une grande bâtisse ancienne. Elle imita son frère, lorsqu’il ouvrit la portière pour descendre de la voiture. Elle regarda le domaine qui s’étendait autour d’elle. La bâtisse semblait très ancienne, peut-être datait-elle du siècle dernier, ou encore celui d’avant. Elle était en mauvais état, plusieurs fenêtres étaient brisées, la porte ne semblait tenir que par quelques gonds et prête à s’effondrer si on la touchait, tandis que les plantes, verdures et autres fleurs fanées ne semblaient suivre aucune règle. Le tout donnait un aspect abandonné à l’endroit. D’ailleurs, elle comprit rapidement que cette bâtisse n’avait surement pas connu de vie humaine depuis des années. Rhamee lui indiqua de le suivre, alors qu’il se dirigeait vers l’immense porte en bois ternie par le temps. Elle n’était pas certaine que ce fût la bonne chose à faire, mais son frère semblait tellement sûr de lui qu’elle finit par le suivre. Contrairement à tout à l’heure, il semblait avoir retrouvé toute sa confiance en lui. La porte grinça lourdement contre le sol au carrelage fissuré.

Dans la maison, tout semblait avoir été abandonné sur place. Il y avait de vieux fauteuils poussiéreux, des tables aux pieds cassés, une cuisine dont les portes des meubles ne tenaient plus vraiment… Les gens semblaient simplement s’être envolés en laissant toutes leurs affaires sur place. Un sentiment étrange envahi Meerah, comme si quelqu’un la regardait. Mais il n’y avait qu’elle et son frère. Les prunelles vertes de son frère, qui s’étaient posées sur elle, semblaient avoir viré à une couleur plus jaune, presque comme une ampoule qui venait de s’allumer au fond de ses orbites. Il s’approcha de sa sœur et pris ses mains.

- Ferme les yeux.

- Pourquoi ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

- Ferme les yeux, sans poser de question, insista-t-il, non sans avoir laisser échapper un soupire.

Il le savait, Meerah n’était pas du genre à faire les choses sans poser de question. Elle observa l’expression sur le visage de son frère quelques instants. Il avait l’air contrarié, ou peut-être agacé qu’elle n’obéisse pas immédiatement. Elle finit par clore ses paupières pour espérer voir l’exaspération de son frère disparaitre des traits du visage de son ainé.

- Ouvre les yeux, finit-il par dire, presque en chuchotant.

Quand elle rouvrit les yeux, elle crut que son cœur s’était arrêté de battre. La maison n’était plus là. Il n’y avait plus aucune couche de poussière, aucun débris jonchant le sol, rien… Elle sentit un long frisson parcourir sa peau. Par réflexe, elle recula et lâcha les mains de son frère. En tant normal, elle aurait senti son cœur se mettre à battre à toute vitesse dans sa poitrine, mais elle ne sentait rien. Elle regardait son frère. Ses yeux avaient toujours cet éclat lumineux.

Elle aurait voulu articuler un mot, mais elle n’y arrivait pas. Son regard passa du visage, qui ne lui semblait plus aussi familier qu’autrefois, au décor qui l’entourait désormais. Elle avait cette étrange de déjà-vu. Elle en était certaine. Elle était déjà venue dans cet endroit, aussi étrange soit-il. L’endroit était sombre, un courant d’air chaud venait d’un endroit inconnu, tandis qu’ils semblaient se trouver au milieu d’un couleur délimité par d’immenses pierre. En observant bien l’endroit, elle se rendit compte que les pierres, qui arboraient une couleur charbon et certains reflets rougeâtres, semblaient s’étaler à perte de vue, aussi bien devant elle, que derrière, mais aussi, et c’était sans doute là le plus surprenant, au-dessus de leurs têtes.

Cette sensation étrange que son cœur ne battait plus en elle ne la quittait pas. Elle observa le visage de son frère. Il ne semblait pas prêt à lui expliquer où ils étaient et ce qu’ils faisaient ici. Elle s’apprêta à lui poser la question, lorsqu’un nouveau frisson parcourut son corps, malgré l’air étouffant qui venait d’envahir l’endroit. Elle sentit une présence, comme lorsqu’elle avait pénétré dans la maison. Elle était convaincue qu’il n’y avait que Rhamee et elle dans cet endroit, mais une petite voix, quelque part au fond d’elle ou peut-être quelque part autour d’elle, lui souffla de se tourner pour voir ce qu’il y avait derrière elle.

Si elle avait encore senti son cœur battre dans sa poitrine, il se serait sans doute arrêté. Une nouvelle fois, cette étrange sensation de déjà vu s’empara d’elle. Ce qu’elle avait face à elle lui glaça chaque parcelle de sa peau. Elle était incapable de bouger ou de parler. Cette chose n’était pas humaine. Elle secoua la tête, espérant que tout ceci n’était qu’un cauchemar et qu’elle se réveillerait d’ici quelques minutes au milieu de son lit. La forme se mouvait, puis changea, prenant maintenant une forme humaine. Elle en était maintenant sûr. Ce n’était pas une simple sensation, elle avait été face à cette sorte de créature…

- Bienvenue à la maison, ma chère Meerah, dit la créature, un sourire étirant en coin ses lèvres et sa voix rauque étouffant la respiration de la jeune femme.

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