La sentinelle

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L’invitation de Triton ne tarda pas, Cédric était attendu pour le dimanche matin, à l’aube. Hortense patientait sur le ponton, fraiche comme une rose alors qu’il peinait encore à dissiper les dernières traces de sommeil. Il avait enfilé une combinaison de plongée destinée à le protéger de la morsure du froid des profondeurs marines. Ils embarquèrent sur le zodiac, Hortense prenant la navigation en main et, bien qu'elle n’eût pas encodé de coordonnées de longitude et latitude, elle les guidait droit vers la mystérieuse citée. Grâce à un rapide coup d’œil au cadran du bateau, Cédric estima être à environ trente kilomètres de la côte lorsqu’elle s’arrêta.


— Comment sais-tu que nous sommes au bon endroit, ma tante ?

— Tu n’entends pas leurs signaux acoustiques non vocaux ?

— Non, répondit le nouvel ambassadeur en tendant l’oreille.

— Le peuple de la mer utilise un système de communication similaire à celui des dauphins. Ici, je peux repérer ceux produits par leurs jets de bulles. Ils sont particulièrement concentrés, nous sommes bien au-dessus de leur cité.


Connaissant le son à identifier, Cédric se pencha par-dessus bord. Ses cheveux blonds frôlaient la surface de l’eau lorsqu’il commença à percevoir le bruit émis. Sa tante l’encouragea à plonger sa main dans l’océan afin d’apprendre à reconnaitre leurs vibrations aquatiques.


— Tu sembles t’intéresser beaucoup à leur mode de vie, s’étonna-t-il connaissant son aversion pour cette partie de ses origines.

— Ma mère nous parlait souvent de ce peuple mythique lorsque nous étions jeunes et leur façon de vivre m'intriguait. Je lui posais des tas de questions et elle m’expliquait le fonctionnement de leur langage, tantôt similaire aux dauphins, tantôt aux lamantins. Comme beaucoup d’enfants, j’aimais ces adorables créatures et je m’imaginais océanologue à l’époque.

— C’est pour cela que tu détiens des informations différentes de celles données par mon père.

— Il préférait quand mère décrivait les colères de Triton et les combats pendant lesquels le roi terrassait ses ennemis. Cela a été un atout pour Philippe lorsqu'il a pris la relève et qu'il a commencé à négocier avec Triton.


Connaissant le mauvais caractère légendaire du roi des mers, Cédric se sentit tout à coup moins franc pour cette mission. Puis, se rappelant qu’ils étaient de la même famille, il afficha un timide sourire en se tournant vers sa tante.


— Tu ne veux pas m’accompagner ? C’est ton grand-père quand même, tenta le jeune homme.


Hortense détourna le regard, lissant une salopette qui n’avait pas besoin de l’être. Cédric avait eu plusieurs communications télépathiques en rêve avec Triton et sa voix sonnait toujours de façon autoritaire. Hortense avait osé le défié, avait-elle peur de rencontrer ce peuple fui pendant des années ?


— Nos voix émettent des fréquences inaudibles pour les humains qui peuvent traverser de longues distances, reprit-elle sans répondre à sa question. Certains soirs, quelques individus remontent à la surface pour profiter de l’air iodé. Dans ce cas, ils peuvent percevoir ces fréquences lorsque le vent les porte dans leur direction.

— Comme le jour où j’ai communiqué avec Triton pour la première fois ?

— Tu as probablement été entendu par un de ces individus et il aura ensuite transmis le message. Je suis d’ailleurs surprise de ne pas en encore avoir vu une sentinelle accourir au son de nos voix.


À ce moment, l’être qui les avait secourus lors du naufrage fit surface. À l’air libre, la ressemblance Cédric était moins marquée. Il était plus mince, avec un teint diaphane et des cheveux nacrés, mais le lien de parenté entre eux était évident.


— On dirait que ton sauveur sera notre guide aujourd’hui, s’amusa ma tante en me donnant une petite tape sur le dos.

— Pourquoi copie-t-il encore mon apparence, s’étonna le jeune homme ?

— Tu es probablement le seul humain connu de lui. Il en profite pour s’entrainer.


À ces mots, la sentinelle se transforma en Adrien, mais son teint pâle et ses traits fins rappelèrent plutôt Alicia.


— Il a aussi mémorisé le visage d’Alicia. Mais il ne doit pas encore maitriser ses cordes vocales pour lui permettre de s’adresser à nous.

— Ça ne sera pas pratique.

— Tu devrais pouvoir lui parler sous l’eau. Dans leur monde, ils peuvent communiquer directement avec ton esprit.


Cédric se sentit vulnérable à l’idée de voir toutes ses pensées puissent être mises à nu. Puis, il se rappela que son temps sous l’eau était limité. En se concentrant sur sa tâche, il devrait ne pas trop divaguer.


— J’entends aussi tes craintes en ce moment, taquina Hortense. Mais rassure-toi, c’est uniquement ici. Mon aptitude semble renforcée par la présence de ces êtres. Il est temps d'y aller.


Cédric remplaça ses lunettes de soleil par un masque de plongée et enleva ses tongs. Une fois dans l’eau, les minuscules branchies sous sa peau, à la hauteur de la thyroïde, se mirent à vibrer. Il tenta un message silencieux à l’attention de la sentinelle qui vint immédiatement se frotter à lui.


— Ne t'effraie pas, c’est sa façon de te souhaiter la bienvenue, expliqua Hortense avant que je n’aie le réflexe de m’éloigner. Ils communiquent par divers mouvements, dont des contacts physiques.


Je m’appelle Dalgliel et je suis un de tes cousins, Triton t’attend. Je serais, comme toi, l’ambassadeur de mon peuple.


La communication télépathique fonctionnait parfaitement entre eux, mais les paroles de Dalgiel étaient hésitantes. S’il avait le même don que sa grand-mère pour l’apprentissage des langues, leurs échanges pourraient rapidement devenir plus constructifs. Cédric se demanda quelle part de ses pensées secrètes Dalgiel était en mesure de deviner, mais Dalgliel ne semblait pas encore maitriser leur vocabulaire.

Avant de s’enfoncer à sa suite, Cédric observa une dernière fois Hortense. Elle avait mis sa salopette de natation et Cédric savait qu'elle n'hésiterait pas à plonger à son secours en cas de problème. La sentinelle l’attendait et son temps sans air était compté. Les vibrations émises par Dalgliel étaient bienveillantes et Cédric le suivit après avoir fait un dernier signe de la main à sa tante.

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