La violoniste s’était envolée avec la mélodie, en harmonie avec son instrument. Le temps du morceau, la salle s’était évaporée. Le rythme de la musique s’atténua ensuite progressivement, et l’atterrissage s’effectua en douceur. La chape de silence tombée à la fin de la prestation commença à s’animer de murmures, et Alicia resta droite et fière tout en cherchant Cédric du regard. Seul son avis lui importait vraiment cependant, pour la première fois, le visage du jeune noble demeurait indéchiffrable pour elle. Après les mots blessants de Stéphane, elle salua le public, prête à s’enfuir. C’est à ce moment-là que Cédric prit la parole.

La voix du fils du baron s'éleva pour affirmer son autorité face à cet irrespectueux homme de Cro-Magnon. Non seulement il demandait à ses co-équipiers de ne pas oublier la personne qu’ils avaient toujours connue malgré son changement d’apparence, mais il l’avait aussi appelée Alicia. Le cœur de la jeune femme se remplit d’émotions, prêt à déborder. Elle n’avait pas ressenti cela depuis le jour du naufrage et ses interrogations refirent surface.

Le rideau à peine refermé, elle se rendit dans la salle à la recherche de Cédric, afin de le remercier. Il semblait perdu dans ses pensées jusqu’à ce que Solène passe dans son champ de vision et capte son attention. Alicia sentit une lame de chagrin la transpercer, ses sentiments s’emmêlaient.

Solène était à la recherche de son amie, et Alicia fit un geste de la main pour l’inciter à la rejoindre. La violoniste souhaitait partir et Solène était ravie de quitter un lieu dans lequel elle pensait ne pas être à sa place.

Au moment où elles allaient franchir la porte, Cédric les rattrapa.

— Vous n’allez pas vous éclipser maintenant ?

Cette question concernait également Solène et Alicia se demanda si la requête ne lui était pas principalement destinée.

— Je te remercie pour ton intervention Cédric, mais je ne veux pas perturber plus ta soirée.

— Difficile de la perturber plus que ce qui a déjà été fait, ironisa-t-il. Tu aurais pu me prévenir…

Face au silence d’Alicia, il conclut, en se redressant la tête haute et digne.

— Les autres s’habitueront. C’est ta vie et j’espère qu’elle sera un peu plus facile maintenant.

— La prestation de ce soir m’a épuisée. Je préfère rentrer.

— Attends ! Je voudrais aussi m’excuser de ne pas avoir été présent pour toi ces dernières semaines. Pouvons-nous en discuter seul à seul ?

— Oui, bonne idée… On fixe un moment lundi.

Et sans attendre sa réponse, Alicia prit la main de Solène et l’attira vers la porte de sortie sous le regard attristé de Cédric.