Inquiétudes
Cédric s’agitait dans ses draps chauds. Il avait mal à la tête et il hésitait à ouvrir les yeux. Le souvenir de son rêve le ramenait sans cesse vers les deux filles. Il se remémorait la soirée, les expressions passées sur le visage d’Alicia lors des critiques de Stéphane, la vague de soulagement lorsqu’il avait ensuite pris sa défense et enfin le départ précipité des deux amies. Il voulait voir Alicia, lui parler de son étrange famille, lever le secret qui les avait à la fois séparés et rapprochés dans leurs différences. Pourquoi avait-elle fui ainsi ?
Et il y avait Solène. L’ensorcelante Solène dont les yeux verts ne lançaient plus d’éclairs après qu’il ait défendu son amie. À l'instant où ses accusations muettes avaient cessé, Cédric avait enfin pris conscience de sa lâcheté. Il avait eu l’impression qu’elle serait bien restée un peu plus longtemps si Alicia ne l’avait pas entraînée vers la sortie. Cédric aurait préféré passer du temps avec elle, il aurait pu commencer à se racheter pour sa trahison. Mais il était resté seul avec sa culpabilité. Puis était retourné près de ses amis plongeurs avec son masque de bout en train. Il avait proposé une partie de bière-pong à ceux qui ne voulait pas danser au son de l’orchestre prévu pour la soirée. À chaque défaite, à chaque gobelet vidé, sa bonne humeur remontait d’un cran jusqu’à ce que son taux d'alcool l'amène à rejoindre les danseurs.
Encore quelques instants à se perdre dans le souvenir du regard de Solène. Revivre une dernière fois cet instant magique avant qu'il ne s'évapore à la lumière du jour. Et se promettre de suivre ses parents la prochaine fois qu’ils lui proposeraient de les accompagner à un concert, dans l’espoir de la revoir en tenue de soirée.
Cet instant magique fut interrompu par des cris lointains appelant Ludivine. Il reconnut immédiatement la voix de son père au loin. Puis il entendit des pas s’approcher de son antre. La porte s’ouvrit lentement et il tourna la tête vers la fente de lumière. Il reconnut sa mère en entrouvrant les paupières.
- J’espérais te trouver éveillé. Cela fait plus d’une demi-heure que nous cherchons ta sœur. T’a-t-elle informé de certains projets pour ce matin ? questionna-t-elle inquiété.
Cédric marmonna un « non » à peine audible et sa mère referma la porte derrière elle.
La veille au soir, Hortense était venue garder sa sœur et ses parents l’avaient accompagné pour accueillir les invités. Puis Charlotte et Philippe s’étaient éclipsés, laissant les jeunes entre eux. Sa tante devait en savoir bien plus que lui...
Des éclats de voix montaient jusqu’à sa chambre et il finit par se lever. Il enfila ses pantoufles et il se guida en suivant les paroles échangées. En entrant dans la cuisine, il remarqua sa mère adossée à une chaise et son père scrutant le domaine par la porte-fenêtre. Hortense leur préparait une tasse de thé.
- Ludivine ne passait-elle pas la soirée avec toi, ma tante ?
- Oui, oui ... Nous avons joué aux cartes toutes les deux. Puis elle a voulu se coucher sans regarder de dessin animé. Ta sœur était déjà au lit lorsque tes parents sont rentrés.
- J’ai entrouvert sa porte et je l’ai trouvée paisiblement endormie, confirma Charlotte. Quand je me suis réveillée ce matin, Hortense cueillait des feuilles de sauge et de romarin pour se préparer un thé. Elle est restée au manoir pour la nuit.
- Oui, je n'aime pas conduire lorsqu'il fait noir.
- Nous avons discuté jusqu’à dix heures puis je suis montée dans sa chambre. J’ai trouvé un lit vide et des draps déjà froids.
Les dimanches, Véronique était en congé et Hortense s’activait dans la cuisine, tentant de dissimuler sa nervosité. Philippe prit son téléphone portable et essaya de joindre leur domestique. Elle répondit à la troisième sonnerie. Ludivine ne lui avait pas non plus confié de projet pour ce matin et elle proposa de les rejoindre.
- J’ai fouillé le domaine. Elle ne m’a pas répondu. Elle se cache peut-être dans la maison...
- Où elle a eu un accident ...
- N’imaginons pas le pire, ma chérie.
Philippe s’approcha de son épouse et il posa sa main sur son épaule. Dans un soupir, Charlotte essaya de se calmer.
- Je vais regarder dans les endroits où elle aime se cacher. J’en connais plus que vous. Elle nous fait peut-être une mauvaise farce, proposa Cédric.
Au moment où il sortait de la cuisine, il entendit le carillon de la porte d’entrée. Il fit signe à ses parents qu’il allait ouvrir, un peu surpris par la rapidité avec laquelle Véronique les avait rejoints. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver Alicia, les mains sur les genoux, tentant de reprendre son souffle. Ses cheveux trempés semblaient encore plus longs que la veille et les récents souvenirs de le laissèrent sans voix.
- Je sais où est Ludivine, haleta Alicia. Ou plutôt, je sais avec qui elle est.
Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, Cédric la conduisit vers la cuisine. Ses parents pourraient être rassurés en même temps que lui sur le sort de sa sœur.
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