Le temps pour rejoindre la base scientifique depuis le manoir étant relativement court, le voyage avait été principalement rythmé avec les railleries de Cédric concernant la lenteur avec laquelle les femmes se changeaient. Lorsqu’il les avait vues, il n’avait exprimé aucune réaction, comme s’il était normal pour lui de voir Alicia habillée en femme. Alicia se demandait si elle devait considérer ces taquineries comme un point positif ou non. Cédric avait eu besoin de beaucoup de temps, mais une fois son changement de genre accepté, il semblait comme se comporter comme si elle avait été toujours ainsi. Alicia était naturellement devenue son amie d’enfance à la place d’Adrien et elle avait l’impression d’un être asexué pour lui.

Arrivés à la base, ils empruntèrent l’ascenseur vers le niveau moins un. Les lieux étaient déserts le week-end et le baron avait débloqué la porte d’entrée. L’accès au sous-sol était habituellement accessible uniquement à un petit groupe de collaborateurs triés sur le volet. Cédric, comme Alicia, n’avait jamais visité les lieux. Hortense les dirigea vers une salle dont les murs étaient remplacés par d’énormes vitres donnant sur l’océan. Une lumière tamisée permettait d’y discerner quelques poissons colorés. Leur professeure semblait préoccupée par la rencontre à la fois crainte et espérée. Sa mère, était-elle réellement vivante ?

Philippe et Charlotte les attendaient dans la pièce. En découvrant la pièce minimaliste, Alicia ressentit une certaine déception de ne pas retrouver Dalgliel. Ce fut Charlotte qui prit la parole pour leur expliquer ce qui s’était passé avant leur arrivée.

• Dalgliel nous attendait à notre arrivée. Il semblait déçu de ne pas voir de personne avec qui il aurait pu communiquer par télépathie, raconta-t-elle en se tournant vers Alicia.

Perturbée, la jeune fille détourna les yeux vers les pieds d’Hortense.

• Il nous a fait signe de monter vers la surface, poursuivit Charlotte. Nous disposons d’un sas qui nous permet de monter à l’air libre sans être vus. Philipe y va parfois pour communiquer discrètement avec Triton. Mon mari n’a pas hérité de votre don. Dalgliel a pu nous dire quelques mots même si ses capacités vocales sont encore limitées. Il a confirmé que Ludivine est bien avec sa grand-mère. Il est parti la remplacer auprès d’elle et Eléonore devrait bientôt nous rejoindre.

Pressée par le temps lui restant avant l’arrivée de sa mère, Hortense se lança dans les explications quant à sa participation à la disparition de Ludivine.

• Ludivine est venue avec moi sur la plage, là où l’attendait Dalgliel.

Ébahis pas la nouvelle, ils se retournèrent tous vers elle.

• Pourquoi ne nous as-tu rien dit, s’écria Charlotte ? Nous sommes tous morts d’inquiétude.
• Triton voulait vérifier si elle avait hérité d’une partie des dons du peuple de la mer comme Cédric. Elle aurait dû revenir rapidement.
• Et tu l’as laissée seule !

Hortense ne pouvait soutenir le regard de Charlotte. Triton lui avait demandé d’accompagner Ludivine, il insistait même pour qu’elle les rejoigne. Depuis peu, il lui ordonnait de les rejoindre pour apporter sa participation au son champ magnétique protégeant leur île. Et elle avait préféré leur laisser Ludivine, ce qu’elle ne pourrait jamais leur avouer.

• Je comprends les craintes d’Hortense quant à sa transformation dès qu’elle entre en contact, finit par dire Alicia. La douleur ressentie en regardant un corps qui ne nous correspond pas m’est maintenant familière. Non, Hortense n’aurait pas dû laisser Ludivine seule, mais sa situation est bien plus difficile à vivre que vous ne pouvez l’imaginer.

Prompt au jugement, Cédric s’apprêtait à critiquer sa tante lorsqu’Eléonore apparut derrière la vitre. Il s’arrêta net en la voyant, et il indiqua au petit groupe de regarder derrière eux.